La guerre de basse intensité menée par les autorités mexicaines (fédérales, régionales et locales) contre les populations indigènes, mayas et zoques du Chiapas, s’intensifie.
Pour permettre la mise en place d’un projet baptisé "écotouristique", la police de l’État du Chiapas, aux ordres du gouverneur PRD Juan Sabines, vient de franchir un degré de plus dans l’escalade vers ce que les zapatistes désignent comme une véritable "guerre d’extermination contre les peuples indigènes". Lors d’une brutale opération, réunissant des policiers fédéraux et des fonctionnaires du gouvernement local, parmi lesquels des représentants du ministère de "l’Environnement", les forces de l’ordre ont brûlé les maisons, avec tous leurs effets personnels, des habitants du Poblado Laguna San Pedro. Ils ont saccagé les cultures (y compris les réserves de semences de maïs et de haricots, ainsi que des arbres fruitiers) et pillé la boutique coopérative des membres de cette communauté de la forêt Lacandone, appartenant à la commune autonome Ricardo Flores Magón. Ceux-ci ont ensuite été emmenés de force, avec des hélicoptères, vers la ville de Palenque. Les autorités prétendent vouloir reloger les personnes ainsi déplacées dans une zone "en dehors de la réserve de la biosphère", opérer une reforestation et, au passage, développer des cultures... destinées à la fabrication de "biodiesel".
L’État mexicain et les multinationales de l’énergie et des "loisirs" s’arrogent ainsi le droit, au nom de la défense de l’environnement, d’expulser des populations qui ont pourtant démontré depuis des millénaires leur capacité à vivre en harmonie, sans l’aide de quiconque, dans ces régions de forêts tropicales. Il faut noter que cette politique d’expulsions de la région des Montes Azules, préparée depuis des années [1], compte sur l’appui de gouvernements étrangers, parmi lesquels ceux de l’Union européenne (avec le tristement célèbre programme Prodesis), et de plusieurs multinationales de l’environnement, telles que Conservation International et le WWF [2]. Une simple lecture de la composition des conseils d’administration de ces ONG permet de comprendre qu’à côté des mégaprojets touristiques se dissimulent également les convoitises sur le pétrole, l’uranium, l’or et surtout la formidable biodiversité que recèlent encore, malgré des décennies de pillage, ces régions du Sud-Est mexicain. Dans un communiqué, le Conseil de bon gouvernement de La Garrucha s’adresse à la "société civile nationale et internationale", pour lui demander sa solidarité face à de tels agissements.
Pendant ce temps, la routine de la terreur continue son petit bonhomme de chemin, un peu partout au Mexique. Dans des régions soumises au contrôle direct de l’armée, les enlèvements et les assassinats se multiplient. Huit mille meurtres, au cours de ces douze derniers mois, sont imputés aux gangs du narcotrafic, dont les connections avec les forces policières et militaires ainsi qu’avec des responsables des trois grands partis politiques (PRI, PAN et PRD) ne sont plus à démontrer. Hier, 31 janvier, des tueurs ont froidement abattu treize jeunes gens de quatorze à dix-huit ans, qui fêtaient la victoire de leur équipe de foot. Cela se passait à Ciudad Juárez, cette ville proche de la frontière avec les USA, où les usines de montage tournent à fond et où des centaines de jeunes femmes ont été assassinées depuis 1995, sans qu’aucune enquête n’aboutisse.
Mais tout n’est pas noir dans ce tableau, diront certains : le Mexique accueillera, en grande pompe, le prochain sommet mondial sur l’environnement.
Jean-Pierre Petit-Gras