la voie du jaguar

informations et correspondance pour l’autonomie individuelle et collective


Ils sont nous

lundi 24 septembre 2012, par Gilberto López y Rivas, Luis Villoro, Pablo González Casanova

Le mouvement des Mayas zapatistes dirigé par l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN) est devenu une référence nationale et mondiale par ses succès dans la construction de processus d’autonomie fondés sur les principes d’une démocratie participative où on commande en obéissant aux accords pris par les communautés, où le gouvernement se conçoit comme un service dans lequel tous et toutes ont des responsabilités à accomplir, où le bien de la communauté est son objectif et sa raison d’être et où on respecte toutes les croyances religieuses.

À partir d’une dignité reconquise, qui se vérifie tous les jours, les conseils de bon gouvernement et les gouvernements autonomes municipaux sont parvenus à avancer de manière remarquable dans des domaines importants comme l’éducation, la production et la commercialisation de produits communautaires, dans une perspective d’autosuffisance et de redistribution. Dans un contexte d’urgence nationale causée par le mauvais gouvernement au service du capital et de l’impérialisme mondial dirigé par les États-Unis, les expériences zapatistes et celles d’autres peuples indigènes qui, dans la géographie du pays, ont opté pour l’autonomie, constituent l’autre pôle équidistant aux bilans de misère, de mort, de vente du pays et de répression que laisse le sexennat qui se termine, et aux mauvais augures de celui qui commence au moyen de la fraude et de l’imposition [1].

Cette autre façon d’exercer le pouvoir, de pratiquer la politique et d’assumer des formes solidaires de coexistence sociale s’est développée malgré la traque permanente d’une stratégie d’État fondée sur la recolonisation des territoires pour s’emparer de leurs ressources, sur la contre-insurrection, sur la pénétration militaire et policière, les essais systématiques de cooptation, d’infiltration et de provocation, et si tout cela ne fonctionne pas, sur l’action directe de groupes paramilitaires qui frappent sans pitié les communautés, qui envahissent leurs terres libérées, brûlent et détruisent les maisons, les écoles, les cliniques, les récoltes et les outils, qui provoquent le déplacement de leurs populations ; ils s’arrogent, en somme, en toute impunité, le rôle du marteau clandestin de l’État sur l’enclume de l’armée, toujours omniprésente, et de la gestion factieuse du pouvoir judiciaire, prêt à criminaliser les zapatistes et les membres de leurs bases de soutien. Nous sommes informés des attaques et harcèlements dénoncés par les conseils de bon gouvernement de Morelia (en particulier de l’ejido [2] Moisés Gandhi), de La Realidad et de Roberto Barrios, et tout spécialement des actions de contre-insurrection contre la communauté autonome zapatiste Comandante Abel, de la commune autonome de La Dignidad, qui se trouve assiégée par des paramilitaires et la police de l’État, en un modus operandi qui montre la complicité et le lien direct entre le paramilitarisme et les forces répressives de l’État.

Cette agression contre les communautés mayas zapatistes a déjà été dénoncée dans les cadres nationaux et internationaux par divers collectifs, syndicats et organisations qui ont fait leurs les avancées de civilisation de leurs processus d’autonomie et de leurs propositions pour le sauvetage et la reconstruction d’une nation où nous tiendrions tous et toutes. Ils font leur également une lutte anticapitaliste fondée sur la participation collective et de premier plan des exploités, discriminés et opprimés qui, en bas et à gauche, résistent au contrôle et à la domination des travailleurs, se joignent à la lutte des villages et des peuples contre l’occupation intégrale de leurs territoires et de leurs ressources, dénoncent la perte de sens et le discrédit d’une démocratie sous tutelle de la dictature médiatique, des pouvoirs de fait et du crime organisé dans et hors du mauvais gouvernement.

Ces collectifs qui accompagnent les Mayas zapatistes et leur Armée zapatiste de libération nationale (EZLN) ressentent également dans leur propre chair l’assaut de l’État mexicain au travers de ses forces armées et de ses paramilitaires contre les communes autonomes, car ils comprennent bien qu’eux sont nous, qu’ils n’ont pas été et ne seront pas seuls, que si on touche à l’un on touche à nous tous.

Ne pas tenir compte des paroles d’indignation de ceux qui, dans la nation et le monde entier, se solidarisent avec nos frères zapatistes et réclament l’arrêt immédiat de l’attaque criminelle est un acte supplémentaire de violence suprême contre le Mexique et l’humanité.

Pablo González Casanova, Luis Villoro et Gilberto López y Rivas [3]
La Jornada, Mexico, 23 septembre 2012.
Traduit par el Viejo.

Images de la résistance zapatiste
à l’intérieur et à l’extérieur de la communauté Comandante Abel

Vidéo (en espagnol) de la caravane de solidarité
avec la communauté zapatiste Comandante Abel

Message du mouvement sud-africain Abahlali baseMjondolo pour les zapatistes
(en anglais sous-titré en espagnol)

Notes

[1Allusion à la situation actuelle où le président sortant, Felipe Calderón Hinojosa, du PAN, doit laisser la place le 1er décembre 2012 au président reconnu comme élu malgré la fraude prouvée, Enrique Peña Nieto, du PRI, NdT.

[2Forme de communauté agraire, NdT.

[3Les auteurs de ce texte, sociologue, philosophe et anthropologue, sont parmi les intellectuels les plus prestigieux du Mexique actuel, NdT.

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