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Paroles des femmes zapatistes lors de la clôture
de la Deuxième Rencontre internationale des femmes qui luttent

jeudi 30 janvier 2020, par EZLN

Armée zapatiste de libération nationale
Mexique

Le 29 décembre 2019.

Compañeras et sœurs,

Nous tenons à dire et à formuler quelques mots en cette clôture de la Deuxième Rencontre internationale de femmes qui luttent. Nous avons déjà entendu la parole des tables de travail et leurs propositions et d’autres propositions qui sont faites.

Ces propositions et d’autres qui sortiront quand vous serez dans vos géographies, que vous y penserez et réfléchirez dans votre cœur ce que nous avons vu ici et écouté ces jours-ci, nous veillerons à ce que toutes celles qui y ont assisté, et surtout celles qui n’ont pas pu venir, puissent en prendre connaissance, donner leur opinion et avoir leur mot à dire.

Nous pensons que c’est important parce que, si nous ne nous écoutons pas nous-mêmes en tant que femmes que nous sommes, ça ne sert à rien de le faire, parce que ça veut dire que nous ne sommes pas des femmes qui se battent pour toutes les femmes mais seulement pour notre propre idée ou pour notre groupe ou pour notre organisation.

Ça paraît facile de dire que nous devons penser et réfléchir aux propositions, mais c’est difficile car même pour ça il faut s’organiser.

Nous vous proposons donc ce premier accord :

1. Que toutes nous fassions et connaissions les propositions qui nous viennent à l’esprit au sujet des violences contre les femmes, c’est-à-dire que nous ayons des propositions pour savoir comment mettre fin à ce grave problème que nous avons en tant que femmes que nous sommes.

Vous êtes d’accord ?

Bon, à l’heure où nous préparons ce message nous ne savons pas si vous répondez que vous êtes d’accord ou pas.

Mais si nous sommes d’accord, nous avons donc un an, sœur et compañera, pour avancer dans ce travail.

Il ne faudrait pas que l’an prochain nous nous réunissions et que se poursuive la violence contre les femmes et que nous n’ayons ni idées ni propositions de comment la faire cesser.

Autre chose que nous voulons dire et que nous avons écouté attentivement comme femmes zapatistes ce sont les plaintes qui ont eu lieu ces jours-ci.

Eh bien il nous paraît incroyable, compañera et sœur, qu’on parle tellement du progrès, de la modernité et du grand développement qu’il y a dans ces mondes, et qu’il n’y ait même pas quelqu’un qui ait un peu d’humanité pour s’émouvoir de ces malheurs, de ces douleurs et de ces désespoirs qui ont été dits, plus ceux qui ne l’ont pas été.

Comment est-ce possible qu’une femme avec ces douleurs, ces peines, ces colères, ces rages doive venir jusque dans ces montagnes du Sud-Est mexicain pour recevoir le minimum que l’on se doit entre femmes, une étreinte en soutien et du réconfort.

Peut-être la femme qui n’a pas souffert de violence pense-t-elle que ce n’est pas important, mais quiconque qui a un peu de cœur sait que cette étreinte, ce réconfort, est une manière de dire, de communiquer, de crier que nous ne sommes pas seules.

Et tu n’es pas seule, compañera et sœur.

Mais ça ne suffit pas.

Ce n’est pas seulement du réconfort dont nous avons besoin et que nous méritons.

Nous avons besoin de vérité et de justice et nous les méritons.

Nous avons besoin et nous méritons de vivre.

Nous avons besoin de liberté et nous la méritons.

Et ces besoins si importants nous pourrons peut-être les conquérir si nous nous soutenons, nous protégeons et nous défendons.

C’est le message que nous ont donné les insurgées et miliciennes :

Répondre à l’appel de la femme qui demande de l’aide,
la soutenir,
la protéger
et la défendre avec ce que nous avons.

Alors nous demandons que les insurgées et les miliciennes nous répètent leur message.


(les miliciennes et insurgées répètent leur exercice)


Merci à nos compañeras insurgées et miliciennes qui ont pris soin de nous, qui nous ont protégées et défendues durant ces jours-ci de la rencontre.

Alors ici nous vous faisons part de notre deuxième proposition d’accord :

2. Que si n’importe quelle femme dans n’importe quelle partie du monde, de n’importe quel âge, de n’importe quelle couleur de peau demande de l’aide parce qu’elle est attaquée avec violence, nous répondions à son appel et cherchions la manière de la soutenir, de la protéger et de la défendre.

Vous êtes d’accord ?

Bon, quand nous écrivons ce message nous ne connaissons pas votre réponse, mais nous poursuivons.

Bon, sœur et compañera, pour cela, de nous défendre, de nous protéger et de nous soutenir, nous devons être organisées, ça nous le savons.

Et nous savons aussi que chacune a son mode d’organisation.

Mais si chaque organisation ou groupe ou collectif de femmes qui luttent se déplace de son côté, ce n’est pas la même chose que s’il se déplace avec l’accord et en coordination avec d’autres groupes, collectifs et organisations.

Et pour ces accords et coordinations, nous devons être en communication, nous prévenir entre nous, discuter entre nous, nous mettre d’accord donc entre nous.

Alors nous vous disons ici notre troisième proposition d’accord :

3. Que tous les groupes, collectifs et organisations de femmes qui luttent qui veulent se coordonner pour des actions communes nous échangions des formes de communiquer entre nous, que ça soit par téléphone, Internet ou autre.

Vous êtes d’accord ?

Bon, nous avons déjà entendu votre réponse.

Une dernière chose avant de terminer et de clôturer cette Deuxième Rencontre internationale de femmes qui luttent.

C’est à propos du calendrier.

Nous savons que peu importe le jour, la semaine, le mois ou l’année, dans quelque endroit du monde, il y aura une femme qui a peur, qui est agressée, qui est portée disparue ou qui est assassinée.

Nous avons déjà dit qu’il n’y a pas de repos pour les femmes qui luttent.

Alors nous voulons faire ici, et à travers celles qui nous écoutent ou nous lisent ou nous regardent, une proposition d’action conjointe.

Ça peut être n’importe quel jour de l’année, car nous savons déjà comment est le système patriarcal qui ne se repose pas pour nous violenter.

Mais nous proposons que cette action conjointe des femmes qui luttent partout dans le monde soit le prochain 8 mars 2020.

Nous proposons que ce jour-là chaque organisation, groupe ou collectif fasse ce qu’il pense être le mieux.

Et que chacune nous portions la couleur ou le signe qui nous identifie, selon la pensée et la manière de chacune.

Mais que toutes nous portions un ruban noir en signe de douleur et de souffrance pour toutes les femmes disparues et assassinées partout dans le monde.

Pour qu’ainsi nous leur disions, dans toutes les langues, dans toutes les géographies et selon tous les calendriers :

Qu’elles ne sont pas seules.
Que nous avons besoin d’elles.
Qu’elles nous manquent.
Que nous ne les oublions pas.
Parce que nous sommes des femmes qui luttent.
Et nous ne nous vendons pas, nous ne nous rendons pas et nous ne cédons pas.

Eh bien c’est notre parole, sœur et compañera.

Nous te demandons que tu prennes beaucoup soin de toi dans ton voyage de retour à ta géographie.

Nous espérons que tu y arrives sans problème.

Nous te rappelons que tu te rappelles ce que fut cette rencontre.

Et que toujours tu te souviennes qu’ici, dans les montagnes du Sud-Est mexicain, tu nous as nous, en tant que femmes zapatistes, et que, comme toi, nous sommes des femmes qui luttent.

Alors, au nom des femmes zapatistes de tous les âges, et à ____, heure zapatiste, du 29 décembre 2019, je déclare formellement clôturée cette Deuxième Rencontre internationale de femmes qui luttent, ici dans les montagnes du Sud-Est mexicain.

Depuis le semencier « Traces des pas de la commandante Ramona »,
Caracol « Tourbillon de notre parole », montagnes zapatistes en résistance et rébellion.

Commandante Yesica.
Mexique, 29 décembre 2019.

Traduction et texte d’origine : Enlace Zapatista.
Photographie : Aide Nohemi.

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