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Eux et nous
VII. Les plus petit•e•s (II)

dimanche 24 février 2013, par EZLN, SCI Marcos

2. Comment on fait ?

Février 2013.

Note : Compas, en une autre occasion (si tant est qu’elle se présente) nous vous expliquerons comment est organisée notre EZLN. Pour l’instant, nous ne voulons pas vous distraire du « partage ». Nous précisons seulement que vous allez voir apparaître une « Commission d’information ». Cette Commission est formée de compañeras et compañeros, commandants et commandantes (le CCRI ou Comité clandestin révolutionnaire indigène), qui observent les travaux de l’autonomie, soutiennent les Conseils de bon gouvernement et tiennent les bases de soutien zapatistes informées de comment marche l’ensemble.

Voici, donc, d’autres extraits du « partage » zapatiste :

(…)

C’est de cette manière que nous faisons le travail. Comme c’est dit ici dans le dernier point : comment se résolvent les problèmes ? Oui, il y a eu des problèmes dans la commune. Des problèmes de terre, des problèmes de menaces, des problèmes d’électricité, oui, ça existe, et je crois que dans tous les villages existent ces problèmes, parce que nous, les bases de soutien, nous ne sommes pas les seuls à les vivre, il y en avait plus quand nous vivions dans les villages officiels où se trouvent les ennemis, où se trouvent ceux qui gouvernent, où se trouvent les paramilitaires, c’est pour ça que ces problèmes existent. Mais nous devons voir la façon dont nous devons gouverner, même s’il est vrai que pour apprendre, c’est dur, parce que, comme disaient certains compañeros, il n’y a pas de manuel d’instructions. Il n’y a rien pour se guider, il n’y a pas d’écrit qui le permette, nous devons nous rappeler comment ont servi nos ancêtres, quand ils n’étaient pas nommés par les officiels mais par le village et qu’ils servaient le village, ils n’avaient pas de salaire. La corruption a commencé, le mauvais service a commencé quand a été introduit le salaire.

C’est pourquoi le peu de temps que j’ai été dans mon village, dans ma commune, j’ai pu servir de cette manière, et encore maintenant, comme je l’ai dit, nous continuons à apprendre bien que nous ayons de l’âge. Nous continuons à apprendre avec toutes et tous. Je crois que c’est ça la fonction des différents niveaux, ainsi que les commissaires, les agents, ils ont aussi leur fonction, mais eux aussi doivent apprendre à résoudre un problème. Oui, il le faut, parce que nous ne sommes pas préparés, parce que nous, comme paysans, nous nous tournons davantage vers la campagne, notre loi c’est la machette et la lime, et le pozol [fricot, ragoût, NdT] que nous emportons. Je ne sais pas si je suis à côté, compañeros, mais voilà ce que j’arrive à partager avec vous.

(…)

(…)

Nous avons fait beaucoup de réunions et pris beaucoup de décisions, il n’y a pas eu qu’une fois où nous avons pris une décision, nous avons vu que c’est un lourd travail, ce n’est pas facile à faire. Pourquoi ? Parce que, comme je l’ai dit tout à l’heure, nous n’avons pas de guide, nous n’avons pas de livre où regarder, où trouver la marche à suivre ; nous avons travaillé avec notre village.

(…)

Compañeros, c’est ce que nous sommes en train de dire, et je ne vais pas compléter grand-chose. Comme nous le disions sur la façon dont nous voulons mener le travail, bien souvent le Conseil ne peut pas le faire seul, même si ça nous passe par la tête, même si ça nous vient à l’esprit, il faut que ce soit sur la base de la coordination avec les conseils, les comités [CCRI], pour que puisse se mener à bien cette idée de ce que nous pensons, parce que nous l’avons vu dans quelques cas.

Par exemple, nous avons parlé des charges, des responsabilités, nous voyons là les difficultés du fait du grand nombre de travaux à faire. À l’époque où j’avais cette charge, nous avons vu que parfois les membres du Conseil manquent alors que le travail existe ; par exemple en ce temps-là il n’y avait pas de chauffeurs de la clinique, le Conseil doit être chauffeur, il doit être cuisinier, il doit aller ramasser du bois, il y avait beaucoup de tâches et le travail du bureau doit aussi être fait, nous devons étudier les affaires en cours, les tâches qui restent à faire et quelques travaux de la commune qui n’ont pas pu se régler, comme si le temps était trop court. Maintenant je vois bien, et ça nous a traversé l’esprit, que nous avons vraiment besoin d’un renfort, avec un autre chauffeur en plus, parce que parfois au milieu de la nuit nous devons aller conduire un malade urgent, il faut aller chercher le Conseil, il arrive à trois heures, quatre heures du matin. Cela nous est passé par la tête mais nous n’avons pas pu le résoudre, ça se présente, mais ce n’est pas possible.

Un exemple pendant mon mandat de diagnostiquer les communes, quelle est la maladie la plus courante dans les communes, et ça n’a pas pu être défini au Conseil, même avec l’information. J’ai dû demander du soutien, si ça peut se faire ou non et, avec l’appui du commandement, c’est quoi, ce qu’on veut ; on a demandé aux communes, et à nouveau quelques communes n’ont rien fait, quelques autres ont donné cette réponse, elles ont consulté le village sur la maladie la plus fréquente, parce qu’il y avait un début de typhoïde, mais elles n’ont pas appliqué les conseils. En fait, tout le travail se fait quand ça fonctionne bien, c’est comme une machine. Quand une machine ne fonctionne pas, un piston ou un cylindre dans la voiture, elle ne grimpe pas les côtes, elle n’a pas de force. C’est ce qui nous arrive dans notre autorité, bien que parfois le Conseil pense quelque chose ou veuille soumettre sa proposition pour approbation par l’assemblée, bien souvent ce n’est pas possible et les choses en restent là.

Mais pourtant, c’est bien un besoin. J’ai vu à cette époque qu’il y avait beaucoup de travail parce qu’il n’y avait pas de chauffeur. Maintenant je vois que les chauffeurs pour les cliniques se relaient, en plus de leur travail, ceux-ci ne travaillent pas pour le Conseil, ils restent à part à laver leur voiture, vérifier leurs pneus, remplir leur réservoir.

On est en train d’améliorer un peu dans ce domaine et je crois que comme ça, petit à petit, ça va s’améliorer, du moment qu’on y pense et qu’on voit quelles sont les besoins qui se présentent, parce que le travail de la commune ou de la zone augmente petit à petit. Peu à peu vont participer plus de compañeras, parce que ce travail démarre. C’est ce que nous voyons : la coordination entre tous et tenir compte les uns des autres est très important pour pouvoir réaliser les propositions et les idées nouvelles sur comment on peut travailler.

L’important est de ne pas perdre le contact avec les villages, parce que, en ces temps de travail, j’entends qu’il y a des choses qui se sont faites à partir d’une analyse du village, et maintenant on peut les faire sans consulter à nouveau le village, on peut changer quelques détails sans que le village le sache, alors ça, c’est un problème aussi, qu’on puisse priver le village du contrôle, parce que, quand nous avons montré au village, nous lui avons expliqué, et quand tout d’un coup on laisse le village de côté, les gens parlent, discutent.

Ça peut amener des désaccords, ou qu’on dise du mal des autorités, et souvent il faut expliquer au village, comme nous le disions aujourd’hui, le Conseil doit être au clair avec les sept principes. [Il fait référence aux sept principes du « commander en obéissant », guide des Conseils de bon gouvernement, qui sont : servir et non se servir ; représenter et non supplanter ; construire et non détruire ; obéir et non commander ; proposer et non imposer ; convaincre et non vaincre ; descendre et non monter].

L’autorité doit convaincre le village et pas le vaincre n’importe comment par la force, il faut lui expliquer la raison de modifier certains règlements ou certains accords, il faut l’expliquer au village ; parce que si moi, je suis autorité et que je ne lui explique plus pourquoi on change, ce point, il est arrivé jusqu’au village ? Ça peut amener un désaccord même si le village le comprend, mais avec les explications, il s’agit d’essayer de convaincre et non de vaincre par la force, pour que le village ne perde ni son allant ni son contrôle. C’est ça que je pouvais expliquer un peu plus, parce que c’est de là que naissent les désaccords, et le village se démoralise, c’est pour ça que j’en parle, parce que j’ai vu le problème.

Avec le village, il faut toujours rester au plus près pour éviter ça.

Il y a aussi des villages qui veulent faire une chose sans la majorité, alors là aussi il faut expliquer que ce n’est pas possible. Parce qu’il nous est arrivé des cas comme ça. Il y a des villages qui arrivent au bureau, et qui élèvent même la voix contre les autorités, mais nous ne pouvons pas l’accepter, parce que ça dépend de la majorité. Là-dessus, il faut être clair, c’est expliquer au village et essayer de le convaincre, lui faire comprendre la raison pour laquelle on fait ça. C’est ce que je pense, compañeros, et c’est ce que j’essaie d’expliquer sur les sept principes, c’est ce que j’ai compris, et le peu que j’ai appris. Je n’ai pas appris beaucoup parce que j’y ai travaillé seulement trois ans, et petit à petit je me suis rendu compte, à l’heure de vérité on n’arrive pas à faire le travail facilement parce que nous, nous sommes entrés comme des nouveaux, sans soutien, mais maintenant non, il y a des compañeros qui sont restés encore un an pour accompagner les nouvelles autorités, on est un peu soutenu.

Mais quand on a commencé, non, on avait juste le soutien des comités [CCRI] parce que eux, oui, ils ont été là, c’est là-dessus qu’on s’est appuyés et petit à petit nous nous sommes rendu compte. J’ai compris un peu, c’est le peu que je peux expliquer, compañeros.

(…)

Comment ils ont été nommés ?

Ils ont été nommés à travers l’assemblée, comme nous nous trouvons tout de suite, par exemple. Dans chaque commune a été convoquée une assemblée de toute la base, et alors, de manière directe, ils ont choisi ce groupe de compañeros pour faire le travail de l’autonomie.

Quel travail ils avaient ? Quel travail vont accomplir ces compañeros  ? Parce que pratiquement nous n’en avions pas connaissance, peut-être que quelques uns, si, mais une majorité n’en a pas connaissance. Qu’est-ce que nous allons faire ? Nous allons travailler dans l’autonomie, nous allons nous autogouverner, comment, c’est la question qui a surgi, qu’est-ce que nous allons bien pouvoir faire ? Personne ne connaissait la réponse, mais au fur et à mesure que le temps passait, une fois installées ces autorités, alors apparaissaient les problèmes. Réellement, il y avait des problèmes dans chacun de nos villages, chacune de nos communes.

Quels sont les problèmes qu’à l’époque ont dû affronter ceux qui étaient autorités ?

À cette époque-là, le principal problème qu’on affrontait était l’alcoolisme, et puis des problèmes familiaux, des problèmes entre voisins et quelques problèmes agraires.

Et que faisait alors ce groupe de compañeros quand un problème se présentait ?

Ce qu’ils faisaient, c’était qu’ils discutaient ; d’abord on fait venir le plaignant et on écoute ce qu’il a comme problème, on écoute, et quand on a écouté on fait venir l’autre partie, on écoute les deux parties. Alors ce que faisait ce groupe de compañeros c’est d’écouter, ce qu’il faisait pour ces frères qui ont un problème c’était d’abord d’écouter quel problème ils ont, et en même temps on cherchait qui avait raison. Si on voyait que le plaignant avait raison, alors il fallait parler avec l’autre frère avec qui il avait le problème.

Ce que faisaient les autorités à cette époque c’est qu’elles donnaient des idées, c’est-à-dire qu’elles arrivaient à convaincre les deux parties d’arriver à une solution pacifique sans faire tant d’histoires.

C’est ça, que faisaient les autorités, même chose dans d’autres sortes de problèmes, dans les questions agraires, c’est comme ça qu’ils faisaient, convaincre aussi les frères de ne pas se chamailler, de ne pas se chamailler pour un bout de terre ; et si vraiment le frère est en train de lui prendre sa terre, il faut donner raison à l’autre, lui dire qu’il prend la terre de l’autre et qu’il ne doit pas le faire, c’est comme ça.

(…)

(…)

Oui, ça, oui, mais alors, ma question c’est que quand il y a besoin de faire un règlement, qui alors propose l’idée ? Qui est celui qui dit « je propose ceci » ? Où naît l’idée ? Et ensuite, comment ils font pour que s’unisse la voix du village, parce que si à proprement parler ça vient du Conseil, est-ce qu’il assume ça, ou est-ce qu’il doit être soutenu encore par les compañeros de la Commission d’Information ? Ou qui est celui qui dit que là, il faut faire un règlement ?

Réponse d’un autre compañero : Ce truc qu’il y ait une initiative purement des compañeras autorités, que l’initiative pour faire un règlement vienne juste de compañeros qui ont pour fonction une charge d’autorité, ça, ça n’existe pas. Ça se fait entre compañeras et compañeros.

Non, compa, ma question c’est Conseil de bon gouvernement, mais pas comme compañeras. Comme Conseil de bon gouvernement, et c’est un exemple que je donne, ce n’est pas spécialement une question de règlement ou de loi. Quand on voit qu’il y a un besoin ou qu’il y a un problème, c’est pour ça que je donne l’exemple d’un règlement, parce que ça exige la relation, parce que le Conseil de bon gouvernement ne va pas imposer une loi, alors nous aimerions que vous nous racontiez comment vous faites ça. Parce que là intervient le jeu de la démocratie, alors ce que nous voudrions comprendre, parce que le commandement insurgé ne va pas être là tout le temps, comme vous nous l’avez dit, et nous comprenons que la Commission d’information, c’est-à-dire le CCRI, ne va pas l’être non plus. Alors comment vous, en tant que Conseil de bon gouvernement, vous faites pour que se mette en marche quelque chose dont il y a besoin, que ce soit une loi, que ce soit un problème d’un sujet ou d’un autre qu’il faut mener à bien, un projet ou quoi que ce soit. Comment sont les relations entre Conseil de bon gouvernement, MAREZ [Communes autonomes rebelles zapatistes], autorités, et villages ?

Autrement dit, comment se fait la démocratie.

(…)

(à suivre)

J’atteste l’authenticité de ce qui précède.

Depuis les montagnes du Sud-Est mexicain,
sous-commandant insurgé Marcos.
Mexique, février 2013.

Alfredo Zitarrosa, maître peut-être involontaire d’une génération,
oriental [c’est-à-dire uruguayen, NdT] qui lutte toujours avec des couplets, des vidalitas et des milongas.
Ici, il chante Adagio en mi país, et par país, c’est clair, il se réfère à chaque coin et recoin
dans lesquels les mondes sont abondants et redondants.

Arturo Meza avec la chanson La Rebeldía de la luz.
Dans une partie de la chanson, le maestro Meza mentionne chacun des peuples originaires
qui, au Mexique, résistent et luttent.

Daniel Viglietti, notre frère et compa, lit un conte
appelé « La Historia del Ruido y del Silencio » qui essaie, en vain,
d’expliquer les silences et les regards zapatistes.

Traduit par El Viejo.
Source du texte original :
Enlace Zapatista

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