Front communal en défense de la terre
San Salvador Atenco, Mexique, mai 2010
Recevez un salut rebelle et fraternel, venu du centre de la République mexicaine, de la part des villages vivant sur les berges de l’ancienne lagune de Texcoco.
Qui sommes-nous ?
- Des peuples indigènes
- Semi-ruraux
- Nous sommes situés à environ 40 kilomètres à l’est de la ville de Mexico,
- Notre commune est composée de cinq bourgs : Ixtapan, Nexquipayac, Acuexcomac, Atenco et Zapotlan ; et d’environ 40 000 habitant-es
Quelques éléments du contexte historique
Nous qui constituons le Frente de Pueblos en Defensa de la Tierra (FPDT, Front communal en défense de la terre) descendons des premiers habitants des terres de Texcoco, Atenco et Chimalhuacan. À une lointaine époque, nos ancêtres, qui faisaient partie des tribus nahuatlacas, se sont établis sur les rives de ce qui était alors le lac de Texcoco. Par conséquent, nos communautés existent depuis longtemps avant que ces terres ne soient nommées "mexicaines" ou "américaines".
Nos ancêtres furent vaincus, soumis à l’esclavage et dépossédés de ces territoires lors de la conquête coloniale espagnole. Jusqu’en 1910, où la révolution mexicaine, impulsée par Emiliano Zapata, vit le soulèvement des communes sous les bannières de "Terre et liberté" et "La terre à ceux qui la travaillent". Le triomphe de la révolution permit de récupérer ces territoires. C’est alors que fut réalisée la distribution de terre aux peuples indigènes sous la forme agraire d’ejido qui établit que les terres sont communautaires, servent exclusivement à la culture, qu’elles sont invendables et qu’on peut les enlever à ceux qui ne les travaillent pas.
Ces derniers temps, ces terres servent à notre propre consommation. Elles produisent du maïs, des haricots, de la luzerne, des bettes, des épinards, des courges, etc.
Origine du conflit
Le 22 octobre 2001, le gouvernement fédéral décrète l’expropriation de 11 500 hectares, parmi lesquels 5 400 sont des terres productives appartenant à Atenco, en offrant en compensation 7,20 pesos par mètre carré. Le projet était la construction du nouvel aéroport international de la ville de Mexico, violant ainsi les droits naturels et sociaux de nos communes à décider de l’usage d’un territoire qui leur a toujours appartenu.
Cette expropriation violait également l’article 115 de la Constitution mexicaine qui reconnaît aux communes le droit de décision en ce qui concerne l’usage de leurs terrains.
Ajoutons que nous ne fûmes jamais informés ou consultés comme l’établit l’article 169 de l’Organisation internationale du travail (OIT) qui a été ratifié par le Mexique en tant que norme constitutionnelle et dont l’article 6 exprime que "ne seront pas imposés des processus de développements économiques, politiques qui affectent les vies, croyances, institutions ou bien-être ainsi que les terres de ceux qui les occupent ou les utilisent d’une manière ou d’une autre."
Nous, FPDT, nous sommes organisés et avons décidé de défendre notre territoire.
Voici quelques-unes des raisons ayant motivé cette décision :
- Nous sommes les occupants originaires de ces terres.
- Nos terres et nos vies n’ont pas de prix. Leurs valeurs ne sont pas cotées sur le marché.
- La terre est notre identité.
- Nous rejetons un progrès qui n’apporte que pauvreté au plus grand nombre, qui nie notre identité, qui se nourrit de l’expulsion et de la subordination du peuple.
- Il est hors de question de construire un aéroport sur l’ancien réservoir d’eau de Texcoco et sur nos terres car cela ne ferait qu’augmenter dramatiquement les déséquilibres écologiques de cette zone.
- L’aéroport détruirait les quelques lacs servant de refuge à une population d’oiseaux estimée entre 100 000 et 300 000 spécimens selon la saison.
- Les zones de réserve des nappes phréatiques seraient réduites, ce qui aurait comme conséquence de faire croître la pénurie d’eau, la salinité des terrains alentour et surtout d’augmenter les risques d’inondation de vastes zones du sud-est de la vallée de Mexico. Pratiquement, ça aurait fait disparaître une bonne partie des réserves d’eau locales.
- Ce projet n’aurait bénéficié qu’à des entreprises nationales ou multinationales qui suivaient un plan d’intégration économique dans toute l’Amérique centrale connu comme Plan Puebla Panama (ou Plan Mésoamérique) ainsi qu’aux intérêts du capital financier (FMI, Banque mondiale, etc.).
- Nous refusons l’aéroport car il n’est rien d’autre qu’une nouvelle forme de conquête, une nouvelle invasion qui se cache derrière les noms de progrès et de modernité.
Nos manières de lutter
- Par le droit, la raison et la force de la parole (assemblée),
- Par la mobilisation sociale,
- Par des marches et des manifestations publiques...
- Des meetings,
- Des forums d’information et d’alerte,
- Des tracts, affiches et posters,
- Des interventions dans les écoles, universités, places publiques, marchés...
- Des tournées dans tous les États de la République,
- Par la musique, le théâtre, la danse...
- En mettant en avant le symbole de la défense de la terre : la machette qui représente le travail au champ, l’aliment qu’on en tire et qui exprime une culture respectant la terre, une culture bâtie autour du maïs, base de l’alimentation et de la vie collective.
Le triomphe
Dix mois de lutte acharnée en ont découlé. Pendant toute la période, nous fûmes copieusement réprimés et un de nos camarades, José Enrique Espinoza Juarez, fut assassiné. On nous a stigmatisés en nous traitant de violents, d’ignorants, d’ennemis du progrès et du développement national.
Et pourtant, la force du droit et de la raison, la solidarité nationale et internationale, les médias honnêtes et alternatifs et la force des convictions de nos gens mirent en déroute l’imposition de l’aéroport. Finalement, le 2 août 2002, le gouvernement se vit forcé d’abroger le décret d’expropriation qui n’avait jamais démontré son utilité publique et annula le projet d’aéroport.
Nous avons mené une lutte sociale pacifique et n’avons jamais tiré de coups de feu ni tué quiconque.
La solidarité avec les autres luttes sociales du pays
La lutte pour défendre la terre nous a éveillés à la réalité de l’impact du néolibéralisme et de la mondialisation. C’est pourquoi nous avons choisi de rester unis et organisés, comme FPDT, afin d’améliorer les conditions de vie de nos communes et nous avons décidé d’être solidaires avec les luttes sociales de notre pays.
La vengeance du gouvernement : trahison et répression
Chronologie des faits qui ont marqué notre histoire :
- 25 avril 2006 : l’Autre Campagne passe par Atenco et nous adhérons à la Sixième Déclaration de la forêt Lacandone.- 2 mai : une table de négociation se tient au bureau du sous-procureur de l’État de Mexico avec les autorités de l’État au sujet du respect au droit du travail de nos frères fleuristes des villages de Texcoco. Ceux-ci avaient été violemment expulsés de leur marché quelques mois auparavant et avaient demandé l’aide du FPDT. Ce jour-là, un accord fut passé permettant la vente de fleurs pour les 3, 10 et 15 mai et ordonnant aux policiers gardant le marché de se retirer.
- 3 mai : à 5 heures du matin, les fleuristes accompagnés du FPDT se présentèrent au marché de Texcoco mais le gouvernement de l’État n’avait pas tenu parole. Ce furent des centaines de policiers qui provoquèrent des affrontements et arrêtèrent des membres du FPDT et des fleuristes. Pour riposter, nous avons bloqué un grand axe en exigeant que le gouvernement tienne parole et libère nos camarades. Sa réponse fut le silence et il envoya des centaines de policiers armés pour débloquer la route. Ceux-ci assassinèrent un adolescent de 14 ans, Javier Cortes Santiago, qui passait par là. La population arriva à stopper les policiers et à les mettre en fuite avec des pierres et des bâtons.
- 4 mai : le lendemain, ce furent 3 500 policiers puissamment armés qui envahirent Atenco. Ils réalisèrent des arrestations arbitraires et enlevèrent plus de 200 personnes dont des mineurs et des personnes âgées. Les gens arrêtés furent torturés et les femmes violées. Parmi les détenu-e-s se trouvaient cinq étrangèr-e-s qui vécurent ces terribles expériences.
Bien des actions ont été menées pour libérer toutes et tous les prisonnières et prisonniers politiques d’Atenco. Aujourd’hui, il reste 12 personnes en prison qui purgent des peines qui vont de 31 ans, pour neuf d’entre elles, à 67 ans et 6 mois pour Felipe Alvarez Hernandez et Hector Galindo, et jusqu’à 112 ans pour notre camarade Ignacio del Valle, enfermés dans une prison de haute sécurité. Et il reste encore des personnes menacées par des mandats d’arrêt.
Le comité "Liberté et justice pour Atenco" a été formé à la demande des évêques Samuel Ruiz et Raúl Vera, et plus de trente personnalités (écrivains, religieux, artistes, musiciens, universitaires...) l’ont rejoint.
Un inlassable travail juridique s’est mené dont voici les résultats :
En ce moment, le "cas Atenco" est devant la Suprême Cour de justice de la nation (SCNJ), plus haut organisme judiciaire du Mexique, et nous attendons un verdict qui peut tomber ces jours-ci. Nous avons présenté suffisamment de preuves de l’innocence de nos camarades et nous sommes sûrs qu’ils seront libérés. Mais le gouvernement de l’État de Mexico, avec à sa tête le gouverneur Enrique Peña Nieto, continue sa sale besogne et il a délivré neuf ordres d’arrestations contre nos trois camarades qu’il rendrait effectifs s’ils étaient libérés, les remettant aussitôt en prison.
Cette année, notre avocat, Leonel Rivero Rodriguez, a produit neuf habeas corpus indirects contre ces ordres d’arrestations, ce qui provoque une énorme quantité d’audiences judiciaires. Notre avocat a une équipe de collègues pour répondre aux attaques du gouvernement. Cela nous a créé des dépenses excessives, mais qu’au FPDT nous considérons justifiées, car il n’est plus temps d’aller au rythme du gouvernement mais d’attaquer les mandats d’arrêt pour assurer la continuité de notre défense.
Pour ces raisons et d’autres besoins encore, nous sollicitons votre soutien économique et solidaire afin de payer la défense de nos compagnons enfermés par vengeance gouvernementale. Nous savons que vous êtes partie prenante de la lutte sociale et nous vous signalons que les frais juridiques se montent à plus de 320 000 pesos (19 000 ? environ) qu’il nous faut payer avant septembre de cette même année, voilà pourquoi nous vous prions de nous aider dans la mesure de vos possibilités. Nous avons réuni une partie de la somme mais il nous en manque pas mal et nous remercions par avance votre compréhension et votre solidarité.
Nous avons un compte en banque en Espagne : CAJASTUR 2048-0135-01-3404000042
En décembre 2007 nous avons reçu le prix des Droits humains de la ville de Pola de Siero, Asturies, Espagne. Voilà la raison de ce compte bancaire là-bas.
Notre cas a été instruit, entre autres, par l’ONU, Amnesty International, la Commission civile internationale des droits humains (CCIODH)...
Nous sommes en contact avec des collectifs et organisations en France, en Espagne, en Italie, en Grèce, en Hollande et ailleurs...
Bien entendu, vous êtes cordialement invité(e)s à nous rendre visite quand vous voulez et à voir l’histoire détaillée sur notre page Internet.
Nous vous remercions de votre attention et sommes à votre disposition.
Zapata est vivant ! La lutte continue !
Pour le FPDT, commission des relations et diffusion internationale :
Saúl Rios Romero,
Marta Pérez Pineda,
Trini Ramírez (épouse d’Ignacio del Valle)