Il y a longtemps, bien longtemps, avant que Hernan Cortés et ses conquistadores espagnols ne viennent coloniser les terres mexicaines, l’actuelle « vallée de Mexico » était constituée d’un ensemble de lacs, alimentés par les rivières s’écoulant des volcans et des chaînes de montagnes environnantes, abritant une véritable civilisation lacustre de plusieurs centaines de milliers d’habitants, au cœur de l’Empire aztèque. Tenochtitlán, capitale de l’Empire, était alors construite sur une île protégée par d’énormes digues, tandis que d’autres villes s’éparpillaient sur les pourtours des zones lacustres depuis Azcapotzalco à l’ouest, jusqu’à Texcoco, à l’extrême est, sans compter Coyohuacán, Tlalpan, Iztapalapa, Xochimilco ou bien Chalco, plus au sud.
Mais le pouvoir espagnol colonial, avec la volonté explicite d’en finir avec cette civilisation lacustre, s’est obstiné depuis le XVIe siècle à évacuer l’eau des lacs de la vallée de Mexico en creusant des canaux vers le fleuve Tula, au nord de la région, dans l’illusoire espoir de mettre la nouvelle ville coloniale de Mexico à l’abri des inondations. Sous la dictature « scientifique » de Porfirio Díaz, à la fin du XIXe siècle, le drainage des lacs fut intensifié et poursuivi avant d’en arriver finalement, après la Seconde Guerre mondiale, à l’assèchement quasi complet de la vallée suite à la construction d’énormes tunnels sous la ville afin de drainer toutes les eaux de la ville et de les rejeter plus au nord, dans les rivières de l’État d’Hidalgo.
Depuis le début de la période coloniale, la ville de Mexico est donc profondément marquée par l’incroyable stupidité de la gestion des eaux de la métropole : tandis que de nombreuses parties asséchées de la vallée, désormais urbanisées, se trouvent confrontées à des problèmes d’inondations chroniques en période de pluie, un nombre considérable de quartiers se retrouvent confrontés au manque d’eau courante, toutes les eaux de surface étant drainées et évacuées depuis des siècles vers l’extérieur de la ville. Incapables de se recharger, les nappes phréatiques situées sous la mégalopole et ses près de 30 millions d’habitants se retrouvent surexploitées, aboutissant à un affaissement continu de la ville de plusieurs dizaines de centimètres chaque année. Conséquence : la fragilisation et l’effondrement régulier des bâtiments et des infrastructures, le tout démultiplié par la forte activité sismique de cette région entourée de volcans.
Dans les années 1960 cependant, un ingénieur, Nabor Carillo, proposa de renverser le problème et, plutôt que d’assécher la vallée, d’essayer de préserver les zones lacustres afin de permettre la reconstitution des nappes phréatiques et le retraitement progressif des eaux usées. C’est ainsi qu’en 1971 près de 10 000 hectares de marais situés à l’est de la ville, dans la zone la plus basse de la vallée, furent expropriés afin d’y reconstituer le dernier système lacustre de ce qui, bien longtemps auparavant, constituait le gigantesque lac de Texcoco.
Mais devant la pénurie de terrains à proximité de la ville, et face à la pression des grands promoteurs immobiliers, c’est sur ces terrains que, le 22 octobre 2001, le président mexicain Vicente Fox Quesada décidait que serait édifié le futur nouvel aéroport international de la métropole.
Ce fut alors le début d’un long combat mené par Atenco et les villages des environs contre l’expropriation de leurs terres agricoles et tout le désastre écologique qu’allait provoquer la construction du nouvel aéroport. Au bout d’un an de lutte acharnée, le Front des villages en défense de la terre d’Atenco réussissait toutefois à faire abandonner le projet et le décret d’expropriation des terres, arrachant une victoire alors saluée dans toute l’Amérique latine. Victoire bien malheureusement éphémère : depuis lors, la répression eut le temps de s’abattre sur la résistance locale, entraînant son lot d’atrocités les 2 et 3 mai 2006 : plusieurs dizaines de femmes violées, qui demandent encore aujourd’hui justice et réparation auprès de la Cour interaméricaine des droits de l’homme, des morts (Alexis Benhumea, vingt et un ans, et Javier Hernández, treize ans, tués par balle et par grenade explosive) et des centaines d’incarcérations arbitraires, dont treize condamnations à plusieurs dizaines d’années de prison, avant d’être finalement relaxés après quatre ans d’incarcération. Mais tout cela a déjà été conté à de nombreuses reprises. [1]
Ce qui paradoxalement a été bien moins documenté depuis lors, c’est la relance du projet en 2014 sous la présidence d’Enrique Peña Nieto, responsable de la tragique opération policière et militaire de mai 2006. Profitant de l’impact physique, psychologique et économique provoqué par la répression, le projet aéroportuaire fut relancé sur les terres fédérales de l’ancien lac de Texcoco, sans que la résistance locale ne réussisse désormais à générer l’indignation suffisante pour mettre un frein sur place à l’achat des consciences et aux travaux préliminaires de construction.
Sous la pression du multimilliardaire mexicain Carlos Slim, dont le gendre Fernando Romero se vit décerner l’élaboration du projet en 2015, celui-ci prit cependant une tout autre ampleur. Les plans urbanistiques présentés et élaborés par son consortium d’entreprises vont en effet bien au-delà de la construction d’un « simple » aéroport, et envisagent de remodeler totalement tout l’est de la mégalopole. Au cœur de cette restructuration urbaine est envisagé l’édification d’une véritable ville nouvelle, d’ores et déjà rebaptisée « Slim City » par ses détracteurs.
Un nouvel aéroport international pour « Mister Slim »
Parmi les principaux promoteurs du nouveau mégaprojet aéroportuaire de la ville de Mexico, un nom revient sans cesse : Carlos Slim. Par le biais de ses banques, de ses fonds d’investissement et de ses innombrables sociétés, sa participation à la construction du nouvel aéroport et les bénéfices qu’il en attend sont immenses. Mais qui est-il, et quels sont les intérêts qu’il représente ?
Bien qu’étant à la tête d’une des plus grosses fortunes mondiales, estimée à près de 55 milliards de dollars en 2017, Carlos Slim reste relativement méconnu en dehors du Mexique. Au même titre que ses collègues et amis Warren Buffet, Georges Soros et Bill Gates, avec qui il ne cesse de multiplier les projets les plus inquiétants [2], il est pourtant l’une des figures-clés du capitalisme actuel. Au sein de la presse financière internationale et des grands médias commerciaux mexicains s’est diffusée à son sujet l’image d’un honnête homme, fils d’immigrés libanais, ingénieur devenu entrepreneur, et dont la trajectoire et la fortune seraient avant tout dues à son don naturel pour le calcul mental et à ses talents de boursicoteur. La réalité est cependant beaucoup moins politiquement correcte.
Fils d’un des plus importants commerçants libanais du centre-ville de Mexico, le destin de Carlos Slim ne décolle en effet réellement qu’à partir de 1965, lorsque celui-ci décide de se marier avec la jeune Soumaya Gemayel Domit. Celle-ci, héritière d’une des plus grosses fortunes libanaises du Mexique, était aussi membre par sa mère du célèbre « clan Gemayel », à la tête, depuis 1936, de la principale formation chrétienne fasciste et anticommuniste du Liban, les Phalanges libanaises [3].
Selon le journaliste indépendant Diego Osorno, les parents des deux jeunes époux n’étaient pas seulement des figures centrales de la communauté libanaise au Mexique, mais aussi parmi les plus fervents soutiens mexicains de la formation paramilitaire libanaise. Avec l’aide d’un certain Julian Slim, jeune officier de la DFS, la police politique mexicaine, le père de Soumaya s’était notamment appliqué à étendre les réseaux de l’organisation en Amérique latine. L’union de sa fille avec Carlos, le prometteur petit frère, n’était alors pas pour lui déplaire... C’est ainsi qu’un mois après sa mort, sous l’auspice du macabre Marcial Maciel, fondateur de la tristement célèbre Légion du Christ, le mariage fut entériné entre les deux familles [4].
Fruit de l’union entre les deux époux, naquit quelques mois plus tard le désormais tentaculaire fonds d’investissement « Carso » (contraction de « Carlos Slim » et de « Soumaya Gemayel »). Avec des fonds dont il serait bien difficile d’établir aujourd’hui s’ils provenaient de la fortune paternelle ou, autre hypothèse, de celle du puissant et richissime clan libanais de son épouse, Carlos Slim commença alors à racheter en bourse un nombre incalculable de sociétés mexicaines... Suite à la guerre civile libanaise, durant laquelle les Phalanges jouèrent un rôle des plus macabres, et alors que le Liban était dirigé par Amine Gemayel, l’un des cousins de Soumaya, la mystérieuse fortune de Carlos Slim lui permit notamment de racheter un certain nombre de grandes entreprises en voie de privatisation, telles que le service téléphonique mexicain. Le groupe Carso est devenu depuis lors l’un des plus grands conglomérats d’entreprises du monde, et la fortune de Carlos Slim n’a cessé d’enfler, au point de représenter près de 6 pour cent du produit national brut mexicain en 2015, selon le quotidien mexicain El Universal.
Les avoirs capitalistes de Carlos Slim se déploient dans tous les domaines : la gestion financière avec Inbursa, l’une des principales sociétés bancaires du Mexique, la téléphonie avec Telcel et America Mobil, l’un des plus grands groupes de téléphonie mondiale, l’exploitation minière avec Frisco Group, propriétaire de nombreuses mines au Mexique et en Amérique latine, l’industrie métallurgique, le pétrole et le gaz à travers les groupes Condumex, Nacobre et Carso Energy, d’innombrables boutiques et centres commerciaux à travers les groupes Sears et Sanborns, et, surtout, la promotion et la construction immobilière, à travers les sociétés Inmobiliaria Carso (centres commerciaux, logements, bureaux, hôtels, hôpitaux et campus...), Cicsa (Carso Infrastructure et Construction), Ideal (Impulsora del Desarrollo y el Empleo en América Latina) et, depuis 2014, au travers de la multinationale catalane FCC, l’un des poids lourds mondiaux du bâtiment et de la construction de gigantesques infrastructures.
Les participations des entreprises liées à Carlos Slim dans la construction de l’aéroport sont nombreuses et se situent à tous les échelons : depuis la conception du projet, réalisée par le cabinet d’architectes de son gendre, son financement, assuré en partie par les fonds d’investissements de sa banque Inbursa, ainsi qu’à sa réalisation, les principaux contrats de construction du terminal et de plusieurs pistes aériennes ayant justement été attribués à ses sociétés Cicsa, Ideal et FCC [5].
Au-delà de ses multiples participations dans le financement et la construction de l’aéroport, les ambitions de Carlos Slim vont bien au-delà de la simple construction de pistes d’atterrissage. Fin 2017, peu après le tremblement de terre, celui-ci annonçait en effet publiquement son ambition de remodeler l’urbanisme de toute la partie orientale de la ville, tout particulièrement sur les milliers d’hectares qui seraient laissés en friche lorsque l’aéroport actuel serait condamné à la fermeture. Carlos Slim souhaiterait en effet y aménager un nouveau gigantesque boulevard, plus luxueux encore que l’actuel paseo de la Reforma situé à l’ouest de la ville (équivalent mexicain des Champs-Élysées parisiens). Sur les terrains avoisinants pourraient selon lui être édifiées les premières bases d’une nouvelle « ville du futur » : des centres de tourisme et de récréation, de nouveaux quartiers de bureaux et de logements de haut standing, ainsi que des centres hospitaliers et universitaires privés... Un projet global, dont l’impact économique n’aurait, selon le magnat mexicain, pas d’autre égal « que la construction, au début du XXe siècle, du canal de Panama » [6].
De gigantesques profits en perspective, confrontés cependant à un problème majeur : la promesse électorale faite par López Obrador, vainqueur de la dernière élection présidentielle, de suspendre définitivement la construction du nouvel aéroport.
Les jeux de dupes de López Obrador
Ancien maire de la ville de Mexico et candidat de la gauche mexicaine aux élections présidentielles de 2006, 2012 et 2018, Andrés Manuel López Obrador a finalement été « triomphalement » élu à la tête du Mexique cet été [7], et son nouveau gouvernement devrait entrer en fonction le 1er décembre prochain.
Pour Atenco et le mouvement social opposé à la construction de l’aéroport, l’élection de López Obrador a pu soulever un certain espoir, car au fil de sa carrière, celui-ci s’est toujours prononcé publiquement contre la construction du nouvel aéroport sur les terrains de l’ancien lac de Texcoco. Dès la réactivation du projet fin 2014, celui-ci avait proposé la mise en place d’une commission technique afin de proposer comme « solution alternative », la construction du nouvel aéroport sur les terrains de la base militaire aérienne de Santa Lucía, située à 40 kilomètres au nord de la capitale. En parallèle, toute une propagande pédagogique hostile au mégaprojet aéroportuaire fut éditée par son parti et, lors du lancement de sa campagne électorale, début avril 2018, López Obrador fit publiquement la promesse qu’une fois élu, les travaux de construction en cours seraient suspendus [8].
Pour comprendre l’impact électoral de cette prise de position, il faut revenir à la campagne présidentielle de 2012 qui opposa López Obrador à Enrique Peña Nieto. Ancien gouverneur de l’État de Mexico, ce dernier était en effet l’héritier des promoteurs historiques du premier projet d’aéroport de 2001, et le responsable direct de la répression à Atenco les 3 et 4 mai 2006 [9]. Face à un processus électoral totalement vicié et dont les résultats semblaient pliés d’avance, un fort mouvement de résistance civile s’était alors spontanément développé dans tout le pays et, parmi les principales forces sociales à s’être opposées à l’accession à la présidence de Peña Nieto, le Front des villages en défense de la terre d’Atenco avait joué un rôle essentiel [10].
Suite à sa défaite, López Obrador avait donc fait de son opposition à la réactivation du projet d’aéroport l’un de ses principaux chevaux de bataille, au même titre que l’opposition à la réforme énergétique et la réforme éducative, deux autres mesures extrêmement impopulaires alors édictées par le gouvernement d’Enrique Peña Nieto. Mais confrontés sur place à une offensive sans précédent visant à imposer la privatisation des terres collectives, la résistance d’Atenco et des villages environnants se trouvait alors fortement diminuée. Tandis que le FPDT tentait en vain de freiner les chantiers de l’aéroport, affrontant une répression des plus féroces [11], l’activisme politique de Morena, le parti fondé par López Obrador en 2012, se limitait alors à recruter massivement des militants en vue des échéances électorales de 2018. Plutôt que de soutenir les tentatives de blocage, les dirigeants du parti se bornaient à promettre qu’une fois López Obrador enfin au pouvoir, la construction de l’aéroport serait définitivement suspendue.
Depuis le début de sa carrière politique, l’ascension de López Obrador doit en effet beaucoup à sa stratégie récurrente de se présenter comme étant le débouché électoral des revendications sociales. Issu d’un petit bourg situé au cœur de la principale zone de production pétrolière de l’État de Tabasco, celui-ci n’était au départ qu’un simple cadre local du parti au pouvoir (le PRI, Parti révolutionnaire institutionnel) nommé, à la fin des années 1970, à la tête de l’Institut national indigéniste de la région autochtone chontal. Mais López Obrador réussit très vite à s’imposer dans l’arène politique locale, en se faisant le relais des revendications exprimées par les paysans de l’État du Tabasco auprès des institutions. Un conflit majeur opposait en effet les communautés chontales à la société pétrolière étatique Pemex, qui construisait des puits de pétrole dans toute la région, entraînant la contamination de dizaines de milliers d’hectares de terres agricoles [12].
Rallié à la fin des années 1980 à la toute jeune dissidence électorale du Parti de la révolution démocratique (PRD), celui-ci tenta alors à deux reprises de gagner les élections pour le poste de gouverneur du Tabasco, en mobilisant la population contre les fraudes électorales et la gigantesque corruption des élites politiques locales. Mais ce n’est qu’à partir de 1996 qu’il accéda véritablement à la gloire nationale, suite à sa participation médiatique aux blocages des puits de pétrole entrepris par le mouvement paysan tabasqueño. Dès lors acclamé et plébiscité par la base électorale du PRD de tout le pays, il prit quelques mois plus tard la tête du parti de la « révolution démocratique », avant de gagner un peu plus tard les élections municipales dans la capitale, en juillet 2000.
Une fois au pouvoir, la gouvernance de López Obrador a cependant toujours été des plus pragmatiques, et les rapports entre le dirigeant de la gauche électorale et le magnat mexicain Carlos Slim en constitue l’exemple le plus emblématique. Aujourd’hui vilipendé par les militants de Morena, le multimilliardaire jouissait en effet à cette époque de la bienveillance totale de López Obrador qui, en 2001, l’avait nommé président du Conseil consultatif pour le sauvetage du centre historique de la ville de Mexico. L’attention du richissime homme d’affaires se concentrait alors bien moins sur le projet d’aéroport première mouture, alors porté par les élites politiques et économiques de l’État voisin de Mexico, que sur la « revitalisation des quartiers dégradés » de la capitale mexicaine. À la tête de la société anonyme Centro Historico SA, Carlos Slim racheta durant les « années Obrador » plusieurs dizaines d’immeubles et de bâtiments du centre-ville de la capitale, suivant l’exemple de ce qui s’était fait dans la ville de New York durant la décennie précédente. Suivant les conseils et grâce à la généreuse participation financière de Carlos Slim, López Obrador alla même jusqu’à signer un contrat de plusieurs millions de dollars avec le sulfureux maire de New York Rudolph Giuliani, venu apporter ses conseils pour « gentrifier » le centre-ville et « réformer » la police de la ville de Mexico [13].
Aux yeux du grand patronat mexicain, López Obrador n’a pourtant jamais réussi à se départir de l’odeur de soufre due à sa proximité avec les luttes sociales, et l’opposition résolue des milieux d’affaires joua pour beaucoup dans l’échec de son accession au pouvoir en 2006 et en 2012 [14]. Pour s’attirer les sympathies des milieux d’affaires, celui-ci décida en conséquence de confier la direction de son futur cabinet présidentiel et la rédaction de son programme de gouvernement à l’un des principaux chefs d’entreprise du nord du pays, Alfonso Romo. Mais pour le grand capital, l’opposition de López Obrador à la construction du nouvel aéroport continuait à poser problème.
Plutôt que de financer une campagne médiatique à son encontre, comme cela avait été le cas en 2006 et en 2012, les coordinations patronales mexicaines entreprirent alors d’exercer leur pression afin que « tous les aspirants à la présidence donnent des gages de continuité au chantier en cours, et n’en fasse pas un thème de débat politique » [15]. Le 17 avril 2018, Carlos Slim donnait ainsi une conférence de presse internationale, faisant clairement savoir que pour les investisseurs et le grand patronat mexicain, la remise en question de la construction de l’aéroport était inacceptable. En réponse, le candidat favori à la présidentielle fit alors une proposition surprenante : si le secteur privé était prêt à assumer la totalité des coûts de construction du nouvel aéroport, celui-ci cesserait de s’opposer au projet, et serait même prêt à en concéder la gestion future !
Un mois plus tard, lors d’un meeting électoral à Texcoco, López Obrador proposait une solution intermédiaire : plutôt que de prendre une décision unilatérale, celui-ci organiserait fin octobre 2018 une grande « consultation nationale », afin que le « peuple mexicain » choisisse entre le maintien du projet sur les terrains de l’ancien lac de Texcoco, ou bien son « transfert » sur les terrains de la base militaire de Santa Lucía. Sous la pression des milieux d’affaires, la promesse électorale de suspension des travaux de construction laissait donc place à l’organisation d’une consultation « citoyenne ». Mais, comme le mentionnait Trini, porte-parole du Front des villages en défense de la terre d’Atenco, « ils parlent de consultation, alors qu’il y a déjà eu des morts, des tortures, des personnes incarcérées et des femmes violées »... « S’ils n’ont pas prêté attention à la parole des communautés affectées, comment va se faire cette consultation, si en fin de compte les riches ont assez d’argent pour manipuler l’opinion et faire dire “oui” à l’aéroport ? »
Sous couvert de « donner la parole au peuple mexicain », la « consultation nationale » du 28 octobre prochain balaie en effet d’un trait les plaintes déposées depuis de nombreuses années par Atenco et tous les villages directement affectés par le projet, dont les droits en tant que peuples et villages originaires à être consultés avant la mise en œuvre et la construction sur leur territoire de n’importe quelle infrastructure ont été systématiquement bafoués. Atenco, le Front des villages en défense de la terre et la Plate-forme organisationnelle contre le Nouvel Aéroport et l’Aérotropolis soulignaient ainsi que, à la différence du grand patronat, aucune audience ne leur avait jamais été accordée, malgré leurs demandes réitérées de rencontrer le nouveau président élu au sujet du projet de nouvel aéroport.
Face à ce scénario le 25 septembre dernier, durant le lancement de la campagne nationale d’opposition au projet d’aéroport #YoPrefieroElLago (« Moi je préfère le lac »), le Front des Villages en défense de la terre et les Villages unis contre le Nouvel Aéroport et l’Aérotropolis exprimaient leur détermination à « mener la bataille contre l’aéroport par le biais de tous les ressorts juridiques, politiques et de mobilisation sociale possibles », que ce soit avant, pendant ou après la consultation, « la défense de la vie [n’ayant] pas de date de péremption ».
Le 25 octobre prochain, partout au Mexique et dans le monde, une convocation à la mobilisation la plus large possible est cependant lancée afin d’exprimer un rejet massif à ce projet écocidaire. Comme ceux-ci l’expriment dans le texte d’appel : « Ce qui est au centre du débat, c’est de savoir qui prend les décisions sur le futur du Mexique : les chefs d’entreprise, les puissants, les transnationales, l’oligarchie nationale que nous subissons, ou bien le peuple digne qui travaille, qui lutte et qui résiste pour un Mexique debout, appuyé sur la justice, et qui ne sera plus jamais soumis. »
[bleu violet](À suivre)[/bleu violet]
Siete Nubes
Source : CSPCL
le [bleu violet]23 septembre 2018[/bleu violet],
le [bleu violet]30 septembre 2018[/bleu violet]
et le [bleu violet]10 octobre 2018[/bleu violet].
[bleu violet]Depuis Atenco, lettre à la ZAD et aux organisations du monde entier[/bleu violet]
[bleu violet]Campagne contre le nouvel aéroport de la ville de Mexico[/bleu violet]
[bleu violet]Frente de Pueblos en Defensa de la Tierra[/bleu violet]