Le 17 novembre 2012, lors de la manifestation de réoccupation de la ZAD, des cabanes ont été construites sur un terrain en cours d’expropriation à Notre-Dame-des-Landes. L’objectif était de faire de ces cabanes un carrefour de la lutte contre l’aéroport. Cet espace collectif, la Châtaigne [1], est devenu un lieu emblématique, défendu suivant les semaines par des barricades ou des tracteurs enchaînés, et surtout par la détermination des dizaines de milliers de personnes qui ont participé son édification.
Le 23 novembre dernier, les occupant·e·s de la Châtaigne étaient expulsé·e·s une première fois et leurs outils et matériaux volés par les forces de police. Dès le lendemain la Châtaigne était pourtant reprise collectivement par les soutiens affluant de toute part. En décembre la préfecture a essayé de passer en force pour obtenir la démolition immédiate des cabanes. Mais elle a dû finir par admettre, sous la pression, qu’elle ne pouvait expulser de nouveau sans que les personnes domiciliées en ces lieux puisse se défendre et demander l’obtention de délais. Le 12 mars, les habitants officiels de la Châtaigne sont convoqués au tribunal de Saint-Nazaire. Après avoir attendu pendant plus de deux mois, AGO, propriétaire de la parcelle, invoque aujourd’hui, menace d’amendes salées à l’appui, la nécessité d’expulser immédiatement des personnes dont les maisons et ressources ont déjà été détruites en octobre lors de l’opération César.
Depuis décembre, des comités locaux venus de tous les coins de l’Hexagone et au-delà se relaient chaque semaine pour apporter leurs énergies et leurs luttes à la Chat-teigne avec des ateliers, jeux, projections, discussions, cantines, expos, fêtes... Ce bouillonnement d’idées et de pratiques représente une expérience unique dans la constitution d’un mouvement qui fait aujourd’hui écho bien au-delà de la question de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Avec sa salle de réunion, son atelier, sa No-TAVerne ou sa cuisine collective, la Châtaigne est aussi un des lieux importants de ressources et d’organisation sur la ZAD.
Que ce soit en nous battant sur le plan juridique ou sur le terrain, nous ne laisserons pas la Châtaigne se faire envahir une nouvelle fois ! Nous appelons donc tous les groupes et personnes solidaires à se rendre au procès de la Châtaigne, le mardi 12 mars à 10 heures devant le tribunal de Saint-Nazaire.
Au-delà de la Châtaigne, la ferme de Bellevue, qui vient de recevoir un verdict d’expulsion sans délai, ainsi que des dizaines d’autres habitats sur la ZAD pourraient être broyés par les tractopelles dans les semaines à venir. A l’heure où nous écrivons cet appel, cela fait presque cent jours que l’occupation militaire de la ZAD a commencé et que les check points policiers permanents bloquent les allées et venues aux carrefours stratégiques — sans pour autant parvenir à empêcher les outils, vivres et matériaux nécessaires de passer à travers champs. Mais nous arrivons à un moment charnière : la fin de la commission du faux dialogue pourrait signifier le retour d’offensives policières d’ampleur.
Pourtant, même si l’occupation militaire alourdit l’atmosphère et que les menaces d’expulsion continuent à plomber l’horizon, nous savons que les tenants de l’aéroport sont dans une impasse et tournons résolument le regard vers de possibles victoires. Auxiette [2], AGO [3] et consorts continuent de jeter des centaines de milliers d’euros dans des campagnes publicitaires mais la réalité leur échappe, radicalement.
Il y a aujourd’hui plus d’habitats et d’habitants sur la ZAD qu’au début de l’opération César et une dizaine de nouveaux projets agricoles devraient s’ancrer dans le sol lors de la grande manifestation de mise en culture « Sème ta ZAD », le 13 avril. La chaîne humaine entourant la ZAD le 11 mai sera un autre moment fort et les deux cents comités locaux contre l’aéroport n’ont cessé de multiplier les actions depuis décembre. Mieux encore, ce qui se passe ici encourage d’autres ailleurs à faire concrètement obstacle à des projets d’aménagements nuisibles. En cas de reprise des expulsions, de multiples initiatives se préparent : résistances sur le terrain, blocages et occupations immédiates des lieux de pouvoir partout en France, grande manifestation à Nantes dans les semaines qui suivront...
Nous ne les laisserons pas faire : on résiste,
on construit, on cultive, on occupe, on réoccupe !
Source :
zad.nadir.org
Défendre la Châtaigneraie à Notre-Dame-des-Landes
« Enfin, je dois encore te dire ça : beaucoup d’entre nous ignoraient la saveur de la liberté,
et ils ont appris à la connaître ici, dans les forêts, dans les marais et les périls,
en même temps que l’aventure et la fraternité (...).
Si ce n’est ainsi qu’il faut faire, quoi faire ?
Et si ce n’est maintenant, quand alors ? »
Primo Levi, Maintenant ou jamais
À l’ouest de la lande de Rohanne, dans la Châtaigneraie, un petit village a été bâti dans le temps d’une semaine, sans autorisation préalable. Cet ensemble de maisons de bois se divise en deux parties : l’une destinée à dormir et à soigner, l’autre composée d’une grande cuisine, une salle de réunion, une taverne et une manufacture. Près de quarante mille personnes rassemblées le 17 novembre contre un projet d’aéroport et pour la réoccupation du bocage que dépeuplaient les forces de l’ordre depuis le 16 octobre, en rasant des maisons anciennes, confluèrent de Notre-Dame-des-Landes vers la forêt. Dès lors commença, plus qu’un chantier : une œuvre, une œuvre commune. Tel jour au son d’un duo de saxo et d’accordéon grimpé sur un toit, tel autre sous une pluie battante ; toujours dans la boue et sous les espèces d’une fraternité communicative. Un de ces moments de pur bonheur où l’on pourrait croire qu’un tel déploiement de forces libres est facile et durerait toujours. Pourtant, tout a été accompli sous la pression jamais relâchée des gendarmes, des hélicoptères, des déclarations menaçantes des notables, et dans la conscience que le reste du monde n’avait pas changé, qu’il regorgeait de dispositifs hostiles, braqués contre nous dès lors que nous démontrions par l’exemple que nous n’avions pas besoin d’eux pour nous conduire.
Une telle œuvre est le fruit de ce qui, autrefois, portait le beau nom d’émotion populaire : un ébranlement d’être qui engendre ce cri : ça suffit ! On a tout supporté jusque-là, les mutilations et les prothèses, la mise à l’encan de tout ce qui vit, le bétonnage des sols, la programmation et la traçabilité de tous les déplacements, des sentiments et des gestes, et les discours des imposteurs pour faire avaler tout cela. Mais il aura suffit qu’à Notre-Dame-des-Landes les machines de l’État viennent ravager, sous haute protection policière et après des années de tension, le potager du Sabot, les cabanes des bois de la Saulce et de Rohanne, des Cent-Chênes et de la Bell’ich, les vieilles fermes du Rosier, des Planchettes, de La Gaité et quelques autres, pour que la colère remonte des profondeurs. Autant de destructions, autant de blessures, autant de raisons d’apporter dans la ZAD (zone d’aménagement différé, devenue zone à défendre) tout ce que nous avions de meilleur : matériel pour reconstruire, vêtements, nourriture, literie, forces, rêves et pratiques qui se conjuguent pour figurer une conception concrète du monde, foncièrement opposée à celle de l’entreprise Vinci dont les édifices (aéroports, parkings, autoroutes...) reposent sur la dévitalisation froide, préalable, des territoires qu’elle occupe, pour plaquer ses décors en béton massif. Auprès d’eux, quoi de plus frêle que ces assemblages de bois, de paille et d’argile, que nous façonnons : des châteaux de cartes gonflés de sève, de vie, qui ressemblent à nos rêves mais sculptés dans la matière, et que nous défendrons comme on défend sa peau.
Un « kyste », déclare l’État chirurgical ; une « zone de non-droit » selon les barons du département. Est-ce en vertu de tels commentaires qu’il existe des juges pour exécuter la sentence de Vinci — faire table rase — en bannissant systématiquement ceux qui comparaissent en justice pour faits de résistance aux gendarmes ? Mais ceux qui distribuent si généreusement leurs forces sont chez eux dans la ZAD, et c’est une manière de crime de les arracher à un sol et à un milieu qui redonne le souffle et la vie à toutes sortes de déracinés. Ce bocage, ainsi habité, est un refuge et un commencement.
« Mes bottes me manquent », a écrit un jeune tailleur de pierre emprisonné pour cinq mois. Les bottes et la boue, la vie commune, les animaux de rencontre, les coups de griffe des ajoncs, l’épuisement, le pain de chaque jour, les feux dans la brume, les barricades habitées, les planches transportées et cloutées, les frondes forgées, la nourriture offerte... C’est la vie même, sous la forme d’une brèche aux mille contours par où s’engouffrent les mille visages de l’avenir, que veulent canaliser ou anéantir les spéculateurs du vivant.
Cette brèche, il faudra la tenir ouverte et pour cela, défendre ce lieu « jusqu’à l’extrême limite » ; parce qu’il incarne l’un des terrains que nous offre la vie pour éprouver nos forces effectives et mesurer (la mesure d’aimer, c’est d’aimer sans mesure) nos chances de faire de notre passage d’enfants perdus sur la terre une aventure directe, âpre, éblouissante.
Patrick Drevet,
à la Châtaigneraie,
le 7 janvier 2013.
Source :
zad.nadir.org
Messages
1. Nos lois ne sont pas leurs lois !, 3 mars 2013, 01:58, par Maya
Nos lois ne sont pas leurs lois ! Nos lois sont en accord avec le ciel et la terre, avec la Vie, avec le vivant, ce sont les Lois de la Nature et de l’Univers, ce sont des lois justes ! Leurs lois sont les lois du maintien de leur structure capitaliste. Elles ne nous concernent pas ! Nous n’avons aucun lien avec leurs tribunaux, leur justice, leurs discours et effets de manche ! Nous l’avons constaté maintes fois, particulièrement lors des expulsions de Sans-papiers, de Sans-logements ! Nous avons vu les mascarades avocatiks et juristiks lors de la lutte contre les Ogms et là, pire encore, des deux côtés ! Nous voyons cela mais eux ils ne peuvent pas voir ni comprendre nos lois, car ils n’atteignent pas notre dimension, ils ne peuvent pas voir notre vision. On peut leur expliquer, ils peuvent nous écouter, mais cela n’est pas utile : ils ne peuvent pas nous comprendre ! Ils sont dans un autre monde que le nôtre. Leur monde est obsolète, leur monde est un monde mort ! Notre monde à nous est vivant, réel et vivant ! et aussi joyeux ! Ce que nous pouvons faire, puisque nous sommes encore éparpillé-e-s, c’est être présent-e-s dans leur mascarade, tel-le-s que nous sommes puisque nous sommes ! Notre participation ce 12 mars peut être cette Présence, silencieuse comme celle des zapatistes, ou pas ! Envahissons Saint Nazaire !!!