Ce jeudi 23 août, encore une fois en toute impunité et dans le silence médiatique total, Fredy Julián, un jeune Nasa de Vista Hermosa, a été assassiné pour avoir « libéré la Terre Mère ». A priori le huitième depuis le lancement du Processus de libération de la Terre Mère, Uma Kiwe en nasa.
Les Nasa, peuple originaire de cette région, [bleu violet]luttent pour la défense et la récupération de leur territoire[/bleu violet] depuis l’arrivée des Espagnols. Ils ont été déplacés et rassemblés dans des resguardos, sorte de territoires protégés restreints au pied des montagnes. Ils ont commencé depuis les années 2000 à se rassembler et à occuper les monocultures de canne qui ont envahi la vallée sur des milliers d’hectares et qui sont aux mains de grands propriétaires terriens et d’une industrie de la canne impulsée par l’État.
En 2014 le Processus de libération de la Terre Mère est entré dans une phase active par la multiplication d’occupations consistant à faucher la canne et à la remplacer par des cultures nourricières collectives (manioc, bananes, maïs...) ou de l’élevage, mais aussi pour y construire des cabanes de vie.
C’est dans un de ces points de libération que la police colombienne a assassiné Fredy Julián en lui tirant une balle dans la tête.
Voici leur communiqué traduit :
« Ce jeudi 23 août 2018, au point de libération La Albania, province de Pilamo, resguardo de Lopezadentro, l’État colombien a assassiné un libérateur de la Terre Mère. C’est arrivé pendant une opération durant laquelle quatre cents Esmad (escadron spécial antiémeute, unité spéciale de la police) et policiers ont essayé d’expulser la communauté libératrice qui depuis le 20 août a pris possession de ce lieu.
Depuis lundi 20 août, la communauté libératrice du point de libération de La Albania a fait un pas de plus sur le chemin de la lutte. Jusqu’à maintenant, depuis octobre 2015, nous avons coupé beaucoup de canne destinée au biocarburant et au sucre, nous avons semé du maïs, manioc, bananes plantains, nous avons récolté, partagé des aliments avec la communauté et autres secteurs sociaux. Maintenant est venu le temps pour nous de nous installer pour vivre sur ces terres et poursuivre en libérant la Terre Mère. Depuis lundi, tous les jours nous nous réunissons en minga (chantier collectif) pour construire les maisons, nous établir sur les terres de cette exploitation et y rester, terres sur lesquelles il reste encore beaucoup de canne à couper.
Les propriétaires terriens ont été pris de colère et ont envoyé leurs troupes, l’armée nationale de Colombie, la police et l’Esmad. Mardi 21, à 15 heures, sont arrivés six fourgons de l’armée et de la police pour observer l’action de libération : des gens construisant des maisons et coupant la canne. Ils ont tiré quelques gaz et racalzadas [1] et sont partis.
Aujourd’hui jeudi, autour de 9 heures, ils sont revenus plus en force alors que se construisaient des cabanes. Près de quatre cents agents de l’Esmad et de la police sont entrés sur l’exploitation de canne par la partie basse, dispersant des gaz, recalzadas et balles réelles. Les libératrices et libérateurs ont continué fermement, avec l’aide et la présence massive de la communauté, et ont réussi à les faire reculer.
Durant ces attaques, les forces de l’ordre ont fait usage d’armes létales à l’encontre des libérateurs qui eux résistent à coups de bâton, de machette et de force ; ils ont laissé derrière eux deux personnes blessées. Fredy Julián a reçu une balle dans la tête qui lui a endommagé le cerveau ; après être tombé dans le coma, il a été débranché des appareils qui le maintenaient en vie.
Face aux violences des forces de l’État contre notre communauté, notre réponse est celle de poursuivre et de rester sur ces terres, car “là où le Nasa met un pied, il ne s’en va pas”. “Nous continuerons à libérer la Terre Mère car elle est le bien commun de l’humanité.” Maintenant il n’y aura pas de retour en arrière à Albania, le sang nasa a coulé. La limite a été dépassée. »
[bleu violet] Proceso de liberación de la Madre Tierra[/bleu violet]
Peuple nasa, nord du Cauca, Colombie
[bleu violet]Brochure en français sur la lutte[/bleu violet]
Traduction :
Camilles, [bleu violet]zad.nadir.org[/bleu violet].
Texte d’origine (espagnol) :
[bleu violet]Liberación de la Madre Tierra[/bleu violet]
23 août 2018.