Artistes du Mexique et du monde,
Compas de la Sexta nationale et internationale,
Sœurs, frères et hermanoas,
Pour nous, femmes et hommes zapatistes, l’art s’étudie en créant plein d’imaginations, en lisant dans le regard, en étudiant par l’écoute, en pratiquant.
Le mettre en pratique, c’est-à-dire, en le faisant, on arrivera à voir le résultat de la science et l’art de l’imagination, de la créativité.
Il y a une science et un art dont on a besoin immédiatement, comment l’imaginer pour le faire.
Il y a une science et un art qui peuvent être à moyen terme.
Et il y a une science et un art à long terme, qui s’améliorera au fur et à mesure.
Par exemple, que faire de comment devrait être un monde nouveau. Cela demande de se pencher beaucoup plus profondément sur la science et l’art de l’imagination, du regard, de l’écoute et de la créativité, patience, attention, comment avancer en construisant, et tant d’autres choses qu’il faudra prendre en compte.
Car ce qu’on veut, ou ce qu’on pense, c’est un nouveau monde, ou un nouveau système. Pas une copie de celui qui existe déjà ou un ajout de ce qu’il y a déjà. C’est ça le problème dont on parle, car il n’y a pas de livre, pas de manuel qui nous dise comment faire. Ce livre ou ce manuel, il n’est pas encore écrit, il se trouve encore dans les cerveaux avec de l’imagination, dans les yeux intelligents avec un regard de quelque chose de nouveau qui veut se voir, dans les oreilles attentives pour capter le nouveau que l’on veut.
Ça demande beaucoup de sagesse et d’intelligence, de bonne interprétation et de paroles, de pensées.
Donc, on vous le dit, car ça a été comme ça et c’est comme ça que l’amélioration de notre autonomie se poursuivra.
Elle a été construite par des milliers de femmes et d’hommes zapatistes, avec science et art.
Comme on peut maintenant le voir dans les cinq zones des caracoles.
L’art que nous vous montrons, est né et est sorti crûment de l’esprit de nos compañeras et compañeros, et ce sont elles et eux qui ont décidé de comment ils allaient le présenter, de comment ils avaient travaillé en tant que zapatistes et autonomes, avec leur résistance et leur être rebelle.
Tout a été une chaîne d’art, le fait de penser à ce qu’ils allaient présenter, si c’est une danse, une chanson, une poésie, une sculpture, une pièce de théâtre, de la céramique. Après les paroles, les idées sur comment se feront les mouvements, ensuite d’où sortiront les frais pour leurs concentrations, leurs répétitions, car ce sont des collectifs de village, de région, de municipalités et de zone. Il y a eu trois sélections, les peuples se réunissent en régions, là c’est la première sélection, après les régions se réunissent comme commune autonome pour la deuxième sélection ; et les communes se réunissent en zone et c’est la dernière sélection.
Leurs préparations leur ont demandé des mois.
Pour les peuples de milliers de femmes et hommes zapatistes, ça a été une révision de ce que nous sommes, autrement, plus de parlotte ou de bla-bla, mais de la technique de l’art, tout ça fait que des enfants, des jeunes, des pères et mères, et des grands-parents se sont motivés.
Ce que les compañer@s zapatistes ont revu sous forme artistique, sous forme d’art, ça a été leur résistance et leur rébellion, leur gouvernement autonome du Conseil de bon gouvernement, leurs MAREZ (Municipios Autónomos Rebeldes Zapatistas, Communes autonomes rebelles zapatistes), leurs autorités locales (commissaires, agent·e·s), leur système de santé autonome, leur système d’éducation autonome, leur station de radio autonome, leurs sept principes du diriger en obéissant dans leur nouveau système de gouvernement autonome, leur démocratie en tant que peuples, leur justice, leur liberté.
Leur défense de la terre mère ainsi que leur travail collectif de la terre mère. Avec tout ça naîtront de nouvelles générations de jeunes femmes et hommes, pour le futur zapatiste.
Ce qu’on vous présente, compañeras et compañeros de la Sexta nationale et internationale, sœurs et frères du Mexique et du monde, ce n’est qu’une petite partie des compañer@s qui allaient participer. Un jour on se présentera avec vous, mais on n’aura pas le temps, car si on vient toutes et tous, ça va prendre plus d’un mois à tout présenter, donc il y aura de l’art et des sciences sur comment on va faire la présentation un jour. Car le plus merveilleux des arts, c’est le soutien collectif.
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Compañeras et compañeros de la Sexta nationale et internationale,
Sœurs et frères du Mexique et du monde,
L’orage et l’hydre du monstre capitaliste veulent nous empêcher de nous voir, mais avec l’important effort qu’on a fait, là, maintenant, on se voit. Les compañeras et compañeros des milliers de bases d’appuis de l’Armée zapatiste de libération nationale veulent vous montrer de très nombreux arts. Vous en avez vu ici une partie et dans les autres caracoles vous en verrez d’autres. Car plus de deux mille artistes avaient été sélectionnés : ceux qui avaient été sélectionnés et ceux qui ne sont pas passés, non pas car ils ne sont pas passés, mais parce qu’il n’y avait pas d’argent pour que des milliers de compañeras et compañeros artistes puissent se déplacer.
Nos compañeras et compañeros artistes, être artistes, ce n’est pas leur profession, leur métier est et s’appelle « Todólogo » [1], car ce sont des menuisiers, des maçons, des épiciers, épicières, ils travaillent la terre, ils sont locuteur, locutrice, milicien, milicienne, insurgée et insurgé, autorité autonome, maestr@s de l’Escuelita, promoteur de santé ou d’éducation, et ils trouvent encore le temps d’être artistes.
De vrais artistes dans la construction d’un nouveau système de gouvernement, l’autonomie où le gouvernement obéit et le peuple dirige.
C’est un art qui peut se voir, s’étudier, et ils l’ont dans la pratique, c’est un art qui peut être connu en partageant.
Mais les compañer@s femmes et hommes exercent aussi d’autres arts, un art qui ne sera pas connu, et qui ne sortira dans aucun média.
L’art de la solidarité, le soutien aux peuples qui luttent.
La manière dont les compañeras et compañeros bases d’appui zapatistes ont soutenu la lutte de résistance du mouvement du corps enseignant est une autre science, un autre art.
Cette science et cet art n’ont pas été visibles. La manière dont ça s’est fait, dont ça s’est vu et comment ça a été donné, à savoir, le don des aliments, ça a été comme un art de nid de guêpes, mais avant, il y a eu un art et une science de tout ça.
Voilà :
Il est apparu nécessaire de soutenir cette lutte du corps enseignant qui est en train de résister à l’hydre et à l’orage capitaliste, signalés il y a un an.
Ensuite, il a fallu voir quel soutien on allait donner et ça a été dans un premier temps avec notre parole qu’on a avancé que leur lutte était juste.
Ensuite, il a fallu voir comment soutenir pour résister, où étaient les blocages et les sit-in et on a compris que ce serait avec l’alimentation.
Ensuite, il a fallu voir ce qu’on pouvait faire et, face à ça, qu’allaient dire nos compañeras et compañeros si on les soutenait avec l’alimentation du peu qu’on a, fruit de nos travaux collectifs.
Par exemple, le soutien de l’alimentation a été visible, la remise des aliments, les sacs et tout ça. Mais ce qui ne s’est pas vu c’est l’organisation de la collecte de village à village, la répartition de combien pour chaque village, savoir combien de tonnes on va réussir à rassembler pour savoir comment les transporter. Ensuite, le temps, car les nouvelles disent que le blocage ne sera pas levé, puis ensuite que le blocage va être levé car on va les déloger, car les riches disent que ça nuit beaucoup, il y a cette pression car ce qu’on va collecter va être gaspillé si on ne sait pas où l’amener.
On a donc fait des réunions de partout pour trouver un accord, ok, car tous et toutes les compañer@s ont dit que le soutien était juste et nécessaire envers le mouvement du corps enseignant.
On commence alors avec les maths, les comptes, comme on dit, les divisions, pour distribuer comme on dit, combien va donner chaque zone, chaque MAREZ, région, chaque village.
On commence alors à former des commissions de région pour la collecte et des commissions par MAREZ et par zone. Quelques zones ont manqué pour les commissions. Pas manqué dans le mauvais sens du terme mais dans le bon, car la commission avait mentionné deux tonnes et il s’est avéré que les villages ont donné 7 tonnes de plus, comme dans le cas des bases d’appui zapatistes de la zone nord du Chiapas, du caracol de Roberto Barrios. Et donc, l’Art pour résoudre le problème n’était pas prévu pour 9 tonnes et il n’y avait qu’un camion de 3 tonnes.
Le travail des compañeras est un art, car on leur demande quand les 100 000 tostadas seront prêtes, comment on peut calculer si le maïs qui va devenir tostada est déjà en épis.
Eh bien les compañeras ont dit que ce sera prêt à telle heure de telle date. Car elles savent très bien combien de temps cuit le maïs, et combien de tostadas on peut faire avec un kilo de maïs.
Et les compañeras ajoutent même des saveurs aux tostadas, de frijol, de sel, car elles savent que c’est pour soutenir les enseignantes et les enseignants en grève et en résistance.
C’est comme ça qu’elles l’ont fait et qu’elles l’ont mené à bien. Ça ne se voit plus car c’est dans l’estomac, ou devenu engrais car les compañer@s enseignantes et enseignants l’ont déjà rejeté.
Le travail collectif, le travail commun a permis que ça se mette en place si facilement, d’une main à l’autre, d’autres l’ont mis en place à cheval, d’autres à pied et en portant sur le dos, d’autres en voiture. Merci aux travaux collectifs des compañeras femmes et des compañeros. Tout a été un calcul mathématique, du début à la fin.
Tout ça, tout est une dépense et la grande majorité vient des travaux collectifs, des villages, des régions, des communes autonomes et des zones. Réel fruit de nos travaux en tant que peuples de femmes et d’hommes organisés.
Tout ça ne s’est pas vu et ne se saura pas si on ne vous le raconte pas, et c’est tout un effort que nos compañeras et compañeros zapatistes bases d’appui ont fait, car on aime le peuple qui lutte avec résistance.
Pourquoi est-ce qu’on fait ça ? Eh bien car on sait et on comprend ce que c’est que résister dans une lutte et comment c’est de maintenir une lutte en résistance. Tout un art d’imagination des peuples zapatistes pour le « comment soutenir », parce que « résister » ça fait vingt-deux ans que les compañeras et compañeros le font, et ça, ça donne beaucoup d’expérience et d’importance pour cette solidarité. C’est la démonstration de la collectivité. Nous femmes et hommes zapatistes, ça fait vingt-deux ans qu’on lutte avec résistance et rébellion contre le capitalisme, et vingt-deux ans qu’on a un nouveau système pour nous gouverner où le peuple dirige et le gouvernement obéit.
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Il y en a qui pensent qu’on doit aller lutter pour les enseignants et les enseignantes. Si c’est comme ça qu’on pense, c’est qu’on a rien compris. Parce que ça, ça veut dire que j’attends que quelqu’un vienne et lutte pour moi. Les femmes zapatistes, les hommes zapatistes, on ne demande à personne de venir lutter pour nous. Chaque lutte appartient à chacun, et on doit se soutenir mutuellement, mais ne pas ôter le lieu de la lutte de chacun. Celui qui lutte a le droit de décider où va son chemin et avec qui il avance. Si d’autres s’y mettent alors ce n’est plus du soutien, c’est supplanter. Le soutien c’est du respect, pas de la direction ou des ordres. De la même manière qu’on a compris que personne n’allait nous donner à manger si on ne travaillait pas, c’est pareil. Personne ne va nous libérer, à part nous-mêmes hommes et femmes.
Si bien que, peuples du Mexique et du monde, on doit s’organiser, luttons dans le monde où on vit pour le changer, en tant qu’ouvrier·e·s, paysan·e·s, toutes et tous les travailleurs, n’attendons pas que quelqu’un vienne ou arrive lutter pour nous.
On a déjà vécu ça, ils viennent seulement nous manipuler, nous tromper, nous tenir comme ils nous tiennent maintenant.
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Si l’art, sœurs et frères, compañeras et compañeros, est si important, c’est parce que c’est lui qui donne une illustration de quelque chose de nouveau dans la vie, tellement différent et que tu peux le comparer avec l’illustration dans la vie réelle, qui ne ment pas.
L’art est tellement puissant, car c’est une vie réelle, déjà dans les communautés où elles et eux dirigent et leur gouvernement obéit, merci à l’art de l’imagination et de savoir transformer en une nouvelle société, en une vie commune. Il démontre qu’on peut avoir une autre manière de se gouverner, totalement différente, il est possible d’avoir une autre vie en travaillant communément au bénéfice de la même communauté.
Là, je me souviens du feu compañero sous-commandant insurgé Marcos, qui quand on construisait une petite maison là-bas dans la forêt, avec le commandant Tacho nous demandait : « Ces croisillons vous savez à quoi ils servent ? Vous pouvez m’expliquer scientifiquement à quoi ? » Et on voulait lui répondre lorsqu’il lançait une autre question : « C’est de la science ou c’est des us et coutumes ? » Le commandant Tacho et moi on se regardait, et comme c’était lui qui dirigeait la construction le commandant a dû répondre : « Ben c’est comme ça que j’ai appris de mon père, et mon père a appris de mon grand-père et ainsi de suite », avait dit le commandant Tacho. Le défunt a dit : « Ah, donc c’est par us et coutumes ce n’est pas pour une étude scientifique de la science », nous a dit le feu sous-commandant. Il nous a alors expliqué pourquoi les arts et la science étaient si importants. Et maintenant, on s’en rend compte. Mais bon, là, je vais vous dire que le défunt nous gribouille c’est-à-dire qu’il nous écrit, depuis le lieu où il se trouve sous terre, et qu’il nous demande, on va le publier nous qui sommes encore ici vivants, à l’endroit où lui vivait.
Si bien que compañeras et compañeros, hermanas et hermanos. On pense, nous femmes et hommes zapatistes, que, aujourd’hui plus que jamais, on a besoin de l’art, des peuples originaires et de la science pour pouvoir faire naître un monde nouveau.
Si bien que compañeras et compañeros artistes de la Sexta nationale et internationale, motivez-vous pour travailler l’art.
Accompagnez-nous sœurs et frères du Mexique et du monde, à rêver d’un art où le peuple commande, pour son bien et le bien du même peuple.
Merci.
Depuis les montagnes du Sud-Est mexicain,
sous-commandant insurgé Moisés.
Mexique, 29 juillet 2016.
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Chanson : La Capacité des femmes
Paroles, musique et chorégraphie du groupe zapatiste, juvénile, féminin et musical Dignidad y Resistencia, bases de soutien de la zone Altos de Chiapas. Quand elles se sont présentées à Oventik, le 29 juillet dans l’après-midi, le son a été mauvais et elles étaient un peu tristes. Alors, le 30, au Cideci, le SubMoy a demandé aux compañeros musiciens, Panteón Rococó et Oscar Chávez, qu’ils leur laissent quelques minutes de leur temps (merci don Óscar, merci Panteones). Les compañeras ont pu présenter ce qu’elles avaient préparé pendant plus de cinq mois. Quand elles ont terminé, elles sont allées voir le SupMoy : « C’est bon on est revenues », ont-elles dit. Le SupMoy : « Comment ça s’est passé ? » Elles : « On a gagné. » Le SupMoy n’a rien dit mais il a sûrement pensé : « Finalement, cinq cents ans c’est pas grand-chose, j’ai cru qu’il ne me serait jamais donné d’entendre ça. » Elles ont poursuivi : « On a un peu souffert car les gens en demandaient une autre. Beaucoup criaient “une autre ! une autre !” mais le truc c’est que nous on n’en connaît pas d’autre. On a d’ailleurs mis longtemps à faire cette chanson. Si vous en voulez une autre, vous devrez attendre six mois de plus. » SupMoy : « Et qu’est-ce que vous avez fait ? » « On est vite descendues et on s’est protégées avec les compañeros », ont-elles dit et elles sont allées danser le ska des Panteones.
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Danse : La Danse du travail collectif du maïs
Chorégraphie des bases d’appui zapatistes de la zone Altos du Chiapas. Voici la version qu’ils ont présentée lors de l’étape de la sélection. Pour la participation du 29 juillet à Oventik, ils ont ajouté quelques trucs, comme ont pu l’apprécier ceux qui y ont assisté. Peut-être que les medios compas ont la vidéo du 19 à Oventik.
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Poésie : Quand l’horizon regarde le lendemain
Par un jeune base d’appui zapatiste de la zone Altos du Chiapas. Cette version est celle de sa présentation pour l’étape sélective. Quand il répétait, on lui a dit qu’il allait y avoir beaucoup de gens, mais qu’il ne devait pas se stresser. « Toi, regarde le cahier et ne lève pas les yeux », lui a-t-recommandé. Lui, a dit qu’il n’avait pas peur, mais qu’il avait un doute. « Lequel ? » lui a-t-on demandé. Il a dit : « C’est que je ne sais pas si on dit “poème” ou “poésie”. » Alors on vous charge de résoudre le doute.
Source et traduction :
Enlace Zapatista