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Isthme de Tehuantepec, Oaxaca, Mexique
« Que les politiciens cessent de diviser nos communautés ! »

vendredi 13 décembre 2013, par Asamblea de Pueblos del Istmo

San Francisco del Mar, Oaxaca,
30 novembre 2013.

Aux médias,
Aux centres de droits de l’homme mexicains et internationaux,
Aux différentes instances de gouvernement de l’Oaxaca et du Mexique,
Aux peuples originaires de l’Oaxaca et du Mexique,
Au Congrès national indigène,
À l’opinion publique,

Nous sommes un groupe de personnes du peuple Ikoojts (appelé aussi Huave), habitants du vieux village de San Francisco del Mar (San Francisco del Mar Pueblo Viejo), à Oaxaca, dans la zone de l’Isthme. Nous, nous veillons sur la mer depuis l’antiquité, elle a été la source de notre vie. Aujourd’hui, nous sommes ici pour dénoncer le déplacement forcé dont nous avons été victimes, ainsi que les agressions et violations de nos droits dont nous souffrons depuis déjà plusieurs mois. Ces agressions ont culminé avec notre expulsion. La plus grande partie d’entre nous avons été expulsés le 14 novembre 2013, même si le compa Joselito Gallegos Pedro avait été violemment tabassé et déplacé de la communauté depuis déjà huit mois. Nous sommes onze personnes aujourd’hui déplacées.

Jusqu’à présent nous n’avons pas obtenu justice, parce que les différentes instances de gouvernement n’ont donné aucune suite à nos plaintes, ce qui fait que nous nous retrouvons complètement sans défense. La communauté se retrouve encerclée, sous le contrôle constant de qui rentre et qui sort, ce qui empêche que nos familles restées là-bas puissent entrer en relation avec le reste de la communauté ou bien avec nous, qui avons été déplacés.

Nous exigeons aujourd’hui que les politiciens cessent de diviser nos communautés dans l’objectif de nous imposer leurs projets, comme l’éolien. Nous exigeons que soient mises en place les conditions nécessaires à notre retour, et que la paix et l’harmonie reviennent dans notre communauté. Nous exigeons aussi que soit respecté notre droit à la terre et au territoire, ainsi que le respect des mécanismes de décision de la communauté, sans qu’y interviennent des intérêts politiques et économiques étrangers à notre forme de vie.

Antécédents

Ce conflit a commencé lorsque durant une assemblée, on nous a demandé de voter pour le PRI (Parti révolutionnaire institutionnel), ce que nous n’avons pas accepté, car nous pensons différemment. Il y a aussi comme précédent notre désir que soit créée une autre école, qui ne soit pas contrôlée par la section 59 [1]. Peu à peu on a commencé à nous appeler « les problématiques ». À travers différentes stratégies on nous fermait toutes les possibilités d’avoir une vie digne au sein de la communauté. On nous a interdit la pêche dans l’enclos des crevettes, les barrières de nos prés ont été détruites, l’eau de nos maisons a été coupée et nos enfants n’ont plus été admis au sein de l’école de la communauté. Le compa Joselito, quand il a été surpris en train de pêcher, a été gravement tabassé avant d’être enfermé. Le résultat du passage à tabac qu’ils lui ont fait, certains cagoulés et équipés d’armes lourdes, c’est qu’il a maintenant des lésions au cerveau, des côtes fracturées et il a dû être hospitalisé pendant plusieurs jours. Tout ça a été documenté en détail dans son dossier médical, et les plaintes afférentes ont été déposées, sans que les autorités n’aient pour autant réalisé d’enquêtes depuis. C’était il y a déjà huit mois.

Le représentant municipal Homero Salinas Martínez nous a depuis fait parvenir des lettres avec une date butoir pour que nous abandonnions la communauté, abusant de son autorité et violant nos droits en tant que citoyens. Ils ont cherché à nous accuser de nombreuses choses, comme par exemple de verser de l’huile dans le puits, afin de retourner les gens contre nous et faciliter ainsi notre expulsion. Mais tout cela ce sont des mensonges qui se sont volatilisés d’eux-mêmes.

De notre côté nous avons commencé à nous défendre des agressions contre nous et de la menace d’expulsion. C’est ainsi que le 14 novembre, durant une assemblée dont nous n’avons pas été informés et à laquelle nous n’avons pas pu participer, notre expulsion fut décidée. Un groupe de cinquante personnes est sorti de l’assemblée en direction de nos maisons qu’ils ont commencé à caillasser, menaçant nos femmes et nos enfants, et nous expulsant par la force. Ils voulaient expulser aussi nos familles, mais d’autres habitants de la communauté les ont défendues. Depuis lors eux sont toujours là-bas, et nous, nous avons trouvé refuge ici, à Pueblo Nuevo.

Il existe des procédures correspondant aux plaintes que nous avons déposées, mais les instances correspondantes ne leur ont pas donné de suite parce que ceux qui bloquent l’affaire sont le député fédéral Samuel Gurrión (du PRI), la députée locale María Luisa Fuentes Matus, et le président municipal (de San Francisco del Mar), Héctor Matus.

Le dernier acte indigne qu’ils ont commis, c’est que quand le compa José Luis a tenté de revenir dans la communauté pour veiller sur le corps et être à l’enterrement de sa mère, décédée il y a dix jours, ils l’ont expulsé de nouveau, sans lui permettre ne serait-ce que d’assister aux cérémonies, qui sont tellement importantes pour nous, et pour n’importe quel être humain.

Jamais nous n’avions vécu cela au sein de notre communauté, et nous pensons que ce qu’il y a derrière, c’est l’intérêt économique et politique de gens ambitieux, qui n’ont pas de scrupules à nous marcher dessus pour pouvoir nous déposséder de notre terre et du territoire. La mer, le vent et la terre nous appartiennent, nous vivons d’eux, nous travaillons en leur sein, et nous avons veillé sur eux durant des siècles. Nous n’allons pas permettre qu’ils nous dépossèdent par leurs mensonges et leurs tromperies, ni qu’ils retournent contre nous nos frères parce que nous pensons différemment. Nous n’allons pas non plus accepter d’échanger notre mer et notre terre pour de l’argent, pour quelques miettes, quand eux-mêmes s’emparent de toutes nos richesses.

La terre et la mer ne sont pas à vendre, on les aime et on les défend.

Solidairement,
Jesús Ocampo Vargas
Carlos Norberto Ocampo Andrés
Facundo Francisco Martínez
Joselito Gallegos Pedro
Nicolás Andrés Juan
Javier Martínez Jiménez
José Luis Martínez Jiménez
Bernaldino Pineda Castillejo
Gregoria Orozco Martínez
Marbina Ordoñez Vicente
Oliver Ocampo Martínez

Source et traduction :
Asamblea de Pueblos del Istmo

¡Viva Totopo !

Notes

[1La section 59 du syndicat des maîtres d’école, minoritaire dans l’État d’Oaxaca, est totalement contrôlée par le Parti révolutionnaire institutionnel.

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