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Des chants de la Commune ont résonné
dans l’infâme Sacré-Cœur

mercredi 26 mai 2021, par La Chorale des Pétroleuses

Que vivent la Commune et la Coustique ! Ou Le Temps des cerises à l’heure des prunes...
La Chorale des Pétroleuses vous salue bien !

Le 22 mai 2021, une Sacrée Chorale a gentiment squatté la basilique du Sacré-Cœur pour y faire résonner les mots d’Aristide Bruant, de Louise Michel et de Jean-Baptiste Clément, cent cinquante ans après la Semaine sanglante qui mit fin à une expérience politique sans pareille dans l’histoire de France.

En une semaine, pas moins de trente mille communard·e·s furent tué·e·s et plus de quarante-six mille fait·e·s prisonnier·e·s, dont quatre-vingt-quinze condamné·e·s à mort et quatre mille cinq cents déporté·e·s.

Entre le 18 mars et le 28 mai 1871, en soixante-douze jours, elles et ils avaient :

● Décrété l’égalité salariale entre les institutrices et les instituteurs
● Donné le droit de divorce aux femmes
● Reconnu la citoyenneté aux étranger·e·s
● Séparé Église et État
● Mis en place un moratoire sur les loyers
● Offert la possibilité aux associations ouvrières de constituer des coopératives
● Interdit le travail de nuit des boulanger·e·s
● Aboli les retenues sur salaire
● Réduit la durée de travail journalière

Oui, en ce 22 mai 2021, Les Canuts, La Danse des bombes et La Semaine sanglante ont retenti sous les voûtes du Sacré-Cœur, cette ignoble meringue, construite « là où la Commune a commencé », comme le disait lors de la pose de la première pierre Hubert de Fleury, l’un des initiateurs du funeste projet. Ainsi, dominant Paris pour des siècles et des siècles, l’horrible bâtisse, véritable doigt d’honneur des vainqueurs aux vaincus, rappellerait ce qu’il en coûte à celles et ceux qui voudraient se gouverner eux-mêmes et lutter pour un monde meilleur. À l’heure où le gouvernement fait de la laïcité un fondamentalisme quasi religieux destiné à mieux stigmatiser des populations entières, qui pourrait s’offusquer que des chants révolutionnaires résonnent dans un bâtiment appartenant à l’État ?

Quatorze heures ayant sonné, les choristes, notoirement habillé·e·s voire masqué·e·s, chantent qu’ils·elles « n’iront plus nus » ; où l’on reconnaît les accents musicaux quasi religieux de la chanson Les Canuts, appropriée donc pour une douce entrée en matière. Cependant, au bout d’une minute de clameur, la sécurité s’énerve déjà — « S’il vous plaît arrêtez de chanter ! » : il ne saurait être question de rompre la ferveur et le recueillement des prières par un tel faste sonore, lequel nous transporte. S’invitent alors la barbarie des lions, des voix faisant littéralement exploser la voûte... c’est La Danse des bombes écrite par Louise Michel. La sécurité s’énerve encore et arrache quelques livrets de paroles... Mais l’heure est venue de faire résonner La Semaine sanglante, trop bien connue pour qu’il soit besoin d’y jeter ne serait-ce qu’un œil. Enivré·e·s par son rythme et par la résonance cathédrale, en cortège, nous serpentons puis dérivons vers la sortie. Après les applaudissements des soi-disant « recueilli·e·s », et les clameurs, les accents nourris de « Vive la Commune ! », le porche est franchi.

La maréchaussée étant de garde permanente aux abords des hauts lieux touristiques, elle est prompte à enfermer derrière les grilles quelques attardé·e·s chantant encore dehors Le Pieu, lesquel·les sont sommé·e·s par un chefaillon de revendiquer, ou encore de donner le nom de l’association, voire de l’organisation ayant prévu une telle subversion, et enfin, de désigner un responsable. La justification proposée pour un tel interrogatoire — délivré par talkie par un gradé — étant que, par temps de terrorisme, il est essentiel de savoir à qui imputer ! Un mot d’ordre spontané est alors énoncé : nous sommes venu·e·s célébrer « La Coustique ».

Un policier marmonne dans son talkie : « Y a trente communards qui sont rentrés de force dans la basilique ! » Petit voyage dans le temps monsieur l’agent ? [1]

Le reste s’entend comme routine de vérifications d’identités (derrière et devant les grilles), discussions stériles, embarquement au poste d’une copaine qui a donné pour identité : Louise Michel, née le 22 mars 1871, adresse 1, square Louise-Michel, Paris 18. Peine relâchée, vient le temps de force bières et chants dans le quartier... en l’attente de prunes.

Et oui : cent cinquante ans après, des voix s’élèvent toujours dans les rues de Paris pour crier « On est là ! » et le montrer, déterminé·e·s et toujours plus nombreux·ses, malgré la répression.

Cent cinquante ans après, les mots de Louise Michel résonnent haut et fort, partout, y compris au Sacré-Cœur. Partout, au Chiapas, au Rojava, au Chili, à Hong Kong, sur tous les continents, en ville, à la campagne, dans des quartiers autogérés, des ZAD, des jardins, des cabanes, des cantines, des squats, des immeubles, des entreprises, des coopératives, des syndicats, des chorales, des assos, des villages, sur des ronds-points, ça s’organise. Ça expérimente la justice transformative, le prix libre, la permaculture, l’habitat léger, les toilettes sèches, la gestion du conflit, les groupes de parole, la défense et le déplacement collectifs, le soin des blessé·e·s, les radios libres, les revues autogérées... Ça cherche à vivre en harmonie, sans le pouvoir. C’est grisant et ça crée des liens qui aident à vivre. Oui, on s’organise et ça marche.

Cent cinquante ans après, l’autoritarisme politique moral et économique pèse encore sur nous. Mais il est tout crispé. Il sent bien qu’on arrêtera jamais la lutte. Le mur rigide et froid se fissure de toutes parts. Partout des ZAD fleurissent, des chaînes de solidarité s’organisent dans les interstices, les voix des opprimé·e·s, des dominé·e·s font un vacarme de tous les diables. Ça expérimente, ça chante, ça cultive, ça cuisine, ça soigne, ça vend à prix libre... Le Pouvoir, politique, moral et économique, cette hydre dont nous n’avons plus besoin — et cela commence à se savoir — en est arrivé à l’étape de la chasse aux sorcières jusque dans les universités. Il est fébrile, il a raison.

« … Ça branle dans le manche / Les mauvais jours finiront / Et gare à la revanche / Quand tous les pauvres s’y mettront... »

Non cent cinquante ans après, la Commune n’est pas morte !

La Chorale des Pétroleuses

P-S : L’acoustique du Sacré-Cœur, on a bien bien kiffé, on en redemande !!

Source :
Paris-luttes
25 mai 2021.

Notes

[1N’en déplaise aux cerbères de l’Ordre, nous étions au moins le double à l’intérieur, et cent cinquante à l’extérieur !

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