Forêt de Rohanne, c’est loin d’être fini !
Forêt de Rohanne, centre ZAD. Des gens vivaient là plutôt tranquillement depuis deux ans, dans une grande maison communale et des cabanes dispersées dans les arbres. La police vint et détruisit la maison le 18 octobre 2012, ça paraît déjà loin. Une nouvelle maison communale a été construite en hauteur dans les arbres. Les flics sont venus avec des grimpeurs et ont détruit toutes les maisons dans les arbres, la maison communale comprise, entre le 30 et le 31 octobre. Une nouvelle maison communale a alors été construite. Les flics sont revenus le 5 novembre et ont également détruit celle-là.
Là, les choses ont commencé à devenir intéressantes.
Nous avions besoin d’aide et avons fait un appel à ce que des gens viennent et nous aident à réoccuper dans la semaine suivant la manif de réoccupation du 17 novembre, nous avons presque été dépassé·e·s par la réponse. Une incroyable énergie collective a bourdonné dans la forêt et le groupe qui occupait la forêt a au moins été multiplié par quatre. Construction de plates-formes, apprentissage des nœuds ou atelier grimpe, cuisine, construction au sol, récolte de bois pour le feu, transport de matériel, tri de matériel de grimpe ou juste prendre un thé ensemble... il y avait toujours plein de gens merveilleux remplissant la forêt d’une toute nouvelle vie. À partir de jeudi, non seulement il y avait plein de nouvelles plates-formes, une magnifique cabane au sol, un filet en hauteur et de nombreux ponts de singe mais aussi une nouvelle assurance partagée qu’il y avait l’énergie et le désir de défendre non seulement cette forêt mais la ZAD tout entière. Je trouve profondément motivant qu’autant de gens mettent leur énergie et leur talent dans la construction malgré les risques importants.
Au matin du jeudi 23 novembre la police est venue pour expulser les gens de la forêt pour la cinquième fois, mais pour la première fois sans succès. C’est dur de dire exactement combien de gens sont venus pour rester, de la boue jusqu’aux genoux, toute la journée, en face des bulldozers, à bloquer le passage. En tout cas plus de gens qu’il n’y en avait jamais eu dans la forêt. Des centaines de personnes, venues de près ou de loin, sont restées fermes face aux machines, chantant et riant face aux lignes sinistres de flics. Juste avant la tombée de la nuit les machines ont fait demi-tour et sont parties, sans avoir touché les maisons.
Bien sûr l’histoire ne s’arrête pas là. Le jour suivant, le dimanche 24 novembre, la police fourmillait dans la forêt dès l’aube, formant des lignes apparemment infinies de gendarmes mobiles suréquipés, casqués, dans la forêt paisible. Cette fois les machines et les grimpeurs sont entrés et ont détruit toutes les maisons, cabanes dans les arbres, plates-formes et structures qui avaient été construites. Ils ont pris chaque planche, casserole et poêle et sont partis avec. Comme lors des expulsions précédentes ils ont été violents, agressifs et extrêmement dangereux. Leurs machines se sont écrasées sur des arbres où il y avait des gens en hauteur dans les branches et à nouveau ils n’ont pas paru concernés par notre sécurité, voire par la leur.
Cependant cette expulsion avait une différence significative et éclatante avec les précédentes. De la même manière qu’il y a plus de gens en hauteur dans les arbres et sur les ponts de singe, le nombre de soutiens au sol était élevé et constant. Malgré les pires cas de violence policières depuis le début des expulsions, malgré les grenades assourdissantes toutes les cinq minutes, malgré un nuage permanent et épais de gaz lacrymo, malgré de nombreuses charges policières essayant de sortir les gens de la forêt... des centaines et des centaines de manifestant·e·s se sont uni·e·s et sont resté·e·s dans la forêt boueuse. Des centaines de gens étaient encore en train de chanter et une samba continuait à jouer, lorsque bien après la nuit tombée la police finit par sortir de la forêt. Alors qu’ils se repliaient, les lâches se sont permis d’inonder à nouveau la forêt avec tellement de gaz que ça m’étonnerait vraiment de revoir une salamandre dans le coin un jour. Je ne sais pas vraiment quelle sera la prochaine étape, mais reconstruire ou pas ne se questionne pas.
Après que des centaines de personnes se sont prouvé avoir l’énergie, la force et la passion suffisante pour survivre à deux jours de gaz lacrymo, de grenades, de violence et de charges policières, en plus de l’habituel boue, pluie et froid, ce serait une insulte d’abandonner maintenant. Reconstruisons et continuons jusqu’à ce qu’il soit assez clair combien il est inutile d’envoyer les équipes de grimpeurs détruire nos cabanes chaque semaine. C’est déjà ridicule. Couvrir la zone des détritus de près de deux cents cartouches de grenades lacrymo, blesser au moins vingt personnes, mettre la vie de gens en danger dans les arbres, avoir envoyé d’innombrables grenades assourdissantes... tout ça pour détruire des cabanes que l’on peut reconstruire en moins d’une semaine. Nous n’allons pas nous laisser virer comme ça. C’est loin d’être fini.
Source : zad.nadir.org
Appel des Chats teigneux
(Depuis la Châtaigneraie, la Châtaigne, la Castagne, Premier Presidio, les Souches, le Kyste)
Le 17 novembre, 40 000 personnes, très diverses et déterminées, se sont rassemblées sur la ZAD pour reconstruire. Un geste de riposte après un mois d’expulsion, de destruction et de résistance. Depuis, le mouvement n’a jamais cessé de s’amplifier.
L’opération César, pour ce qui est de vider la zone de ses habitants, a échoué lamentablement. Nous sommes tristes de nos maisons détruites, de nos amis blessés, de nos camarades emprisonnés. La colère a rempli les bocages et nous n’avons jamais été aussi nombreux, la ZAD n’a jamais été aussi vivante. Malgré les tentatives de division, la réoccupation a engendré des complicités fortes et inédites, qui ne demandent qu’à s’intensifier. Un nouveau lieu est né.
Dans ce nouveau lieu de réoccupation, des collectifs d’ici et d’ailleurs ont construit un village : une manufacture, une NO TAVerne, une salle commune, une cuisine collective, deux dortoirs, une infirmerie et un black-bloc sanitaire avec baignoire chauffante. En trois jours, tous ces bâtiments sont sortis de terre grâce à la joie d’être là tous ensemble, à se donner les moyens de la lutte dès maintenant et pour les temps à venir. Planter un clou participe du même mouvement que défendre une barricade, empêcher les arbres de la forêt de Rohanne de tomber, être 8 000 devant une préfecture, saboter Vinci et le PS ou ravitailler en nourriture et en matériel.
Après une semaine de vie et de construction, la Castagne a été occupée, pillée et saccagée par la flicaille. Mais on n’éteint pas un volcan à coup de Manitou. Ce soir, la Castagne est plus belle que jamais : 45 tracteurs enchaînés la défendent, plusieurs centaines de personnes se déchaînent à renforcer des barricades, à reconstruire et ravitailler. La procédure d’expulsion a été précipitée pour ce terrain prêté par un paysan, il appartiendrait désormais à Vinci. Chaque retrait des flics, chaque recours juridique posé, c’est du temps de gagné pour organiser la vie et la défense des lieux. Nous en sommes là. Et, dès le 5 décembre, la démolition de la Châtaigne pourrait être permise.
De notre côté, nous avons une autre vision de ce qui se passe ici. Le terme sécession, utilisé pour rebaptiser les routes barricadées secession road, prend un sens bien concret désormais. Tout ce que notre enfance a rêvé, que l’organisation de la société avait brisé ou entravé, se trouve ici ravivé. Quand le gouvernement a rasé des maisons, détruit des cabanes dans les arbres et des potagers, il a suscité une rage profonde, qui vient de loin. Briser un rêve et des racines est la plus grande injure, mais en même temps a été brisé le carcan qui nous paralysait. Depuis lors, les jeux de la vie sont à l’œuvre dans la construction et la reconstruction des maisons et des barricades dont les formes s’inspirent de nos jeux d’enfants : pont-levis, check point, piège... avec tous les prolongements nécessités par le soulèvement en cours.
Malgré la violence et la peur, les moments de joie sont précieux et nombreux ; un duo de saxo et d’accordéon joue sur le toit de la salle de réunion, douceur ravageuse des symphonies pour danseuses et tronçonneuse. À chaque fois, c’est spontanément que les uns et les autres transportent les voliges, les taules et les palettes. C’est comme si le travail n’existait plus. On ne se sent plus obligé de quoi que ce soit, c’est autre chose, d’une substance plus magique, qui nous rend notre souffle. Il est de coutume que l’argent ne fait pas force de loi entre les habitants. Aujourd’hui, dans un village aux allures de petite cité de chercheurs d’or, certains paysans et occupants discutent de collectiviser les terres. Ces nouveaux usages de la zone nous portent déjà au-delà de cette histoire d’aéroport. Nous voulons amplifier ce mouvement de sécession. L’occupation de la Châtaigneraie en est une base. Quand on dit « Tout est possible ! », croyez-le.
C’est pourquoi nous appelons à dix jours de résistance du 4 au 15 décembre à la Châtaigne. Pour amplifier nos rêves d’enfants, renforcer et défendre les lieux, imaginer ensemble comment continuer à habiter ce vaste territoire, reprenons les routes et les champs, les forêts et le bocage. Ensemble, empêchons la présence et la pression de la police. Nous ne voulons plus les voir diriger nos déplacements, nos faits et gestes. Nous ne voulons plus être contrôlés. Soyons nombreux à les chasser, soyons nombreux à être indomptables, que Notre-Dame-des-Landes devienne leur calvaire. Nous savons aussi que la force des vendredi 23 et samedi 24 novembre tient à la réactivité des comités de soutien de toute la France. C’est pourquoi cette semaine de résistance doit aussi être l’occasion que partout aient lieu des actions d’occupation, de blocage, de sabotage, etc. On sait déjà qu’il ne s’agit plus de soutien. Chaque geste est un moment de vie partagé entre ici et là. Que se répande l’esprit de la ZAD dans les métropoles. Ces dix jours de résistance se continueront les 15 et 16 décembre (rassemblement des comités et collectifs impliqués dans la lutte — voir l’appel sur le site zad.nadir.org). Ce sera l’occasion d’organiser les présences sur ce lieu. Nous appelons à venir avec des propositions. Des idées surgissent déjà : des moments d’ateliers (forge, vélo, radio, cartographie, menuiserie...), des semaines de chantier, des discussions thématiques, des rendez-vous réguliers rejoignables. D’ores et déjà, nous vous invitons à venir manger, cuisiner et discuter tous les midis.
Étonnamment, envisageons la victoire et pensons à l’avenir sans l’aéroport.
Vinci et l’État veulent nous dégager, mais il ne sortira d’ici que la joie, la résistance et la révolte vécues ces dernières semaines pour déferler sur ce monde.
Source : zad.nadir.org
Nouvelles de la situation du terrain de la Châtaigne, occupé le 17
Petit récit de la situation du terrain de la Châtaigne,
des rebondissements juridiques et autres,
des risques de démolition
Mise à jour le 4 décembre (le rendu du procès aura lieu le 11 décembre).
Lorsque nous l’avons pris, le terrain était encore en cours d’expropriation. Nous pensions donc que le risque de démolition rapide serait amoindri par le fait que le propriétaire nous prêtait ce terrain. Vendredi 23, AGO (Aéroport du Grand Ouest) a versé la thune pour ce terrain, ce qui signe la fin de la procédure d’expropriation. Le propriétaire est donc désormais AGO. Ce même jour, la préfecture a pondu un arrêté d’interdiction de travaux, c’est pourquoi les flics sont intervenus, ont viré les gens et saisi les outils et matériaux. Le terrain a été immédiatement réoccupé. Dans le même temps, ils ont expulsé les Rosiers et la forêt de Rohanne.
Les réactions d’opposition ont été très fortes et nombreuses : centaines de personnes sur le terrain, batailles rangées, énormes manifs très coléreuses sur Nantes et Rennes, rassemblements ou actions dans moult autres lieux, arrivée de 40 tracteurs qui se sont enchaînés autour des cabanes... Le gouvernement a alors signifié vouloir mettre en place un comité scientifique qui étudierait l’impact sur l’environnement, ce qui repousserait les travaux de défrichage de plusieurs mois. Ils annoncent aussi vouloir nommer une « commission du dialogue » pour « exposer le projet » et « entendre toutes les parties », dans un « souci d’apaisement ».
Nous voulons l’arrêt du projet et ne comptons pas nous apaiser. Le préfet tente actuellement un chantage : il promet de retirer les forces de l’ordre et de suspendre la démolition des cabanes de la Châtaigne si les routes sont débloquées et si nous arrêtons de construire sur la zone, ce qui veut dire : si nous arrêtons de résister sur place. Une procédure pour la démolition est lancée et le procès aura lieu le 4 décembre.
À la Châtaigne la vie se poursuit, on s’installe, grande bouffe ensemble tous les midis ! D’ores et déjà nous lançons un appel à se retrouver à nouveau pour une manifestation massive au cas où ils oseraient tenter une démolition du lieu, ainsi qu’à réagir partout (voir « Contre l’aéroport et son monde, s’ils détruisent notre lieu d’organisation, nous occuperons les leurs ! »).
Longue vie à tous les lieux d’organisation et de vie de cette zone !
Longue vie à la résistance !
Source : zad.nadir.org