Prise de parole lors de la manifestation de réoccupation
de la zone à défendre
Samedi 17 novembre 2012.
Ami·e·s d’ici, ami·e·s d’ailleurs,
Nous, expulsé·e·s ou expulsables, habitant·e·s qui résistent au projet d’aéroport et à son monde, nous tenons à vous remercier.
Merci d’être venu·e·s, de Vigneux ou de Turin, de Rennes ou de Bruxelles, pour participer à cette lutte, pour reconstruire aujourd’hui ensemble les bases matérielles nécessaires à la poursuite de la résistance sur le terrain.
Merci de vous être réapproprié ce combat, en organisant des rassemblements, des collages, des moments de rencontre sur les marchés de vos villes et de vos villages, en créant des comités locaux...
Vous avez su exprimer notre colère contre les aménageurs par un foisonnement de gestes solidaires : du péage gratuit au défilé de tracteur, du sabotage au concert de soutien, de la prise d’antenne sauvage aux messages qui nous parviennent depuis plusieurs semaines maintenant !
Vous avez participé à cet immense élan de solidarité, solidarité, mot qui aujourd’hui prend tout son sens et qui s’est répandu comme une traînée de poudre bien au-delà du bocage.
C’est vous, anonymes, animés par d’inébranlables convictions qui faites la lutte. Vous qui ne cherchez ni la gloire superflue sous le crépitement des flashes et des caméras ni les privilèges et le confort d’un siège de député ou de ministre. Vous qui êtes là parmi nous, humblement, et qui avez décidé d’agir plutôt que de subir. La parole des politiques ne doit pas étouffer celle des habitants pour s’y substituer. Cette lutte c’est la nôtre, c’est la vôtre, parce que c’est avec vous que nous obtiendrons l’arrêt immédiat du projet et que nous pourrons faire plier les décideurs, ici comme ailleurs.
Nous avons toujours dit : « Un territoire se défend avec celles et ceux qui l’habitent. » Et ces dernières semaines ont prouvé que les habitant.e.s de la zone se défendent ! Une armada policière débarque et le ballet infernal des machines emporte dans sa danse macabre, maisons et cabanes, vieux chênes et salamandres... La tristesse et la colère nous gagnent face à Vinci et à l’État socialiste écologiste qui défigurent sous nos yeux ce paysage si familier. Ils ravagent la nature et cherchent à effacer nos souvenirs. Qu’ils nous jettent à la rue à coups de matraque ou nous poussent au déménagement par les pressions, c’est toujours la même violence et le même arbitraire qui nous écrasent. Il est légitime que l’on retourne cette violence contre ceux qui nous l’infligent.
Face à l’État, tous nos gestes de résistance peuvent paraître dérisoires, mais ils sont ô combien justes et nécessaires. Rassemblements, manifs, défense des lieux de vie, ouverture collective de maisons, occupation forestière, ravitaillement, blocage de routes, reconstruction, assemblées... Nous avons voulu montrer que nous ne sommes pas de simples meubles qu’on déménage, que nous pouvons nous organiser, résister, dire non !
Ces semaines ne sont qu’un début ! La lutte ne fait que commencer : défense du Rosier, réoccupation de la forêt de Rohanne pour s’opposer à son abattage, blocage des travaux du barreau routier, procès et expulsion à venir des habitant.e.s en bail précaire et des paysans. Il y a encore tant à faire. Hollande, Ayrault et les cadres de Vinci doivent comprendre qu’il n’y aura pas de retour à la normale jusqu’à l’arrêt immédiat du projet d’aéroport. Qu’ils prennent garde, car plus la lutte se renforce sur le terrain et plus elle se répand !
Notre rêve, c’est que tous les ami·e·s d’ici et d’ailleurs ramènent chez eux un peu de la détermination qui est née dans ce bocage. Que cette lutte, nourrie par celle de Val di Susa comme par celles de Plogoff et du Larzac, renforce en retour d’autres combats.
Nos révoltes ne se limitent pas à Notre-Dame-des-Landes et à son aéroport. Pendant que les caméras et l’attention se focalisent ici, ils continuent d’expulser et de bétonner ailleurs, tous les jours, en silence... L’État oppresse, enferme, réprime partout, tout le temps. Il est confortable de fermer les yeux, facile de se résigner, mais indispensable de se révolter. Partout, pour contrer tous les César qui veulent aménager nos vies et nos territoires, continuons de construire des foyers de résistance irréductible.
Ici comme ailleurs, défendons nos rêves et cultivons nos révoltes pour qu’elles deviennent leur cauchemar !
Notre-Dame-des-Landes : « Opération César »
film photographique de Johann Rousselot
(2 au 7 novembre 2012)
« Opération Astérix »
les manifestants réoccupent la ZAD
(17 novembre 2012)
Paroles du Collectif nantais contre l’aéroport
Le Collectif nantais est présent sur la lutte de l’aéroport depuis maintenant plusieurs années. Nous sommes surpris mais heureux de voir que le moment des expulsions, qui devait arriver, a aussi été celui du rassemblement de tous ceux et toutes celles qui s’oppose à l’aéroport et même plus largement à son monde.
L’élan inespéré de solidarité montre une détermination commune à annuler le projet, qui ne concerne pas que les habitant·e·s de la zone. Devant la mobilisation qui grossit, il redevient possible de penser que la lutte sera victorieuse. Comme elle fut à une autre époque, au Carnet, au Pellerin ou encore à Plogoff.
Et dans ces luttes, on sait bien que ce qui a compté avant tout, c’est la solidarité entre les composantes. Faire bloc pour faire comprendre aux élites qu’on ne lâchera pas. Faire bloc aussi, parce que ce n’est pas aux décideurs du projet de définir les règles de notre combat ni de comment nous le menons. C’est pourquoi le Collectif nantais contre l’aéroport est solidaire de toutes les actions qui vont à l’encontre de ce projet.
Nous sommes un collectif d’habitants et d’habitantes de Nantes qui se sont rencontré.e.s autour de la lutte contre l’aéroport. Nous souhaitions porter cette lutte au cœur de la métropole nantaise.
Assez vite lors de nos discussions, nous nous somme rendu compte que la question de l’aéroport n’était qu’un maillon de projets bien plus larges. Ils touchent tous les territoires et leurs habitants entre Nantes et Saint-Nazaire.
Dans un premier temps, nous avons écrit et diffusé un journal, Nantes nécropole, qui nous a permis de définir plus précisément nos positions politiques et de mieux cerner les enjeux que représente cette organisation du territoire, voulue par quelques élites. Vous pouvez le trouver sur les tables de presse.
Nous organisons aussi des manifestations mensuelles dans le centre-ville de Nantes. La prochaine aura lieu le 24 novembre, à 16 heures, place Royale. Vous êtes cordialement invités à nous rejoindre pour continuer cette mobilisation.
Nantes, dans sa course au développement, a pour ambition de créer la métropole la plus étendue de France en faisant se rejoindre Nantes et Saint-Nazaire. Comme dans beaucoup d’autres villes, et à grands renforts d’événements tels que « Nantes estuaire » ou « Voyages à Nantes », il y a la volonté de conquérir des terres jusque-là peu « attractives ».
Leur but est d’y attirer certaines franges aisées de la population nantaise afin d’amorcer l’urbanisation, le bétonnage et l’implantation d’une nouvelle culture.
Ainsi tout le territoire se retrouverait compartimenté en espaces dédiés à une seule activité : pôle financier avec EuroNantes, loisirs et créativité sur l’île de Nantes, banlieues et zones dortoirs dans certaines campagnes, agriculture parquée en Brière, etc.
Les décideurs, Ayrault et Auxiette en tête, assument ainsi d’avoir déjà planifié l’aménagement du territoire de la métropole jusqu’en 2030 avec une pseudo-concertation de la population.
Cette pratique de démocratie participative est un outil bien connu des municipalités PS. Elles laissent croire comme lors des enquêtes publiques que la population pourrait donner son avis et changer des choses. Mais les décisions sont déjà prises ailleurs, et tout cela n’est qu’une opération de communication.
Nous ne croyons pas à leur démocratie, et préférons celle que nous construisons ensemble dans cette lutte, au sein de l’assemblée, de nos collectifs et entre eux.
Nantes s’est lancée dans la compétition acharnée qui sévit entre les métropoles européennes. Chaque métropole cherche à se démarquer des autres en se créant de la singularité. Dans le cas de Nantes, après la culture, c’est l’écologie qui est devenue l’argument marketing. Ainsi Nantes a décroché son titre de capitale européenne de l’écologie en mentant sur le dossier de l’aéroport soi-disant « haute qualité environnementale ».
Cela ne l’empêche pas pourtant de raser des arbres centenaires au parc Mercœur ou encore de planter des vergers dans le centre-ville qui sont destinés à être arrachés à la fin de l’année. Cela nous ferait bien rire si ce n’était représentatif de la nouvelle mode du capitalisme vert. L’écologie sauce capitalo devient un lobby, un marché juteux et un moyen de contrôle de la population.
Le projet de métropole Nantes Saint-Nazaire rencontre des oppositions dans différents bourgs qui sont concernés par un de ses projets. Ainsi les résistances contre le tram-train, contre les nouveaux franchissements de la Loire, contre la destruction du parc Mercœur, ou encore les luttes paysannes montrent que ces projets ne sont pas les bienvenues. Comme autrefois au Carnet, au Pellerin, et lors des velléité d’agrandissement de la raffinerie de Donges.
C’est pour toutes ces raisons que nous sommes là aujourd’hui. Nous refusons cette logique et voulons pouvoir décider nous-mêmes du devenir de nos espaces. En ce sens, il nous semble que cette lutte n’est qu’un début, et un bout d’une lutte à mener contre la pieuvre de la métropole.
Mais pour que cette lutte prenne de la puissance et pèse sur les décideurs jusqu’à la victoire, il nous faudra continuer à être solidaires. C’est pourquoi le Collectif nantais contre l’aéroport condamne fermement les déclarations de certaines élites d’Europe Écologie Les Verts visant à la désolidarisation et à la division du mouvement.
Ces élites ne font que répéter les mêmes discours que les décideurs du projet et ne contribuent qu’à nous affaiblir, en pointant du doigt une partie de l’opposition au projet, pour des fins électoralistes et de reconnaissance par le pouvoir. Nous appelons la base, qui est elle sur le terrain au côté des occupants, à faire pression sur les « cadres » afin que cesse ce comportement !
Nous tenons à affirmer que nous ne voulons pas de médiateur ni de moratoire. Ceux et celles qui se permettent de négocier en haut lieu sans concertation avec le mouvement feraient bien de ne pas oublier la volonté de ceux et celles qui luttent sur le terrain contre ce projet : son arrêt immédiat !