Attaque paramilitaire contre la caravane de solidarité de San Juan Copala
À Oaxaca, les tueurs du parti au pouvoir massacrent une caravane de solidarité en chemin vers San Juan Copala, à Paris et dans le monde entier, la solidarité avec la lutte des peuples du Mexique s’organise.
Nous, individus et membres de divers collectifs et organisations (Collectif Pico y Pala, Collectif Zéro, Comité de solidarité avec les Indiens des Amériques, Comité de solidarité avec les peuples du Chiapas en lutte, CNT, Les Trois Passants, Ministère de la Régularisation de tous les sans-papiers, Tierra y Libertad para Arauco) sommes réunis le 30 avril 2010 devant l’ambassade du Mexique, à Paris, pour manifester notre solidarité avec les peuples en lutte pour leur liberté et leur autonomie, et pour exprimer notre refus de la répression systématiquement mise en œuvre de manière directe ou indirecte par les pouvoirs mexicains.
Dans l’État d’Oaxaca le 27 avril, une caravane de solidarité formée par des membres d’organisations civiles mexicaines et internationales a été attaquée alors qu’elle se rendait à la communauté indienne autonome de San Juan Copala. Une vingtaine de paramilitaires de l’organisation Ubisort (Union pour le bien-être social de la région triqui) affiliée au parti au pouvoir dans l’État, le PRI (Parti révolutionnaire institutionnel), a mitraillé le convoi, faisant deux morts et une quinzaine de blessés. Certains participants ont été capturés, d’autres ont réussi à s’enfuir dans les montagnes. Alberta « Bety » Cariño, directrice du collectif CACTUS, et Jyri Antero Jaakkola, observateur international finlandais, ont perdu la vie dans cette embuscade meurtrière et préméditée. Deux des personnes blessées, David Cilia et Erika Ramirez, du journal Contralinea, qui avaient réussi à s’enfuir malgré leurs blessures, viennent tout juste d’être secourus après avoir dû se cacher dans la montagne pendant trois jours.
La caravane avait pour but de briser le siège maintenu par les paramilitaires autour du village de San Juan Copala depuis octobre 2009. Ils bloquent les accès à la communauté, interdisent tout approvisionnement et font régner la panique par de nombreux assassinats. Cette terreur est exercée pour anéantir le processus d’autonomie proclamé et mis en pratique depuis janvier 2007 par l’assemblée communale. Les conflits intenses avec le pouvoir qui traversent les régions indiennes d’Oaxaca depuis des décennies ont culminé lors du soulèvement de 2006 contre le gouverneur corrompu Ulises Ruiz avec la création de l’APPO (Assemblée populaire des peuples d’Oaxaca). D’abord contraint à la fuite par l’ampleur du mouvement et sa capacité d’auto-organisation, le gouvernement n’a pu reprendre, six mois plus tard, le contrôle de l’État qu’avec le soutien du pouvoir fédéral par l’emploi pur et simple de la terreur (assassinats, disparitions, emprisonnement et torture). L’attaque de cette caravane, durant laquelle les meurtres ont été perpétrés au vu de tous, montre bien que cette guerre sociale franchit un nouveau palier dans la barbarie et ne cherche même plus à se dissimuler.
Oaxaca ne fait pas figure d’exception. Dans les États voisins du Chiapas, du Guerrero et du Michoacán, les populations indiennes sont également soumises au harcèlement permanent, militaire, paramilitaire mais aussi judiciaire. Au Chiapas, où les communautés zapatistes mettent en pratique leur autonomie depuis seize ans, l’occupation du territoire par l’armée fédérale permet aux groupes paramilitaires de multiplier les agressions impunément. Ainsi l’organisation paramilitaire « Armée de Dieu » cherche par l’emploi de la terreur quotidienne à expulser les habitants de la communauté Mitziton afin de s’emparer des terres où le gouvernement veut faire passer une autoroute. Sur la côte du Michoacán, à Santa Maria Ostula, où les paysans nahuas ont repris possession de leurs terres et constitué une garde communale, les enlèvements, disparitions et assassinats se multiplient depuis un an.
Ces politiques criminelles trouvent leur justification dans l’application des accords de libre-échange avec les États-Unis d’Amérique et l’Europe. Le prétendu développement économique livre les ressources du pays au pillage des multinationales et pousse les habitants vers les frontières infranchissables des pays riches, dont ils deviennent la main-d’œuvre asservie.
Par-delà les continents, la lutte pour l’autonomie et la liberté réunit des hommes et des femmes décidés à reprendre en main le destin qu’on prétend leur arracher. Au Mexique, les peuples indiens se battent contre leur anéantissement. En Europe, les migrants d’Afrique et d’Asie refusent la clandestinité et affirment leurs droits à la libre circulation. Ces luttes nous concernent tous directement. La solidarité entre les projets menés à la base, organisés en assemblées par la démocratie directe, est inséparable de la transformation des rapports sociaux. Ainsi aujourd’hui devant l’ambassade du Mexique est venue une délégation du Ministère de la Régularisation de tous les sans-papiers, dont deux membres ont pris la parole, en français et en espagnol, pour exprimer leur soutien. Confrontés au mêmes logiques de destruction, nous trouverons toujours comment nous unir contre la dévastation planifiée de la Terre.
Pour nos camarades qui se battent à Oaxaca et au Mexique :
Halte aux attaques paramilitaires du gouvernement assassin d’Ulises Ruiz !
Retrait immédiat du blocage paramilitaire dont souffre la commune autonome de San Juan Copala !
Halte au financement, à l’armement et à l’impunité dont jouissent les groupes paramilitaires dans les États d’Oaxaca, du Chiapas, du Guerrero et du Michoacán !
Après les menaces du gouverneur Ulises Ruiz à l’encontre de nos compagnons, nous tiendrons pour responsable le gouvernement d’Oaxaca de toute attaque contre nos camarades en lutte.
Assemblée ouverte pour poursuivre la mobilisation solidaire :
mercredi 5 mai à partir de 20 h 30 au 33, rue des Vignoles, à Paris XXe.
Paris, le 30 avril 2010.
Comité de solidarité avec les peuples du Chiapas en lutte,
Tierra y Libertad para Arauco,
Les Trois Passants,
Tamazgha