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Bure : suite de l’occupation de la forêt de Mandres

mercredi 30 novembre 2016, par Bure résistance

À Bure, l’Andra [1] reprend son offensive autour du bois Lejuc à Mandres, à nouveau libéré et occupé depuis le 14 août. En voie de se régulariser face à la justice, elle reviendrait dès le 29 novembre faire quelques petits reboisements en lisière de forêt, avant, peut-être, une expulsion et le redémarrage de travaux plus conséquents courant décembre ou janvier.

Les feuilles rougissent de plus belle chaque jour. Le vent fraîchit. La nuit s’étire peu à peu. Les brumes givrantes du matin pointent le bout du nez. Il y a des bouquets flamboyants où que l’on tourne le regard, les chemins défrichés couverts de tapis craquants, et les hourras de chiens joueurs. Le vert tendre a laissé place au rouge rage, l’automne a embras(s)é l’été et, contrairement à ce que nous écrivions dans notre premier appel, à Bure, nous allons toujours aux champignons ! Après presque cinq mois de manifestations, d’occupations, de balades, d’expulsions, de réoccupations, d’affrontements, de recours juridiques, de pique-nique, de tractages, de constructions de vigies, de boums improvisées, de sabotages de mur… le bois Lejuc est plus que jamais libéré !

Sans crier gare, voici que depuis l’épique chute du « Bure de Merlin » le 14 août, des dizaines de hiboux ont refait leurs nids dans cette jolie forêt. Cette fois, il n’y a pas eu d’appels pétaradants, pas de textos urgents, pas d’overdose d’informations ou de demandes de soutien. La nouvelle occupation s’est installée tranquillement, profitant de la douceur automnale : le plaisir de monter une grande plate-forme au cœur d’un hêtre, de s’initier à la grimpe, de redécouvrir cette forêt aux couleurs changeantes, sans pression des flics. Prendre le temps de discuter avec celles et ceux qui continuent de s’y promener. Apprendre à respirer à nouveau après avoir passé un été en apnée furieuse et euphorique. Le changement de saison : d’été d’urgence, à automne paisible… vers un hiver déter !

Tôt ou tard les barricades de papier tomberont

Car nous ne sous-estimons pas les VRP de l’atome, qui ne sont pas restés bras croisés à flemmarder dans leurs costumes trop grands et leurs bureaux aseptisés. Ils ont fait appel de la décision de suspension des travaux du 1er août ; celui-ci sera jugé en novembre ou en décembre selon les différentes audiences encore à venir. La procédure d’obtention d’autorisation de défrichement est en cours. Contre toute attente, le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) n’a pas daigné nécessaire d’exiger une étude d’impact environnementale (rappelons qu’il s’agit du plus grand chantier des cent mille ans à venir !).

Le bois libéré gagne en popularité

Début octobre, un huissier est venu se balader avec à son bras l’homme de main de l’Andra et deux vigiles armés de bâtons. Ceux-là même qui tentent des embuscades ou testent notre vigilance en lisière. Chaque semaine, au moins une fois l’hélico nous survole, les bleus rôdent dans les alentours. Même commandant Dubois cherche insidieusement à se faire inviter [bleu violet]en promenade[/bleu violet]. Pour couronner le tout, l’Andra semble à présent prendre mesure de la richesse inestimable de ce bout de forêt : elle veut en effet venir reboiser des parcelles qu’elle aurait malencontreusement piétinées des grosses bottes de Cigéo [2].

Côté répression, des ami·e·s ont pris deux mois de sursis pour un graff sur une ruine, un autre une interdiction de Meuse pour deux ans, et des convocations s’accumulent pour l’affaire du mur. Une nouvelle préfète s’est installée en Meuse, et un nouveau directeur du cru pour Cigéo. L’Andra a aussi recruté un expert en droit public pour éviter de reproduire les erreurs passées. Bref, ils se réorganisent, et les menaces d’expulsion de la forêt et de reprise des travaux de forages se rapprochent. À nous de les anticiper, comme nous l’avons toujours fait depuis ce fol été.

Des dizaines de personnes ont choisi de s’installer sur place

Par ce nouvel appel, après un relatif temps de repos, nous souhaitons donner des nouvelles à toutes les amies passées cet été, l’an dernier, depuis vingt ans. À tous les curieux qui ont préféré des destinations de vacances plus exotiques qu’un été en Meuse (on ne vous en tient pas rigueur). Aux tritons sans frontière qui résistent, de Calais à Notre-Dame-des-Landes, assourdis par le bruit des bottes bornées qui clôturent cette fin de règne en annonçant une ère encore plus martiale. À celles et ceux qui cherchent quelques raisons d’espérer.

Ici, c’est avec un optimisme joyeux et déterminé que nous enracinons cette petite victoire ; des arbres sont replantés dans les gravats ; aux solides branches de leurs ancêtres centenaires des cabanes sont reconstruites. De là-haut, les vigiles et autres sbires de l’Andra paraissent enfin à leur taille : ridiculement minuscules face à la grandeur de cette forêt. Malgré le froid, les hiboux en tout genre semblent s’y plaire et se sont même mis à hululer des tas de camarades partout en France et en Europe pour leur prêter main-forte ! Cabanes, plate-forme, cuisine, toilettes sèches, tipi avec feu central, préau récolteur d’eau de pluie, espace de couarail chauffé avec dortoirs… sortent de terre et des aires comme les champignons qui poussent et les grues cendrées qui passent…

L’un d’entre nous, Swen a décidé d’élire officiellement domicile dans le bois Lejuc. Ensemble, nous y fêterons [bleu violet]ses trente ans le 13 décembre[/bleu violet].

Défendre dans la diversité des tactiques

Nous amplifions notre hululement, qu’il résonne au plus loin et que encore plus nombreux·euses nous convergions. Même si déjà des dizaines de personnes ont choisi de s’installer sur place après l’été. Nous savons que c’est aussi, en grande partie grâce à la condamnation juridique de l’Andra que la forêt est protégée. Toutefois, ne nous faisons aucune illusion : comme dans toute l’histoire des recours juridiques et des luttes antinucléaires, les barricades de papiers tombent, tôt ou tard les travaux seront régularisés. Quelques semaines, quelques mois : c’est une question de temps. À ce moment-là, nous devrons être suffisamment fort·e·s, créatif·ve·s, solidaires, ensemble pour les bloquer !

Dès maintenant que des dizaines et des dizaines de personnes profitent de ce bois, viennent y vivre, s’y balader et s’organiser. En cas d’expulsion ou de reprise des travaux, le samedi suivant une marée humaine déferlera sur eux pour défendre dans la diversité des tactiques la forêt libre, pour les arrêter ! Entre-temps, nous allons continuer de vivre, rire, attiser les braises et faire des étincelles, squatter des terres agricoles, aller aux champignons, construire nos nids un peu partout dans le coin, apprendre à nous connaître, tisser des liens, inventer quelque chose de beau et contagieux qui se répand.

Entre octobre et novembre 2016,
les chouettes hiboux hululant de la forêt de Mandres

Source : [bleu violet]Plus Bure sera leur chute…[/bleu violet]

Notes

[1Andra : Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs.

[2Cigéo : Centre industriel de stockage géologique.

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