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Maintenant : venir occuper l’Amassada !

jeudi 1er novembre 2018, par L’Amassada

Nous qui occupons l’Amassada, nous qui luttons depuis dix ans contre ce nœud européen du transport de l’électricité qu’est le projet de transformateur Sud-Aveyron (2 100 MW), maillon essentiel aux branchements des mille éoliennes des trois départements alentour, appelons un maximum de gens à nous rejoindre ! Les expulsions qui suivront le verdict de la juge des expropriations rendu prochainement devraient se faire dans un délai de deux mois (épuisement des recours). Nous ne maîtrisons pas ce délai, car il dépend du respect de la loi par les forces de l’ordre… C’est pourquoi nous nous organisons dès maintenant pour qu’un maximum de personnes rejoignent, ou se relaient sur le terrain. De semaine en semaine, l’occupation trouve son rythme, invente un quotidien passionnant, pense et construit son autodéfense.

Habiter les lieux ici est essentiel, mais en même temps, toutes les manières de participer à cette occupation sont les bonnes :

Que vous ayez envie d’y boire un café pour discuter ;
Que vous ayez envie de nous apporter une grosse soupe et de repartir avec des cartes postales à distribuer dans votre quartier ;
Que vous ayez envie de participer à la construction d’une tour de guet à la cime d’un chêne ;
Que vous ayez du matériel de construction à donner ou des arbres à planter ;
Que vous ayez envie de partager un film, une conférence, une pièce de théâtre, un cours de droit, un tour de magie : Venez !

Nous laissons la tristesse des casernes aux gendarmes mobiles, nous, nous inventons des mondes en lutte !

En face, l’économie conquérante et sa transition énergétique travaillent à produire toujours plus d’électricité pour faire perdurer le même et unique système, au travers de la numérisation infinie du monde ! Voilà la simple et difficile vérité de cette grand-messe opérée depuis vingt-cinq ans par l’ensemble, presque sans faille, des médias et des politiques. En finir avec l’exploitation, la pollution, remplacer le nucléaire et le pétrole ? Non ! il faut fournir toujours plus d’énergie peu importe sa provenance « renouvelable » ou nucléaire ou autre pour étendre sans fin la production capitaliste dont l’immense marché du numérique. Maintenir tout le monde derrière les écrans est devenu le moyen de la paix sociale.

Défendre l’Amassada c’est combattre la transition énergétique, car ce concept écolo récupéré par les financiers les plus futés dans les années 1990 est le mensonge le plus opérant du système, il sert de justification à plus ou moins tout et n’importe quoi. Le scénario est tellement rodé qu’il est désormais rituel, Le Saint-Affricain titrait ce 3 octobre « Enédis réunit les élus : en Aveyron, c’est l’heure de la transition ! » : « Selon les trajectoires de développement que l’humanité décide d’emprunter pour les prochaines décennies, la communauté scientifique mondiale anticipe une hausse de la température moyenne globale de + 2 à + 6 °C à la fin du siècle, par rapport à celle du milieu du XIXe siècle. Un tel changement climatique sur un laps de temps aussi court serait un facteur majeur de déstabilisation des sociétés sur les plans écologique, économique et social. Il est donc indispensable d’opérer une transition vers un monde post-énergies fossiles et plus généralement post-carbone. » Autour d’une vérité, que chacun peut bien vérifier tous les jours depuis quelques années (le climat se détraque), il s’agit toujours de conforter la même politique, la même économie (ici vendre des compteurs Linky), en répétant les mêmes mensonges.

Le premier mensonge réside dans le sujet « humanité » qui déciderait d’emprunter telle ou telle trajectoire. Au moins depuis l’avènement du capitalisme, ce n’est pas « l’humanité » qui décide des trajectoires économiques ou techniques, mais bien les seuls « grands capitaines d’industrie ». Sur les options énergétiques, Andreas Malm montre, par exemple, « comment l’énergie fossile a pris le dessus sur l’énergie hydraulique dans l’industrie du coton anglaise (…). Contrairement aux hypothèses les plus courantes, celle-ci n’a pas eu lieu parce que l’énergie hydraulique était soudainement apparue moins efficace ou plus onéreuse que celle délivrée par la combustion du charbon. Au contraire, écrit Malm, la vapeur a dominé malgré le fait que l’eau soit abondante, au moins aussi puissante, et résolument moins chère. » L’avantage déterminant de la vapeur a davantage eu partie liée avec la proximité d’une main-d’œuvre nombreuse, donc remplaçable, et également docile, bien plus facile à recruter et trouver en milieu urbain. » [1] Les choix techniques sont toujours des choix politico-économiques. Imposer aujourd’hui une surélectrification du monde c’est imposer une politique de gestion des corps par la connexion généralisée, c’est ouvrir de nouveaux marchés avec des objets des plus absurdes : des trottinettes électriques ou des parapluies connectés. Imposer 450 éoliennes en Aveyron et un transfo à Saint-Victor c’est continuer à mettre sous le joug les populations rurales, à vider les campagnes pour en faire des zones de production électrique aseptisées de toute contestation !

Le deuxième mensonge de l’article du Saint-Affricain/Enédis, c’est que l’énergie renouvelable n’opère pas une « transition vers un monde post-énergies fossiles et plus généralement post-carbone ». Il n’y a pas d’un côté le paradigme du renouvelable et de l’autre le paradigme du fossile. La multiplication des éoliennes et des réseaux THT (très haute tension) qui leur sont nécessaires ne fait que révéler ce mensonge absolu d’une énergie enfin propre dans un monde dématérialisé. Car toutes ces infrastructures participent, par leur besoin démesuré en métaux de toutes sortes, à la plus grande catastrophe jamais survenue, à une catastrophe des plus matérielles que les Sud-Américains ont nommée dans les années 2000 « extractivisme ». Le dernier numéro de la revue Z décrit très bien le phénomène de dévoration du sol que l’industrie minière est en train d’opérer dans le monde entier pour aller chercher du fer, du tungstène, de l’or, des terres rares ou du cuivre, si essentiels à notre « troisième révolution industrielle » et toute sa high-tech. Laissant en lieu et place des milieux naturels un décor extraterrestre fait de cratères géants et de bassin de millions de litres d’eau chargée en arsenic, en cyanure ou en plomb, bassins dont les digues se rompent régulièrement sous la violence des pluies tropicales. La propagande de la transition n’aurait pas pu aller si loin dans la tromperie si ces mines ne se trouvaient pas, pour le moment, à l’autre bout de la planète. Malheureusement, l’épuisement des minerais se fait à une telle vitesse, que c’est désormais dans les ex-zones de confort que sont les campagnes occidentales que les trust commencent à lorgner les gisements, tout aussi bien que dans les fonds marins et sur les astéroïdes.

Depuis les mines dont sont extraits ces métaux jusqu’aux lieux d’implantation bétonné de ces infrastructures, l’industrie du renouvelable n’aura produit que du minéral à grand renfort de bulldozer et de foreuses géantes. Toutes ces infrastructures sont donc, dès leur implantation, plus énergivores, plus productrices de gaz à effet de serre, que celles qu’elles sont censées remplacer ! Tous ceux qui continuent à faire passer la transition énergétique comme l’avènement d’un monde post-fossiles et post-carbone sont des charlatans.

Vue depuis les campagnes, et singulièrement depuis les endroits en lutte contre l’industrialisation, ici depuis l’Amassada par exemple, la matérialité de la domination se fait toute évidente, ces mensonges aussi. Depuis la démission de Nicolas Hulot, un mouvement pour sauver le climat défile dans les villes du pays. Les lecteurs de ce papier auront compris que nous invitons ce mouvement à, surtout, ne pas réclamer plus de transition énergétique comme solution globale. Mais bien plus que cela, se retourner contre la cause du désastre en cours : le système capitaliste et sa gouvernance. Nous invitons donc ces milliers de personnes à venir nous rejoindre dans le Sud-Aveyron, car ici nous avons une prise bien réelle pour arrêter les pollueurs. Il y a ici des champs et des cabanes, des halles et des forêts à défendre contre les pelleteuses et les tonnes de béton et de ferrailles. Si les dominants de ce monde manœuvrent aussi bien leur propagande, c’est que depuis les métropoles on ne peut pas voir ce qui se passe ailleurs, là où sont extraites les ressources.

Le soleil tombe sur le hameau, le moment est magique, le vent s’est calmé, dans cette tranquillité du crépuscule nous apprécions nos ouvrages de la journée. Aujourd’hui nous avons bâti une clôture avec des piquets de châtaigner et des dosses, cela finit de donner au hameau un petit air de ranch. Bientôt il y aura dans cette enceinte un troupeau pour bien signifier que dans la destruction programmé de ces champs c’est à la possibilité de vivre ici des ressources de la terre que l’État s’en prend. C’est stratégique aussi, car la DSV (Direction des services vétérinaires) devra intervenir avant les keufs pour déplacer le troupeau, nous serons ainsi prévenus de l’imminence des expulsions.

Nous appelons d’ores et déjà à une manifestation de réoccupation un mois après une possible expulsion.

Nous ne laisserons pas les aménageurs faire leur sale besogne sans nous défendre, la bataille de la plaine ne fait que commencer…

Boutons RTE hors de nos terres !
Pas res nos arresta !

Source :
L’Amassada
18 octobre 2018.

Notes

[1Gérard Dubey et Pierre de Jouvancourt, Mauvais temps. Anthropocène et numérisation du monde, Éditions Dehors, 2018.

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