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Les femmes en résistance de San Juan Copala installent un campement de protestation

lundi 16 août 2010

San Juan Copala, Oaxaca, Mexique.

Aux médias honnêtes,
À l’Autre Campagne,
Aux organisations sociales et de droits humains,
À la digne nation triqui,

Compañeras, compañeros, les femmes triquis de San Juan Copala s’adressent à vous pour faire connaître par notre propre voix la douleur que le puissant dicte comme destin pour les indigènes de ce pays. Aujourd’hui, nous voulons dire aussi à ces seigneurs de l’argent que nous nous rebellons, que nous nous soulevons, et qu’avec colère nous les dénonçons. Que le monde sache que dans ce pays les indigènes sont en résistance ; parce que le mauvais gouvernement a décidé de faire disparaître nos peuples, pour s’approprier la grande richesse naturelle qu’au long des siècles nous avons su conserver pour le bien de l’humanité ; parce que c’est là le vrai motif de la violence qu’aujourd’hui nous subissons, nous, les Triquis. C’est pour cela que des palais de verre dans lesquels à présent œuvrent les gouvernements de notre État vient l’ordre criminel de nous attaquer avec des armes de guerre, sans que compte pour quoi que ce soit le fait que les victimes sont en majorité des femmes.

Nous, les femmes de Copala, nous sommes les plus affectées par la violence, parce que, en plus d’être épouses, sœurs, filles, mères, c’est nous qui marchons dans la forêt, pendant des heures, pour apporter la nourriture et empêcher que notre village ne meure de faim ; c’est pourquoi nous voulons dire à tous les gens humbles et simples de ce pays, et en particulier aux vaillantes femmes oaxaquègnes, que nous, femmes triquis, avons décidé de descendre dans la rue pour demander votre solidarité, car, du fait que nous sommes indigènes et que nous sommes femmes, notre douleur est double. Et le mauvais gouvernement, au lieu de faire justice, est celui qui donne l’ordre de nous massacrer pour le seul fait de résister aux côtés de nos compañeros.

Rien que du 27 avril à aujourd’hui, 38 femmes ont été agressées parce qu’elles essayaient de défendre notre liberté de nous gouverner selon notre histoire et notre culture ; mais nous savons bien que dans toute la région beaucoup d’entre nous ont été agressées sous prétexte de conflits internes. Ils ont transformé la femme triqui en butin de guerre, c’est pourquoi aujourd’hui nous crions YA BASTA, ça suffit. Un ya basta que nous souhaitons envoyer à toute notre région, et en particulier au cœur de nos sœurs triquis, pour que selon notre usage nous prenions en mains le destin de nos villages. Car c’est nous qui, avec notre tendresse et notre amour, pourrons libérer notre peuple de la main étrangère qui, sans connaître notre histoire, s’est consacrée depuis des décennies à piétiner notre dignité. Et il faut aussi le dire clairement, nous devons nous libérer de ceux qui, tout en étant indigènes, renient leur histoire ou la méconnaissent et louent leurs services d’hommes de main pour massacrer notre peuple. Cela a été démontré lorsque, usant comme prétexte le mensonge qu’un chef paramilitaire aurait été assassiné dans notre communauté, des centaines de policiers ont pu, cette fois, entrer à San Juan Copala : à ce moment-là, la procuradora [1] n’a pas trouvé cela dangereux ? Mais, comble du cynisme, ce sont ces policiers sous le commandement de Jorge Quezada qui ont pris le palais municipal pour le remettre aux paramilitaires de l’Ubisort, et ce sont des balles tirées par des policiers et des paramilitaires qui ont blessé gravement nos compañeras Adela et Selena, âgées de quatorze et dix-sept ans.

Aujourd’hui, en réponse à tant d’agressions, nous nous installons de manière indéfinie sur cette grand-place de la capitale et nous ne nous en retirerons pas. Car si les conditions ne sont pas réunies dans notre communauté pour que continuent à y vivre tous les compañeros et compañeras qui sont exilés de notre village, nous occuperons cette place. C’est pourquoi nous demandons le soutien des compañeros des différentes organisations solidaires, et nous demandons aussi l’observation de tous les compañeros des organismes de droits humains non officiels, car nous croyons que la persécution dont nous sommes l’objet de la part du mauvais gouvernement peut s’exercer aussi en ce lieu. Nous informerons de manière permanente de tout ce qui arrivera dans notre région, et nous ne nous retirerons que lorsque les criminels qui sèment la douleur dans notre village seront arrêtés et qu’à San Juan Copala on pourra se déplacer librement.

Ils ont peur de nous parce que nous n’avons pas peur.<:P>

Femmes en résistance de San Juan Copala
11 août 2010.

Traduit par el Viejo.

Notes

[1Allusion aux propos de la ministre de la « justice » (procuradora de justicia) de l’État d’Oaxaca lors de la deuxième caravane de solidarité avec San Juan Copala (NdT).

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