Ce texte arrive trop tard, comme toujours, puisque cela fait plus d’un mois qu’on voudrait l’écrire. Il arrive peut-être à un mauvais moment aussi, puisque « l’actualité » qui nous parvient de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes est particulièrement confuse. On espère donc ne pas rajouter une couche. Ce que nous défendons et ce que nous avons à faire ne nous apparaît pas comme confus : soutenir les médics, les inculpé·e·s, faire parler du sujet, freiner les flics, reconstruire… On est conscient·e·s que c’est plus facile dans notre position que pour celles et ceux qui vivent sur place et perçoivent toute la complexité quotidienne de la ZAD.
Ne vivant pas sur la ZAD, ou du moins jamais assez longtemps, il n’est ni possible ni souhaitable pour nous de publier une opinion tranchée sur les différentes divisions [1] qui la traversent. D’autres dans la même situation que nous ne s’en privent pas, et on trouve cela dégueulasse en plus d’être totalement irresponsable. Cela n’empêche bien sûr pas nos affinités d’être traversées par des discussions, des doutes, des engueulades et des perspectives.
Nous savons ce que nous soutenons « de l’extérieur » depuis maintenant une dizaine d’années (parfois au prix fort) et ce que nous ne soutiendrons jamais.
Ce que nous défendons :☀ Ce n’est pas uniquement des terres agricoles à exploiter. C’est une terre à protéger et à vivre.
☀ Ce n’est pas la possibilité pour certaines personnes de privatiser légalement un bout de ce territoire en lutte et de s’y installer « de manière pérenne ». C’est la possibilité pour quiconque de venir s’y installer, avec les personnes qui y ont lutté, sans s’octroyer une exclusivité permanente.
☀ Ce n’est pas l’exclusion de personnes qui ont participé à empêcher le projet d’aéroport. C’est l’autodéfense collective.
☀ Ce ne sont pas des ressources dont quelques-un·e·s auraient l’usage ou la défense d’intérêts particuliers. C’est un bien commun qu’il s’agit de gérer ensemble et la défense d’un intérêt collectif.
☀ Ce n’est pas d’habiter ce territoire selon les normes de l’État, même « en faisant semblant » de rentrer dans les cadres. C’est de pouvoir occuper et habiter ce territoire en se fiant aux dynamiques continuellement redéfinies de ses habitant·e·s.
☀ Ce n’est pas l’unité. C’est la solidarité.
☀ Ce n’est pas UNE stratégie prétendument commune (ni la barricade seule, ni la négociation sans condition, ni quoi que ce soit d’unique). Ce sont DES tactiques diverses qui produisent un rapport de forces.
☀ Ce n’est pas une fin en soi. C’est la cohérence des moyens qu’on utilise.
☀ Ce n’est pas UN autre monde possible. Ce sont DES réalités déjà là.
☀ Ce n’est pas le mythe, utile à l’État, de deux « camps » qui s’opposeraient sur place et auxquels il faudrait s’identifier. C’est une diversité insaisissable [2].
☀ Ce n’est pas la victoire ou la défaite. C’est la lutte, sans fin par définition.
☀ Ce n’est pas nous dire qu’on ne peut pas tout avoir et qu’il faut se contenter de ce que l’État voudra bien nous permettre. C’est continuer à s’emparer de l’impossible et à semer les graines d’autres possibles.
C’est rire de nous, rêver haut, s’enthousiasmer, gagner, perdre, gagner encore, rencontrer, trouver et créer les brèches, occuper et défendre ensemble des zones qui rendent tout cela possible.
La défaite que beaucoup ressentent actuellement, pire qu’une défaite militaire, n’enlève rien à l’amour que nous portons à cette zone, ce que nous y avons vécu et y vivrons. Nous continuons à vivre des moments magnifiques sur zone, et quoi de plus normal. Quel que soit son futur, sur lequel nous pouvons/devons agir, l’État ne pourra rien reprendre de ce que la ZAD a apporté à nos luttes et continue de nourrir.
Nous voudrions saluer les personnes qui continuent de tenir le site web, la radio, de s’investir pour le zad news et pour organiser des discussions, les nombreuses activités sur place en plus de la résistance et de la reconstruction, celles qui se sont barrées et qui sont dégoûtées, celles qui partent pour mieux revenir, les inculpées et celles qui les soutiennent, celles qui (se) soignent, nous voudrions saluer Maxime et les autres blessé·e·s à vie, celles et ceux qui n’oublient pas de les soutenir, les personnes qui continuent d’informer leur entourage sur pourquoi et comment le pouvoir ne peut supporter une telle expérience, les personnes qui continuent à se rendre sur place chaque semaine avec leurs coups de main et leur « recul » (parfois chiant, parfois qui redonne de l’air), celles et ceux qui font vivre le commun.
Des Liégeois·e·s qui ont soutenu et soutiendront la lutte
contre l’aéroport et son monde, sur la ZAD comme ailleurs
Source : IndyMedia Bruxsel
11 juin 2018.