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Eux et nous
VI. Les regards (VI)

dimanche 17 février 2013, par SCI Moisés

6. Lui nous sommes

Armée zapatiste de libération nationale.
Mexique.
14 février 2013.

Destinataires : les adhérent·e·s de la Sexta dans le monde entier
Expéditeur : sous-commandant insurgé Moisés

Le temps est arrivé et son moment aussi. Comme ces temps qu’apportent tous les êtres humains, qu’ils soient bonnes ou méchantes personnes, on naît, on arrive, et on meurt, on s’en va. Ce sont les temps. Mais il y a un autre temps, dans lequel on peut décider vers où marcher, quand il est temps de voir le temps, c’est-à-dire que tu peux comprendre la vie, comment doit être la vie ici en ce monde, que personne ne peut être le maître de ce qui est le monde.

Nous, nous sommes nés indigènes et nous sommes indigènes, nous arrivons et nous savons que nous allons à reculons, comme c’est la règle. Nous avons commencé à marcher dans la vie et on nous a laissé entendre que nous, les indigènes, nous n’avançons pas bien, nous avons vu ce qui est arrivé à nos arrière-arrière-grands-parents, c’est-à-dire les années 1521 [la conquête espagnole, NdT], les années 1810 [la guerre d’indépendance, NdT] et les années 1910 [la révolution, NdT], où nous avons toujours été utilisés, donnant notre vie pour que d’autres montent au pouvoir, pour qu’à nouveau on nous méprise, on nous vole, on nous réprime, on nous exploite.

Et nous avons trouvé un troisième temps. C’est le lieu où nous nous trouvons, ça fait déjà un bon petit moment que nous marchons, en courant et en apprenant, en travaillant, en tombant et en nous relevant. Et c’est grand parce que, homme ou femme, on doit remplir sa cassette pour enregistrer, pour reproduire ensuite avec d’autres vies d’autres temps. Oui, nous, on nous a laissé le sac à dos plein de cassettes, même si certains ne sont plus là. Il reste ceux qui continuent, et ainsi continuent ce qui continue, et il manque ce qu’il manque, jusqu’à arriver au bout, et commencer l’autre travail de construction, où commence l’autre naissance d’un autre monde, où il n’est plus permis qu’ils se remettent à nous faire chier et où il n’y aura plus d’oubli pour nous, les peuples originaires, car nous n’allons plus le permettre, nous avons appris. Nous voulons vivre bien dans l’égalité, aussi bien à la campagne qu’à la ville, où le peuple de la campagne et celui de la ville commandent et celui qui est au gouvernement obéit, et s’il n’obéit pas, il prend la porte, et entre un autre gouvernement.

Oui, nous sommes indigènes, nous travaillons la terre mère, nous savons manier les outils pour tirer les aliments que donne la terre mère. Nous sommes de plusieurs peuples avec différentes langues. Moi, j’ai le tzeltal pour langue maternelle, même si je comprends aussi le tzotzil et le chol, et j’ai appris le « castilla », l’espagnol, dans l’organisation, avec mes compañeras et compañeros. Et à présent je suis ce que nous sommes, et ensemble, avec mes compañeros, j’ai appris ce que nous voulons pour ce qui est vivre dans un monde nouveau.

*

Je suis en train d’écrire ceci au nom de toutes et tous les zapatistes, pendant que le sup bousille son ordi, je l’ai vu qui partait le réparer, et je lui ai demandé ce qui arrivait à son ordi. Et il m’a dit que c’est le souitche qui est foutu, ah bon, j’ai dit, et le voilà qui apporte une masse de cinq kilos et un ciseau. Comme ça, pas sûr qu’il se répare, j’ai dit. Et lui m’a dit de vous parler à vous pour que vous fassiez la connaissance de celui qui veille sur la porte, de la même façon que nous faisons votre connaissance à vous par ce que vous écrivez et dites partout, et ce que vous nous racontez et nous avez raconté en tant que compañeras et compañeros que nous sommes de la Sexta.

Je sais aussi picoter un peu l’ordi, on m’en a donné un pour apprendre il y déjà un certain temps. Maintenant c’est le moment où j’écris aussi, mais j’ai la trouille, qu’il ne m’arrive pas à mon tour ce qui arrive au sup, son ordi est bousillé, mais j’ai la solution immédiate : un coup de hache et c’est tout, retour au crayon et au cahier. Affaire réglée.

Et de toute façon je dois vous dire que ce truc de mettre le nez à la fenêtre, qui est l’affaire du supmarcos, n’est pas encore fini. C’est-à-dire qu’il manque ce qu’il manque, mais que tout ça dépend de si le sup va réussir à régler le problème de son ordi.

Oui, c’est au sup de regarder par la fenêtre et de faire qu’on nous regarde. Ceux qui disent qu’ils sont « les bons » qui luttent pour le peuple, et qui ont dirigé le peuple et rien n’a donné de résultat, alors ils disent qu’ils n’ont pas de chance, ils disent que c’est parce que le peuple ne les comprend pas, qu’eux savent parfaitement comment faire, mais que personne ne les suit. Pourquoi ? C’est ça qu’ils ne comprennent pas, et qu’ils ne vont pas comprendre, parce qu’ils pensent seulement à chercher à voir vers en haut, et à monter pour arriver plus en haut.

Bon, tout ça et beaucoup d’autres choses, c’est son travail, au sup, parce que c’est à lui de surveiller la fenêtre, comme l’encadrement [en espagnol, marco, NdT] d’une fenêtre.

C’est à lui aussi de regarder et de savoir ce qui se passe avec celles•ceux qui ne suivent pas celui qui regarde seulement vers en haut, pourquoi ils sont comme ça, qu’est-ce qu’ils pensent, comment ils pensent, nous pensons qu’au mieux ils pensent comme nous les zapatistes, que maintenant ça doit être une loi que le peuple commande et le gouvernement obéit.

Et c’est encore à lui de recevoir les critiques, les insultes, les mentions désobligeantes de la mère, comme il dit, et les blagues de ceux qui se trouvent à l’extérieur. Mais lui ne se soucie pas de ces insultes et mensonges, ça le fait rire, parce que nous l’avons préparé pour ça, qu’il soit d’acier inoxydable. Et ça ne lui fait pas mal, enfin si, parfois, il en a mal au ventre de rire de ce qu’ils lui racontent.

Et il me dit tout d’un coup qu’on va aussi se moquer de moi, ou de celui sur qui ça tombera d’avoir à se montrer. Et rien à faire, c’est comme ça, tout d’un coup c’est pour moi, ils font des caricatures, ou ils m’insultent ou ils se moquent de moi parce que je suis indigène, comme ils se moquent de lui pour ce qu’il est. Mais à nous, les seuls qui nous importent sont les gens qui veulent lutter pour en finir avec l’injustice, alors ceux-là, tant qu’ils ne nous balancent pas des balles ou des bombes, y a pas de problème. Et s’ils nous en balancent, eh bien c’est pareil, parce qu’il y a d’autres compañeras et compañeros prêts pour le boulot qui se présentera, et c’est toujours celui de lutter. C’est-à-dire que nous sommes bien préparés pour tout et que nous n’avons pas peur.

Ces années-ci, me dit le sup, à beaucoup de gens on leur bouche la vue par la fenêtre, mais très vite on voit aussi qui sont ceux et celles qui sont semblables à nous, et qu’il a voulu compter combien ils et elles sont, et il a perdu le compte, il adopte notre façon de le dire, comme les indigènes, ils et elles sont un paquet. C’est combien, je lui demande. Beaucoup, il me dit. Ah, j’ai dit. Ça nous confirme qu’il va y en avoir beaucoup comme nous, et qu’un jour nous dirons avec elles et eux « c’est cela que nous sommes », sans s’occuper de savoir si on est indigènes ou pas indigènes.

Et c’est comme ça que nous nous organisons, certains font certaines choses et d’autres font d’autres choses. Par exemple, pour l’instant, le supmarcos s’occupe de la fenêtre et moi de la porte, et d’autres s’occupent d’autre chose.

Et à présent nous nous souvenons d’un compañero inoubliable pour nous tou•te•s zapatistes, le SubPedro, qui dans les derniers jours de décembre 1993 nous a dit : « Apprenez, compas, parce qu’un jour ce sera à vous. Nous allons lutter avec des ouvrier•e•s, des paysan•ne•s, des jeunes, des enfants, des femmes, des hommes, des anciens du Mexique et aussi du monde. » Ça a été vrai, et c’est toujours vrai, sans lui. La vérité de la vérité commence quand on lutte pour le peuple.

Bon, compas, maintenant, vous savez que je suis le chargé de la porte, de me tenir au courant de la nouvelle façon de travailler avec les compañeras et compañeros qui viendront apprendre ce que mes compañer@s zapatistes ont mis des années à construire, et ce que nous sommes maintenant.

*

Parce que nous croyons et avons confiance dans le peuple, il est temps maintenant de faire quelque chose face à ce que pendant tant d’années nous avons vu et vécu des dommages qu’ils nous ont causés et dont nous souffrons, il est temps d’unir notre pensée, d’apprendre, et ensuite de la travailler, de l’organiser. Nous pouvons déjà le faire bien grâce aux nombreuses expériences que nous avons accumulées et cela nous guide pour ne plus suivre les mêmes formes grâce auxquelles ils nous tenaient.

Tant que nous ne faisons pas ce qui est la pensée des villages, les villages ne nous suivent pas. Et pour ne pas retomber dans les mêmes erreurs, il n’y a qu’à regarder les nôtres dans le passé. Construire quelque chose de nouveau qui en vérité soit la parole, la pensée, la décision, l’analyse et la proposition du village, qui soit étudié par le village et soit finalement la décision du village.

C’est ainsi que pendant dix ans, nous avons travaillé dans la clandestinité, on ne nous connaissait pas. « Un jour, ils nous connaîtront », nous disions-nous, et c’est en y pensant que nous avons accompli les tâches pendant ces années. Et puis nous avons décidé un jour qu’il était temps qu’ils nous connaissent. Aujourd’hui, ça fait dix-neuf ans que vous nous connaissez, à vous de dire si c’est mauvais ou bon ce que nous sommes en train de faire. Mes compañer@s nous disent qu’ils vivent mieux avec leurs gouvernements autonomes. Elles et ils se rendent compte de ce qu’est la véritable démocratie qu’ils pratiquent avec leurs villages, qu’on ne fait pas la démocratie seulement une fois tous les trois ou six ans. La démocratie a lieu dans chaque village, dans des assemblées municipales autonomes et dans les assemblées des zones qui élisent les conseils de bon gouvernement, et on fait de la démocratie dans l’assemblée où se joignent toutes les zones qui contrôlent les conseils de bon gouvernement, c’est-à-dire que la démocratie se pratique tous les jours ouvrables dans toutes les instances de gouvernement autonome et aux côtés des villages, des femmes et des hommes. Ils traitent par la démocratie tous les sujets de la vie, ils sentent que la démocratie est à elles et à eux, parce que eux et elles discutent, étudient, proposent, analysent et décident, en fin de compte, de tous les sujets.

Elles et eux nous disent, nous demandent : il sera comment, ce pays, ce monde, si nous nous organisons avec les autres frères et sœurs indigènes, et aussi avec les frères et sœurs pas indigènes ? Le résultat est un grand sourire, comme pour nous dire leur joie, parce que les résultats du travail qu’ils sont en train de faire, elles et ils les ont entre leurs mains.

Oui, c’est comme ça, le peuple veut seulement que nous nous organisions, les pauvres de la campagne et de la ville, sans que personne d’autre que nous-mêmes et ceux que nous nommons ne nous dirige. Pas ceux et celles qui ne cherchent qu’à arriver au pouvoir, et qui, une fois au pouvoir, nous relèguent dans l’oubli ; et ensuite en arrive un autre apparenté avec qui là, oui, ça va changer pour de bon, et les mêmes escroqueries continuent. Ils ne vont pas tenir parole, nous le savons bien, ils le savent bien, autrement dit ça ne vaut pas la peine de leur écrire cela, mais en vérité c’est comme ça que ça marche dans ce pays. C’est désespérant, usant, horrible.

Nous, les pauvres, nous savons comment est la meilleure forme de vie, celle que nous voulons, mais ils ne nous laissent pas faire, parce qu’ils savent que nous allons leur faire disparaître l’exploitation et les exploiteurs, et que nous allons construire la vie nouvelle sans exploitation. Ça ne va pas nous coûter grand savoir, parce que nous savons comment doit être le changement, parce que tout ce que nous avons souffert réclame changement. Les injustices, les douleurs, les tristesses, les mauvais traitements, les inégalités, les mauvaises manipulations, les mauvaises lois, les persécutions, les tortures, les prisons, et bien d’autres mauvaises maisons que nous subissons, nous savons bien que nous n’allons pas reproduire ces choses, que nous n’allons pas nous faire le même mal. Comme nous disons par ici, nous les hommes et femmes zapatistes, si nous nous trompons, eh bien soyons assez bon•ne•s pour corriger, pas comme maintenant où les un•e•s foutent la merde et c’est les autres qui paient, c’est-à-dire que ceux qui foutent la merde maintenant, ce sont les député•e•s, les sénateurs et sénatrices et les mauvais gouvernements du monde, et ceux qui paient ce sont les peuples du monde.

Il n’y a pas besoin d’avoir fait beaucoup d’études, ni de savoir parler en bon « castilla », ni de savoir beaucoup lire. Nous ne sommes pas en train de dire que ça ne sert à rien, mais que ce qui suffit pour le travail, oui, ça sert, parce que ça nous aide à travailler en ordre, c’est-à-dire que c’est un instrument de travail pour communiquer entre nous. Ce que nous sommes en train de dire, c’est que le changement, nous savons le faire, il n’y a pas besoin que quelqu’un sorte faire sa campagne pour nous dire que lui ou elle•va être le changement, comme si nous, les exploité•e•s, nous ne savions pas à quoi ressemble le changement que nous voulons. Vous me comprenez, frères et sœurs indigènes et peuple du Mexique, sœurs et frères indigènes du monde, frères et sœurs non indigènes du monde ?

Alors, sœurs et frères indigènes et non indigènes pauvres, entrez dans la lutte, organisez-vous, dirigez-vous entre vous, ne vous laissez pas diriger ou regardez bien ceux que vous voulez qui vous dirigent, qu’ils fassent ce que vous, vous avez décidé, et vous verrez que les choses prennent petit à petit un chemin semblable à celui que nous avons pris, nous les hommes et les femmes zapatistes.

Ne cessez pas de lutter, de même que les exploiteurs ne cesseront pas de nous exploiter, mais arrivons jusqu’au bout, c’est-à-dire la fin de l’exploitation. Personne ne va le faire pour nous, sinon nous-mêmes. Nous, femmes et hommes, prenons les rênes, prenons le volant, et conduisons notre destin là où nous voulons aller, allons là où le peuple l’a décidé. Ainsi, pas de doute, le peuple c’est la démocratie, le peuple se corrige et continue. Pas comme maintenant où ce sont 500 député•e•s et 228 sénateurs et sénatrices qui font des conneries, et ceux qui subissent la peste et les toxiques sont des millions, ce sont les pauvres qui les subissent, le peuple du Mexique.

Frères et sœurs ouvrier•e•s, nous vous avons présent•e•s à l’esprit de même que tou•te•s les autres travailleurs et travailleuses, nous avons la même odeur de sueur que ceux qui travaillent pour les exploiteurs et exploiteuses. À présent que mes compañeras et compañeros zapatistes sont en train d’ouvrir la porte, si vous nous avez entendus, entrez à la Sexta et connaissez le gouvernement autonome de nos compañer@s de l’EZLN. Et la même chose si nous comprennent aussi nos sœurs et frères indigènes du monde, de même que les frères et sœurs non indigènes du reste du monde.

Nous sommes les principaux producteurs et productrices de la richesse de celles et ceux qui sont déjà riches, basta ya, ça suffit, nous savons qu’il y a d’autres exploité•e•s, nous voulons nous organiser aussi avec elles et eux, luttons pour ce peuple du Mexique et du monde, qui est à nous et pas aux néolibéraux.

Frères et sœurs indigènes du monde, sœurs et frères non indigènes du monde, peuples exploités ; peuples d’Amérique, peuples d’Europe, peuples d’Afrique, peuples d’Océanie, peuples d’Asie,

Les néolibéraux sont ceux qui veulent être les patrons du monde, c’est ça que nous disons, c’est-à-dire qu’ils veulent faire leur propriété de tous les pays capitalistes. Leurs contremaîtres sont les gouvernements capitalistes sous-développés. C’est ainsi qu’ils vont nous tenir si nous, tous les travailleurs et toutes les travailleuses, nous ne nous organisons pas.

Nous savons qu’en ce monde il y a de l’exploitation. La distance où nous nous trouvons de chaque côté du monde ne doit pas nous séparer ; nous devons nous rapprocher, en unissant nos façons de penser, nos idées, et lutter pour nous-mêmes.

Là où vous vous trouvez, il y a de l’exploitation, vous souffrez la même chose que nous.

Vous subissez la répression tout comme nous.

Ils sont en train de vous voler, tout comme nous ils nous volent depuis plus de cinq cents ans.

Ils vous méprisent, tout comme ils continuent à nous mépriser.

C’est ainsi que nous sommes, c’est ainsi qu’ils nous tiennent et c’est ainsi que nous allons continuer si nous ne nous prenons pas par la main les un•e•s et les autres.

Nous avons plus qu’assez de raisons pour nous unir et faire naître notre rébellion, et nous défendre de cette bête qui ne veut pas nous lâcher et qui ne va jamais le faire si nous ne l’y obligeons pas nous-mêmes.

Ici, nos communautés zapatistes, avec leurs gouvernements autonomes en rébellion, et avec leur union des compañeras et compañeros, elles affrontent nuit et jour le capitalisme néolibéral, et nous sommes prêt•e•s à tout, à ce qui viendra et comme ça viendra.

Voilà, c’est comme ça qu’ils sont organisé•e•s, les compañeros et compañeras zapatistes. Il n’y a besoin que de décision, d’organisation, de travail, de mise en pratique, et ainsi de corriger et améliorer sans repos, ou si on se repose c’est pour se refaire des forces et continuer, le peuple commande et le gouvernement obéit.

Oui, c’est possible, sœurs et frères pauvres du monde, vous avez ici l’exemple de vos frères et sœurs indigènes zapatistes du Chiapas (Mexique).

Il est temps que nous fassions vraiment le monde que nous voulons, le monde que nous pensons, le monde que nous désirons. Nous savons comment faire. C’est difficile, parce qu’il y a ceux qui ne veulent pas, et ce sont précisément ceux qui nous exploitent. Mais si nous ne le faisons pas, notre avenir sera plus dur et il n’y aura jamais de liberté, jamais.

C’est comme ça que nous, nous l’entendons, c’est pour ça que nous sommes en train de vous chercher, nous voulons que nous nous rencontrions, que nous nous connaissions, que nous apprenions de nous-mêmes.

Pourvu que vous puissiez arriver ! Sinon, nous chercherons d’autres façons de nous voir et de nous connaître.

Ici, nous vous attendrons depuis cette porte qu’il me revient de surveiller, pour pouvoir entrer à l’humble école de mes compañeras et compañeros qui veulent partager le peu que nous avons appris, pour voir si ça va vous servir là-bas, sur vos lieux de travail et de vie ; nous sommes sûrs que ceux qui sont déjà entrés à la Sexta, ils viendront, ou pas, mais d’une manière ou d’une autre ils entreront à la petite école où nous expliquons comment est la liberté pour les zapatistes, et qu’on puisse voir ainsi notre avancée et nos erreurs, que nous ne cachons pas, mais directement avec les meilleurs maîtres qui soient, c’est-à-dire les villages zapatistes.

Elle est humble, la petite école, comme nous l’avons commencée, mais à présent, pour les compañeras et compañeros zapatistes, elle représente la liberté pour faire ce qu’ils•elles veulent et comment ils pensent une vie meilleure.

Ils et elles sont sans cesse en train de l’améliorer, parce qu’ils en voient la nécessité et qu’en outre leur pratique est celle qui montre comment améliorer, autrement dit la pratique est la meilleure façon de travailler pour améliorer. La théorie nous donne l’idée, mais celle qui donne la manière, le comment gouverner de façon autonome, c’est la pratique.

C’est comme ce qu’on entend par ici et qui dit : « Quand le pauvre croira dans le pauvre, nous pourrons chanter liberté. » Juste que ça, non seulement nous l’avons entendu, mais nous sommes en train de le mettre en pratique. C’est ça le fruit que veulent partager nos compañeras et compañeros. Et c’est la vérité, parce que malgré toutes les mauvaisetés qu’ont faites contre nous les mauvais gouvernements, ils n’ont pas pu et jamais ils ne pourront le détruire, parce que ce qui est construit est au peuple, pour le peuple et par le peuple. Les villages le défendront.

Je pourrais vous raconter bien des choses, mais ce n’est pas la même chose que vous les entendiez, que vous les voyiez ou que vous les regardiez, et que, si vous avez une question de vive voix, vous répondent mes compañeros et compañeras bases de soutien. Ils auront peut-être du mal à vous répondre à cause de la langue, mais la meilleure réponse c’est leur pratique, aux compañer@s, et elle est à la vue de tout le monde parce qu’ils sont en train de la vivre.

C’est tout petit, ce que nous sommes en train de faire, mais c’est grand pour les pauvres du Mexique et du monde. De même que nous sommes quelque chose de très grand, car nous sommes très nombreuses et nombreux nous, les pauvres du Mexique et du monde, et nous avons besoin de construire nous-mêmes le monde où nous vivrons. On voit comme c’est tout le contraire quand ce sont les peuples qui se mettent d’accord que quand c’est un groupe qui dirige et non les villages qui se mettent d’accord. On a compris vraiment ce que c’est que représenter, on sait bien comment le mettre en pratique, c’est-à-dire les sept principes du mandar obedeciendo, commander en obéissant.

On voit déjà l’horizon de comment est ce qui d’après nous est un nouveau monde ; comme vous pourrez bien le voir, l’apprendre et le faire naître, ce monde différent que vous vous imaginez, là-bas où vous vivez, et nous faire partager les savoirs et créer nos mondes différents de ce que nous connaissons à présent.

Nous voulons nous voir, nous entendre même si c’est bien grand pour nous toutes et tous, cela nous aiderait à nous connaître avec les autres mondes, et le meilleur monde que nous voulons.

Il y a besoin d’organisation, il y a besoin de décision, il y a besoin d’accord, il y a besoin de lutter, il y a besoin de résistance, il y a besoin de se défendre, il y a besoin de travailler, il y a besoin de pratique. Et s’il manque encore quelque chose, ajoutez-le ici, compañeras et compañeros.

Bon, pour le moment, ici, nous sommes en train de nous mettre d’accord sur comment va être la petite école pour vous, de voir s’il y aura de la place. Bref, nous sommes en train de nous préparer. Et que tout compañero ou compañera invité•e et qui le voudra puisse la voir et la sentir même s’il ne peut pas venir jusqu’ici, nous sommes en train de penser à la manière d’y parvenir.

Nous vous attendons, compañeras et compañeros de la Sexta.

Nous sommes en train de nous préparer pour vous recevoir, prendre soin et nous occuper de vous comme vos compañeras et compañeros que nous sommes, comme nos compañeros et compañeras que vous êtes. Et aussi pour que notre parole arrive à votre oreille si vous ne pouvez pas venir jusqu’à chez nous, et que nous, avec votre aide allions chez vous.

Et bien sûr nous vous disons que ça va peut-être prendre du temps, mais que comme dit notre peuple frère mapuche, une fois, dix fois, cent fois, mille fois nous vaincrons, toujours nous vaincrons.

Et pour terminer — et que continue à vous parler le compañero sous-commandant insurgé Marcos sur ce qui est son tour, parce que nous allons nous relayer lui et moi pour tout vous expliquer, eh bien maintenant c’est à lui — bien que cela fasse des années que je fais ce travail, c’est la première fois que j’ai à signer publiquement comme ici, et c’est…

Depuis les montagnes du Sud-Est mexicain.
Pour le Comité clandestin révolutionnaire indigène
Commandement général de l’Armée zapatiste de libération nationale,
sous-commandant insurgé Moisés
Mexique, février 2013.

P-S : Et j’en profite pour vous dire que le mot de passe, pour les prochaines parties de la fenêtre qui reviennent au supmarcos, est « nosotr@s ». Bon, parce que à la petite école de la lutte on ne peut pas copier sur le compa, chacun mène sa propre lutte, en nous respectant entre nous comme les compas que nous sommes.

Vidéo tourné au Cideci, à San Cristóbal de Las Casas (Chiapas, Mexique) en 2009,
quand celui qui est à présent le sous-commandant insurgé Moisés avait le grade de lieutenant-colonel insurgé.
C’est seulement un extrait des différentes causeries qu’il a données, mais je le mets pour le rappeler
à ceux qui le connaissaient déjà, et que les autres fassent sa connaissance.
Vidéo de l’Agence Prensa India, série Generando contrapoderes.

Un conte appelé « Ceux d’après, nous avons compris »,
dédié aux compañeros et compañeras tombés au cours de notre long cheminement.
La voix est celle d’une de nos chères « Grand-Mères de la place de Mai », la compa Alba Lanzilloto.

Panteón Rococó avec la chanson La Carencia,
dans un concert en Allemagne, 2008.
Dédié à toutes celles et tous ceux qui, dans le monde entier,
sont bouffés par le turbin et malgré tout chantent, dansent, rêvent.
Super, les Panteones !

Traduit par El Viejo.
Source du texte original :
Enlace Zapatista

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