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Turquie

Terreur répressive à Istanbul

lundi 17 juin 2013 (Date de rédaction antérieure : 16 juin 2013).

Message d’Istanbul,
nuit du 15 au 16 juin 2013,
aux alentours de minuit

Aujourd’hui, suite au discours extrêmement sectaire, violent et mensonger du premier ministre Recep Tayyip Erdoğan à Ankara, la police a commencé à attaquer vers 21 heures des milliers de personnes qui dînaient place Taksim et au parc Gezi.

Il y avait des enfants de quatre ou cinq ans, des mères et des personnes âgées lors de l’attaque à coups de gaz lacrymogène et de canon à eau. Selon les rapports, la police n’a pas autorisé les journalistes à faire leur travail ou à prendre des photos parc Gezi.

La police a aussi attaqué à coups de canon à eau les manifestants qui se sont réfugiés dans le célèbre hôtel Divan qui leur avait ouvert ses portes. Les gens disent qu’il y a des milliers de blessés dans l’hôtel. Les gens ont formé une chaîne humaine devant l’hôtel pour empêcher une attaque policière. Un autre rapport dit que les gens ne peuvent pas quitter l’hôtel parce que la police arrête tous ceux qui en sortent.

D’autres rapports indiquent que la police à fait fermer le métro et les liaisons par bateau entre l’Europe et l’Asie pour empêcher que les gens viennent se joindre aux manifestations. Il y a beaucoup d’enfants disparus, ou d’enfants qui ont été séparés de leurs familles. Les manifestants affrontent la police à Sıraselviler, Cihangir, Harbiye, et probablement autour de Dolmabahçe et Maçka. Ce qui se passe cette nuit est d’une brutalité inouïe, une véritable sauvagerie. C’est une sale guerre où seul un camp est armé. C’est de la terreur d’État.

Toujours vers minuit

Des témoignages de manifestants rapportent souffrir de brûlures après avoir été arrosés par des canons à eau… à se demander ce qu’ils mettent…

Message reçu vers 2 heures du matin

« Je vais bien, mes amis aussi, du moins ceux que j’ai pu joindre. Istanbul vit un enfer. Ils cherchent à tuer la ville, la voix de sa population. La situation est terrible. La police a attaqué le parc alors qu’il y avait des milliers de personnes, dont des centaines de jeunes enfants, des personnes âgées, des handicapés et des animaux sans défense. Les gens ont été gazés sans pitié. Des centaines de personnes se sont réfugiées à l’hôtel Divan, qui a toujours ouvert ses portes aux manifestants. C’était l’enfer. Le gaz entrait dans l’hôtel en même temps que les manifestants. On nous a dit d’aller en salle de conférence en bas des escaliers. Il y avait beaucoup d’enfants et beaucoup de personnes blessées. C’était terrible. Des scènes comme dans un film d’horreur. C’était difficile de respirer, nos peaux nous brûlaient, il faisait très chaud, nous suions comme des fous, les gens pleuraient, s’évanouissaient, vomissaient, appelaient à l’aide… Après une heure et demie, on nous a dit qu’il était sûr de fuir vers Harbiye. Nous sommes passés devant des centaines de policiers et beaucoup de véhicules de combat en marche vers Nisantasi. Les gens sont descendus dans les rues contre cette barbarie, criant des slogans et tapant des casseroles. Deux de mes tantes étaient dans la rue, trempées, suite aux tirs d’un canon à eau ; elles ont la soixantaine bien passée et ont été jetée contre le mur par l’eau. Comme d’autres jours avant, Kizilay, le Croissant-Rouge turc, refusait de transporter les blessés, et des sources très fiables (des docteurs) m’ont rapporté les faits. Les docteurs d’un petit hôpital privé ont dû payer une compagnie privée pour faire transporter une personne grièvement blessée qui a pu ainsi survivre. C’est un scandale. Nous vivons dans un État policier. La police a arrêté quarante-neuf avocats en investissant le Palais de justice l’autre jour. Maintenant ils essayent d’arrêter tout docteur ou toute infirmière qui aide les manifestants blessés. Le gouvernement et le gouverneur d’Istanbul continuent de parler de “groupes marginaux”. Le masque de la démocratie et de l’État de droit est tombé dans ce pays. Priez pour nous et diffusez l’information. »

Source : Solidarité ouvrière

Tout a basculé à Taksim hier soir

Hier soir la guerre a été déclenchée par la police, je suis un témoin direct puisque j’étais sur place.

La violence démesurée de la police a fait des centaines de blessés, le parc a été évacué de force avec gaz, jet d’eau contenant des produits chimiques causant des brûlures sur la peau, les balles en plastique ont blessé des dizaines de personnes, dont une femme enceinte. Par ailleurs, des grenades cataplexiantes (incapacitantes) ont semé la terreur dans tous le quartier.

L’intervention a eu lieu alors qu’il n’y avait aucune manifestation, aucun rassemblement ni dans le parc Gezi ni sur la place. C’était un samedi ordinaire et les habitants étaient venus avec leurs enfants pour prendre l’air dans ce parc.

Cette intervention a été faite hier à partir de 19 h 40 alors que la Plate-forme de Taksim avait annoncé à 11 heures le retrait pacifique des occupants du parc dès lundi.

Les affrontements ont duré jusqu’au petit matin, j’étais coincée entre les barricades et la police. Je me suis réfugiée dans un passage commerçant, la police a même lancé le gaz à l’intérieur de tous ces passages où les gens s’étaient réfugiés. J’ai été gazée, et j’ai vu des gens tomber comme des mouches sur la rue Istiklal.

Des milliers ont afflué de tous les quartiers d’Istanbul pour venir en soutien au parc Gezi et aux manifestants. La municipalité a annulé tous les transports en commun dès 11 heures pour empêcher cela, mais les gens sont passés de la rive asiatique en marchant sur les ponts du Bosphore. La police a gazé ces gens à pied sur le pont même, sans leur laisser une issue de sortie, sauf peut-être de se jeter du pont.

Les hôtels qui ont accueilli les gens blessés ont été gazés de l’intérieur. Les touristes ont accueilli les blessés dans leur chambre d’hôtel mais ont subi également les violences car les lobbies et réceptions, transformés en centre de soins médicaux, de ces hôtels ont été attaqués par la police. C’est un crime contre l’humanité, du jamais vu, même dans les pays avec des régimes les plus répressifs.

Toute cette violence n’a pas arrêté le peuple qui s’est regroupé dans chaque quartier.

Nous ne connaissons pas exactement le nombre de blessés, mais nous savons qu’il y a plusieurs blessés dans un état grave, nous en sauront plus dans quelques heures.

Des centaines de gens blessés n’ont pas pu recevoir de soins médicaux car les forces de l’ordre ont interdit l’accès des ambulances à Taksim.

Aujourd’hui, Erdogan tient un meeting à Istanbul avec ses supporteurs, qu’il n’hésitera sans doute pas à lâcher contre les résistants.

Les habitants des soixante-dix villes du pays sont dans la rue aujourd’hui pour protester.

Des dizaines de milliers sont en train de marcher vers la place Taksim. La violence du pouvoir actuel contre ses citoyens doit être arrêtée au plus vite.

Je vous demande de divulguer le message partout où vous pouvez. C’est vraiment très grave et cela va sans doute continuer.

La désinformation du pouvoir ne doit pas être relayée par les médias européens mais la vérité doit être entendue partout dans le monde.

Merci à tous de faire en sorte que l’information circule le plus vite et largement possible.

Ce dimanche 16 juin, nous nous attendons malheureusement à la suite des violences.

Defne Gursoy
Istanbul, 16 juin 2013,
11 heures (heure locale).

Source : Entre les lignes entre les mots

Nouvelles d’Istanbul le 16 juin

La répression s’intensifie. Ainsi l’avocat Turgut Kazan a déclaré sur Kanal +1 que des personnes arrêtées sont interrogées et inculpées d’appartenance à une organisation terroriste, risquant ainsi des peines de prison à vie. Et effectivement, bien des personnes arrêtées hier sont détenues pour avoir porté un masque à gaz. L’acteur Sezgin Mengi a ainsi déclaré que toutes les rues étant sous gaz lacrymogène, il était impossible de circuler sans porter de masque à gaz.

Foule de manifestants à proximité de la place Taksim (Istanbul) ce 16 juin après-midi.

Cet après-midi, on notait une foule importante malgré l’interdiction et la violence des forces de répression qui marchait pour manifester vers la place Taksim à Istanbul.

Ankara : répression policière lors des funérailles d’Ethem Sarisuluk

Ce 16 juin, à Ankara, avaient lieu les funérailles d’Ethem Sarisuluk, mort le 5 juin des suites de ses blessures à la tête provoquées par la répression dans la capitale de Turquie. C’est une foule immense qui est venue aux funérailles.

Foule pour les funérailles d’Ethem Sarisuluk
à Ankara le 16 juin.

En début d’après-midi, les forces de répression ont attaqué la population qui était venue rendre un dernier hommage à Ethem.

Dispersion de la population lors des funérailles d’Ethem Sarisuluk (Ankara, 16 juin).

Manifestations et répression dans les rues d’Istanbul

Ce 16 juin, des manifestations ont eu lieu dans différents quartiers d’Istanbul, avec à chaque fois une violente répression policière. Entre 17 et 18 heures, on notait par exemple des affrontements entre manifestants et forces de répression à Şişli, rue Pangalti, rue Ergenekon, Besiktas, etc.

Vers 16 h 30, une manifestation partie de Beşiktaş a rejoint Nişantaşı avec quinze mille personnes. Vers 18 heures, les habitants du district de Nurtepe ont bloqué la circulation. Vers 19 heures, ce sont des milliers de personnes qui manifestent à Bomonti. À 20 h 30, ce sont trois mille personnes qui construisent des barricades à Karaköy. Ce sont là quelques exemples de manifestations à Istanbul cet après-midi.

Les forces de répression sont comme folles et attaquent tous les bâtiments où des manifestants tentent de se réfugier, ne respectant plus rien. Ainsi, vers 18 heures, la police investit le cimetière arménien de Ferikov, où des manifestants ont tenté de se réfugier, les poursuit, les tape et saccage des pierres tombales. Les centres de soin ne sont pas épargnés, à 16 h 30 les forces de police ont attaqué l’infirmerie du TMMOB (Chambre syndicale des ingénieurs et architectes turcs) où des manifestants sont soignés. Vers 19 h 30, avec les attaques de la police des quantités impressionnantes de gaz lacrymogène sont tirées à proximité de l’hôpital allemand, près de Sıraselviler, et de l’hôpital Ilkyardim à Taksim, lacrymogènes entrant dans l’hôpital où se trouvent des malades. Le personnel, médecins et infirmières, de l’hôpital Ilkyardim est sorti affronter les forces de répression pour protéger les malades.

Et on peut ajouter que ces forces de répression ont même attaqué les manifestants réfugiés dans la mosquée de Teşvikiye, jetant des grenades lacrymogènes dans le jardin de la mosquée.

Partout, des manifestants sont arrêtés, parmi eux on compte au moins quatre journalistes. Les arrestations concernent aussi les médecins qui soignent des manifestants blessés. Ainsi le docteur Ali Eren et trois autres médecins ont été placés en détention.

Dans bien d’autres villes du pays aussi, les manifestations se sont multipliés ce 16 juin contre Erdogan et son régime qui montre chaque heure plus son visage répressif et brutal. À 19 heures, on comptait ainsi cinq mille manifestants à Edirne derrière une banderole « Côte à côte contre le fascisme ». Cinq mille manifestants étaient aussi comptés à Samsun, et plusieurs milliers à Eskisehir. À Ordu, des centaines de manifestants ont défilé en scandant « Taksim est partout, les résistance est partout ». À Mersin, les habitants ont bloqué la circulation. Un sit-in de protestation a été organisé à Canakkale contre les violences policières. À Adana, partis dix mille à 19 heures, ce sont trente mille manifestants qui se sont rassemblés boulevard Turgut Ozal et route de Baraj une heure plus tard. Vers 20 heures, on notait des affrontements entre manifestants et forces de répression dans cette ville.

À Ankara, après la répression des funérailles d’Ethem Sarisuluk, plusieurs manifestations ont eu lieu ainsi que des affrontements avec les forces de répression, affrontements qui continuent en ce début de soirée, alors que les forces de répression arrêtent quiconque semble vouloir rejoindre les manifestations.

Nouvelle nuit de résistance face à la répression en Turquie

Après la violente répression de la nuit du 15 au 16 juin place Taksim à Istanbul,
la nuit du 16 au 17 juin a été une nouvelle nuit de lutte à travers la Turquie.

À Istanbul, malgré la répression (on a même vu des hélicoptères être utilisés par la police pour lancer des lacrymogènes à Halaskargazi vers 20 h 30), les manifestations ont duré jusque tard dans la nuit. Ainsi, vers 22 heures, une foule manifestait dans les rues İkitelli-Atakent, protégée par un convoi d’automobilistes. À Karaköy, où des barricades ont été érigées, on comptait cinq mille manifestants. À Okmeydan, des affrontements intensifs ont opposés manifestants et forces de répression, les habitants du quartier ont apporté de la nourriture aux manifestants et ont aidé à soigner les blessés. Vers 22 h 30, à Alibeyköy, environ mille personnes ont manifesté devant la mosquée Veysel Karani en scandant « Gouvernement démission ». Des milliers de manifestants venant d’Akaretler se dirigeaient vers Taksim en scandant « Taksim sera à nous ».

Vers 23 heures, une foule de manifestants partis d’Ikitelli a fait fermer les cabine de péage de Mahmutbey. Dans le district de Beylikdüzü, des milliers de personnes ont bloqué le trafic de l’autoroute E5 puis sont partis en marche vers le siège local de l’AKP. Toujours vers 23 heures, on comptait cinq mille manifestants à Karaköy scandant « L’AKP va partir, la justice va revenir ».

À Ankara aussi la population a manifesté toute la nuit. Vers 22 h 30, on notait par exemple des manifestations parc Kugulu, avenue Tunali Hilmi, avenue Kennedy et dans le district de Kucukesat. Des milliers de personnes sont parties depuis la rue Tunalı Hilmi et ont chanté ensemble la marche Gündoğdu. Les habitants des districts de Dikmen-İlker-Sokullu-Keklik se sont rassemblés rue Dikmen et environ cinq mille personnes sont allées en manifestation vers les quartiers de la police. Vers 23 heures, les manifestants sont arrivés dans le quartier Ayrancı, où les habitants ont fait un concert de casseroles pour soutenir les manifestants et où beaucoup sont descendus rejoindre la manifestation. Avenue Kennedy, la foule des manifestants grossissait chaque minute. On comptait au moins cinq mille personnes vers 23 h 30 et des milliers de gens scandaient « Dictateur démission » et « Rébellion, révolution, liberté ». On comptait à la même heure sept mille personnes dans la manifestation partie d’Etlik vers Keçiören.

Un peu avant minuit, face à l’attaque des forces de répression, les manifestants ont érigé des barricades avenue Kennedy. Apprenant l’intervention policière, les habitants des quartiers Esat, Kennedy et Tunali ont soutenu les manifestants en faisant du bruit avec des sifflets et des gamelles. Des automobilistes ont également paralysé l’avenue Tunali Hilmi, bloquant ainsi plusieurs véhicules des forces de répression. Dispersée par la violente attaque des forces de répression avenue Kennedy vers 0 h 30, la foule s’est à nouveau regroupée sur l’avenue aux alentours de 1 h 15 où l’on comptait des milliers de personnes. Des barricades ont été érigées. Un peu avant 2 heures du matin, des manifestants ont bloqué l’accès aux citernes de la municipalité d’Ankara qui alimentaient les TOMA (véhicules antiémeutes) en eau toxique. Un manifestant a été blessé lorsqu’un TOMA a foncé sur la foule. Avenue Kennedy, les affrontements ont duré jusqu’à 2 h 30 du matin.

Il est à noter qu’à Istanbul comme à Ankara, plusieurs témoignages affirment que des membres armés de l’AKP (le parti au pouvoir) ont aidé les forces de répression en attaquant les manifestants.

On notait aussi des manifestations dans d’autres villes comme à Adana où on a compté au moins vingt blessés. Les affrontements avec les forces de répression ont duré jusqu’à 1 h 30 du matin.

À Çanakkale, la foule s’est réunie pour un immense sit-in à l’intersection de Canakkale Iskele, créant une ambiance festive attirant bien des familles de la ville. Vers 23 heures, un autre sit-in a été organisé au carrefour du port où les manifestants scandent des slogans tels que « Taksim est partout, la résistance est partout », « Kazilay est partout, la résistance est partout ». À Tarsus, une manifestation nocturne a rassemblée cinq mille personnes. À Bursa, la population a bloqué la circulation au niveau de la place Santral Garaj. À Eskisehir, à la fin du rassemblement, des milliers de personnes sont parties en manifestation vers l’université aux alentours de 21 h 30. À 23 heures, on comptait dix mille manifestants dans cette ville. À Antalya, la place Cumhuriyet était bondée de manifestants, salués par des coups de klaxons et des slogans lancés par les automobilistes. À Edirne, une foule de plus en plus importante était rassemblée vers minuit au parc Zübeyda Hanim où on scandait « Taksim est partout, la résistance est partout ». À Muğla, on comptait encore trois mille manifestants vers 22 heures, etc.

Source : Solidarité ouvrière

Fil d’information en français :
gezipark.nadir.org

Gezi Radyo
(en turc)

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