Des étudiants d’universités publiques et privées, ainsi que des élèves d’écoles normales de la Coordination étudiante oaxaquègne, des professeurs de la Section XXII [1], des femmes au foyer, des paysans et des organisations sociales se sont mobilisés ce 2 octobre à Oaxaca, pour faire écho au « 2 de octubre no se olvida » [2].
Aux balcons, aux fenêtres et dans les rues, nombreux sont ceux qui ont décidé, face à la possibilité d’un affrontement, de rejoindre la manifestation et de marcher aux côtés de leurs enfants et de leurs proches. Certains murmuraient qu’un autre 2006 s’annonçait. « Les jeunes ne sont pas des délinquants, ils luttent pour vous aussi ! » criait une femme aux policiers antiémeute. « C’est la première fois que je manifeste avec mes compañeros et je suis indigné par ce gouvernement qui assassinait des étudiants conscients le 2 octobre [1968], et encore plus indigné parce que l’histoire se répète, avec nous maintenant », commente Javier, étudiant d’une université privée.
« Ces derniers jours, les gens ne se taisent plus, car ils ont manifesté avec nous, étudiants de différentes universités privées et des gens de tout bord, parce que nous luttons tous pour le bien commun, c’est-à-dire pour la justice », affirme Valeria, de l’école normale rurale de Tamazulapam à Oaxaca. Les couleurs des pancartes et les graffitis comparaient l’année 1968 avec l’année 2013, pointant la brutalité de l’État et ce que représentent les partis politiques au Mexique. Des revendications se sont également fait entendre contre les réformes structurelles de l’éducation, de l’énergie, et la réforme fiscale.
« On est en train de revivre l’année 68, car des gens se font assassiner, disparaissent ou sont torturés à tout moment, il y a des oubliés comme les gens touchés par le cyclone. Être étudiant et jeune avec des idées révolutionnaires est toujours considéré comme un délit », affirme encore une étudiante de l’école normale.
Dans le cortège de la manifestation pour le 2 octobre resurgit le nom de l’Assemblée populaire des peuples d’Oaxaca et on a pu noter la présence d’une partie des jeunes anarchistes qui se sont fait connaître durant le mouvement de 2006 comme les bazuqueros (du fait de l’usage de bazookas artisanaux et d’explosifs pyrotechniques). « Nous sommes les petits-enfants de ceux qu’ils n’ont pas pu tuer en 68, et nous sommes le fantôme de 2006 qu’ils n’ont réussi ni à corrompre ni à faire taire », affirme un jeune anarchiste se préparant avec d’autres jeunes face à une éventuelle répression policière.
La manifestation avançait tranquillement jusqu’à l’arrivée au zócalo d’Oaxaca, mais tout changea avec un affrontement entre la police et des anarchistes rejoints par des membres d’organisations sociales. Les gens étaient dans l’expectative et tous pensèrent revivre à l’instant les événements de 2006. Depuis l’adoption de la réforme de l’éducation à Oaxaca, ceux qui s’en indignent et rejoignent la mobilisation sont chaque jour plus nombreux. « Cela ressemble de plus en plus à 2006. Cette fois, on doit s’organiser pour que le peuple gagne, et non pas des leaders corrompus qui se vendent au plus offrant pour obtenir un poste au gouvernement », remarque doña Cecilia, qui a suivi la manifestation en cours.
La mobilisation, nourrie de diverses actions dans des communes de l’Oaxaca, de l’arrêt des activités dans les onze écoles normales régionales, de la grève de trente-six heures lancée à l’Université autonome Benito-Juárez d’Oaxaca, en mémoire du massacre du 2 octobre et en soutien à l’occupation par les enseignants du centre-ville de Mexico (District fédéral), s’est soldée par une dizaine d’arrestations et par un appel aux organisations et aux peuples de l’Oaxaca à renforcer la lutte et à faire échouer les réformes structurelles.
Santiago F. Navarro
Traduit de l’espagnol par Ana.
Source du texte d’origine :
Agencia SubVersiones.
Vidéo des affrontements du 2 octobre 2013 à Oaxaca