« Les rébétika sont de simples petites chansons chantées par des gens simples. »
[bleu violet]Elias Petropoulos[/bleu violet]
Le rébétiko ne constitue un folklore que pour autant qu’on puisse parler de folklore urbain.
Expression d’une culture populaire, il se donne principalement à entendre sous forme de chansons à travers lesquelles transparaissent, par-delà la poésie et la musique, un mode de vie, un état d’esprit, et tout un imaginaire collectif. En Grèce, la culture rébétique est reçue, selon les époques et la sensibilité de chacun, tantôt comme une liberté enviable et, tantôt, comme marginalité honteuse.
Par rapport aux véritables folklores, ceux d’une ruralité ancestrale, le rébétiko est, de toute évidence, déplacé ; il ne constitue pas les « racines » d’un peuple, à moins d’admettre que les racines d’un peuple puissent pousser dans le vent…
Aussi, le rébétiko pose la question de la définition d’une communauté. Il exprime une identité nomade qui peut passer pour subversive. Le rébète n’est jamais un propriétaire, ce n’est pas lui qui produit les céréales, les olives ou le raisin. Ce n’est pas non plus le berger des montagnes ni le pêcheur, même si le thème de la barque qui prend la mer, du pêcheur qu’on attend et qui ne revient pas, est exploité à l’envi…
Le rébète est, à proprement parler, un égaré, quelqu’un qui tourne en rond dans des quartiers perdus, qui tue le temps (exclu du travail qu’il méprise) en s’enivrant, tout en chantant des poèmes d’amour. Il est aussi celui qui vole et qui se fait voler, qu’on poursuit pour le jeter en prison dont il s’évade…
Le rébétiko a sa propre topologie. Si, pour l’étranger (ou pour le Grec qui vit dans la diaspora), « rébétiko » est synonyme de « grécité », dès lors qu’on reste sur le territoire national, le rébétiko témoigne d’infinis voyages et d’éternelles errances. Le rébétiko représente toujours une déterritorialisalition. Le thème de l’exil, vécu comme un déchirement permanent, y est toujours présent.
Expression populaire, laïque, mais, surtout, expression minoritaire. Le rébète appartient à une petite communauté : l’élite de l’infortune. Il partage sa solitude avec ses pairs, d’autres déshérités qui, seuls, sont aptes à le comprendre et à apprécier sa poésie.
[bleu violet]Tsitsanis : zéïbékiko de 1938[/bleu violet]
Comme un déshérité, j’erre
dans un exil haïssable
abandonné, malheureux
loin des bras de ma mère
Les oiseaux pleurent après l’air
et les arbres, après l’eau…
moi, c’est pour toi que je pleure,
petite mère, que je n’ai pas revue depuis tant d’années…
Le rébète habite les banlieues, un « hypocosme » marginal, monde souterrain, monde parallèle, monde merveilleux. Il occupe des poches de survie : le quartier (la gitonia), le café d’habitués (le steki), la taverne (où le plaisir du vin, de la musique et des filles se paie souvent trop cher) et la fumerie clandestine (le tékès), où il vient fumer le narguilé.
Lorsqu’on écoute aujourd’hui un rébétiko, on effectue un voyage dans le temps et dans l’espace. Le rébétiko est porteur d’une géographie et d’une histoire. Mais ce voyage est, pour une large part, fantasmatique. C’est un artefact que bâtissent des textes, des musiques, des voix, des corps singuliers, des attitudes caractéristiques : toute la mythologie du rébétiko.
La création artistique (accessible grâce à la photographie et aux enregistrements sonores) est le reflet d’une vie sociale élaborée. Rien d’insignifiant (Dieu est dans les détails). Il faudrait décrire « la vie quotidienne au temps des rébètes ». Usage vestimentaire, pratiques de convivialité, manières de table, vie amoureuse, divertissements…
Ces pauvres diables en loques, parfois endimanchés, sont de merveilleux dandys ; ils soignent leur apparence. Ils utilisent, pour communiquer entre eux, dans une semi-clandestinité, un langage qui leur est propre et des gestes codés. Cette communauté de parias est une élite, avec ses rites d’intégration et de reconnaissance, régis par leurs propres lois.
Toutefois, on ne peut pas figer le rébétiko dans une représentation précise. Ce n’est pas une culture monolithique. Il y a une histoire du rébétiko des origines à nos jours (ou presque), une évolution. Originaire d’Asie Mineure, où vivaient d’importantes colonies grecques (à Smyrne, à Constantinople, notamment), mais aussi d’Alexandrie, de la vieille Athènes, de Thessalonique… L’inspiration musicale est orientale (instruments d’Asie Mineure : saz, oud, tébéléki…), certains ont suggéré, sans en apporter la preuve, que le mot « rébétiko » pourrait provenir d’une déformation du mot « rebbe », le rabbin en yiddish.
Sur le plan musical, utilisations de modes (et non des gammes majeures et mineures de la musique occidentale) comme dans la musique arabe ou dans la liturgie byzantine, rythmes proches de ceux des danses turques : tsiftétéli (danse du ventre), [bleu violet]zéïbékiko[/bleu violet]. Dans le registre linguistique, porosité de la langue en fonction de la diaspora, bilinguisme grec/turc d’une Roza Eskenazi, par exemple, même si la langue est, ordinairement, grecque.
Goût de l’exotisme. Orientalisme de pacotille, lascivité rêvée des Mille et Une Nuits. La civilisation orientale est surtout un art de vivre : le luxe, la volupté, le vin, les femmes, la drogue. On est proche des Roubaïates d’Omar Khayyam ou d’Azyadé de Pierre Loti. Après la [bleu violet]« Grande Catastrophe »[/bleu violet] de 1922, lorsque que les Grecs de Turquie sont chassés sur le territoire hellénique, il y a une terrible nostalgie du paradis perdu. Berceuses, murmures, plaintes diverses (amanès : du turc aman, dont le cri déchirant est une sorte de « hélas ! »).
[bleu violet] Amanès de Markos Vamvakaris [/bleu violet]
Dans les minuscules récits que constituent les chansons, le réel manifeste presque toujours une forme agressive, voire répressive. La société est globalement perçue de manière négative. La police est la grande ennemie du rébète ; tôt ou tard, elle le conduit, inéluctablement, en prison.
Apologie d’une vie marginale, clandestine, hétérodoxe. Le rébète fabrique le baglama, un instrument si petit qu’il peut se cacher dans la manche de sa veste.
Tel est le sort à la fois pitoyable et enviable des parias, des prisonniers. Il adapte le monde en même temps qu’il s’adapte à lui. Tel est le mode de survie de tous ceux qui ont, d’une manière ou d’une autre, rompu les amarres avec la société bourgeoise.
Il y a les mangès (mot intraduisible, péjoratif dans le langage courant, laudatif sur le mode rébétique : à la fois un mauvais garçon et un type en or) et il y a les autres, les nantis de la société, insensibles et sans cœur.
[bleu violet] Kato sta Lémonadika [/bleu violet]
[bleu violet]Dans le quartier de Lémonadika[/bleu violet]
on a assisté à un esclandre,
on a attrapé deux voleurs
la main dans le sac.
On leur a passé les menottes
et on les a conduits au poste
et si on ne retrouve pas le magot
ils vont passer un mauvais quart d’heure.
Monsieur l’agent, monsieur l’agent,
ne frappe pas !
Laisse-nous faire notre boulot,
on n’en demande pas plus.
Nous, nous coupons les bourses,
nous volons les portefeuilles.
C’est pourquoi elles nous voient souvent passer
les portes de la prison.
Cette sociologie est très simple. Mais elle s’exprime, avec un vrai bonheur d’expression, dans un argot étonnamment euphorique. Par exemple, le mot que l’on traduit ici par « voleurs », lahanades vient de lahana, les « choux », autrement dit les portefeuilles, en argot… Du coup, les voleurs deviennent des sortes de maraîchers, comme dans un poème surréaliste.
La morale est primaire. Il y a les bons et les méchants. Mais, ce sont les voleurs qui ont bon cœur, et la police qui est brutale et inhumaine. Le rébète ne se fait aucune illusion, il sait qu’il est obligatoirement perdant ; le pouvoir étant aux mains des juges et des flics. C’est pourquoi, le monde est discrédité : Psefti dounia (« le monde est menteur »). Un rébète sera toujours le dindon de la farce.
[bleu violet] Pente chronia dikasmenos [/bleu violet]
— Salut, Stellakis, mon ami !
— Salut et joie, mon cher Vangellis ! Mais je vois que tu tiens quelque chose ?
— Un narguilé.
— Un narguilé !!!
— Eh bien, oui, un narguilé, qu’est-ce que tu voudrais que ce soit, un paquebot transatlantique ?
— Mais mon vieux, mais chaque fois que je te rencontre tu es avec ton narguilé.
— Ah, tu as raison, mon vieux, mais si tu savais les soucis et les chagrins qui m’accablent tu ne me jetterais pas la pierre…
— Et tu ne veux pas me les raconter pour que je les partage avec toi ?…
— Écoute-les, mon bon vieux Vangellis, et tu pourras peut-être me consoler !
Condamné à cinq ans dans Genti Koulés (la prison de Thessalonique)
Le chagrin m’a fait tomber dans le haschisch.
refrain
Souffle, aspire, tire bien !
tasse-le, allume-le !
surveille que les flics n’arrivent pas.
refrain
Les cinq années suivantes, tu m’avais oublié
Pour me consoler, les mangès m’ont rempli mon narguilé.
refrain
Maintenant que je suis sorti de Genti Koulés
remplis le narguilé, mon bon, et nous allons fumer !
— Tire aussi un coup, Vangellis !
— Je vois bien que tu avais raison mon petit Stellakis
— À la tienne, mon derviche Stellakis, tu nous as raconté une belle histoire
— À la tienne, Iannis, avec ton violon…
— Je fumerai jusqu’à n’en plus pouvoir, aujourd’hui encore…
— Salut à toi, Margaronis !
Le rébétiko se donne comme la culture des pauvres, des parias, des exclus. D’où ce paradoxe lorsque arrive le succès. Des rébètes qui deviennent des vedettes millionnaires.
Après la « Catastrophe » de 1922, c’est le style smyrniote qui domine le genre. On enregistre des disques dans les grandes villes. Jusqu’en Amérique, où beaucoup de Grecs vont tenter d’émigrer.
Ces disques sont signés par des chanteurs et des chanteuses qui s’appellent Marika Politissa, Rita Abatzis, Roza Eskenazi… Les instruments sont encore le santouri, les violons, le oud.
Le rébétiko trouve sa place dans des sortes de cafés-concerts (café-aman) qui se trouvent à la périphérie des grandes villes. Ce sont des tavernes où l’on peut boire (surtout) et où une modeste scène est installée pour permettre aux musiciens de se produire. Des musiciens dont le statut oscille encore entre amateurisme et professionnalisme.
Le thème de l’exil, de la souffrance du déraciné, domine largement le répertoire. Peu à peu, changement de couleur dans l’orchestration. Le bouzouki devient le dieu incontesté du rébétiko. Le rébète est, plus que jamais, le mauvais garçon, celui qui ne parvient pas à s’intégrer ou qui règne sur un domaine dont les règles échappent à société ordinaire. Le rêve se situe encore et toujours en Orient, mais il est plus illusoire que jamais. Les femmes (les maîtresses) sont trompeuses (comme le monde). L’amour féminin profondément délétère est inlassablement chanté sur le mode doux-amer. Seule la mère a grâce aux yeux des rébètes.
On peut, au fond, distinguer trois périodes :
De 1922 à 1932. Dominance de ce style turco-oriental. L’un des plus extraordinaires compositeurs-interprètes de cette période est Giorgos Batis.
[bleu violet] Zoula se mia barca bika [/bleu violet]
un zéïbékiko de Batis (le premier enregistrement de Stratos Paioumtzis)
Furtivement, je suis monté dans la barque
et j’ai pénétré dans la grotte du Dragon
Là je rencontre trois types ivres de haschisch
qui se prélassent dans le sable.
C’était tous les amis : Batis avec Artémis
Et il y avait aussi Stratos le Paresseux.
Ah ! Stratos, mon vieux Stratos !
Prépare un narguilé bien tassé !
Qu’il ait quelque chose à fumer,
pour Stratos, qui est un derviche depuis si longtemps
Et pour Artémis, aussi, lui qui va et qui vient !
Il nous rapporte du mavro (du hasch) de la Ville (Constantinople)
mon vieux, et nous sommes complètement allumés
Du tabac persan, mon vieux,
Et il en fume tranquillement.
De 1932 à 1940. L’âge d’or du rébétiko : les luths laissent place à l’ensemble bouzouki/baglama. Batis, Peristéris, Papaïoannou, Markos Vamvakaris, Tountas, etc.
[bleu violet] Ego Mangas fainomouna [/bleu violet]
Moi, on voyait bien que je serais un mangas.
Tout petit déjà, j’étais très malin
et j’ai appris le bouzouki.
Au lieu d’aller à l’école je fréquentais le Karagiosis (le théâtre d’ombre),
j’ingurgitais différents breuvages
pour apprendre le bouzouki.
Ma famille me disait de le laisser tomber
ce vieux bouzouki
parce que je leur faisais honte,
mais moi, je ne le quittais plus,
ce vieux bouzouki
dont j’avais fait mon compagnon.
Le morceau date de 1937, alors que Génitsaris, son compositeur, n’avait que dix-huit ans. Le style est devenu classique. Surtout, très remarquable, l’interprétation, chant et jeu, avec un accent très mangas. Autre exemple : Anestis Delias, [bleu violet]To haremi sto hamam[/bleu violet] (1936).
De 1940 à 1952. La figure dominante est Tsitsanis. Il y a aussi Chiotis. C’est le début d’un virtuosisme instrumental qui prend le dessus sur le contenu des chansons et qui débouche sur l’archontorébético, un rébétiko de luxe, en quelque sorte ! Le bouzouki passe de trois à quatre cordes (pour plus de virtuosité) et on assiste à l’électrification des ensembles. On peut citer [bleu violet]Sinnefiasmeni Kyriaki[/bleu violet] (Dimanche nuageux), qui est un succès absolu et constitue une sorte d’hymne rébétique.
Polémique sur l’auteur de la chanson. On en attribue, généralement, la paternité à Tsitsanis. A-t-il voulu écrire la chanson d’un amour fou ? A-t-il voulu, comme on l’a dit, rendre compte de la situation d’Athènes placée sous la botte de l’occupant nazi ? On a parlé aussi, de manière plus prosaïque, du chagrin éprouvé pour la défaite d’une équipe de football…
Dimanche nuageux,
tu ressembles à mon cœur
où il y passe toujours des nuages, des nuages…
Jésus, Marie !
C’est par un jour comme celui-ci
que j’ai perdu ma joie.
Dimanche nuageux,
tu ensanglantes mon cœur !
Dans les années 1950, le rébétiko se colore parfois de tendances sociales, sous l’influence du communisme. Tsitsanis en chantre de la classe ouvrière ! Ce n’est pas ce qu’il a fait de mieux. Et les autres rébètes deviennent futiles. On ne peut pas être rébète et célébrer des lendemains qui chantent…
Ftochobouzouko (pauvre bouzouki)
Avec mon pauvre bouzouki
je chante mon chagrin
sans réussir à oublier une femme.
Depuis qu’elle est partie
la tristesse me submerge
mes larmes coulent comme de l’eau.
Elle m’a laissé seul
dans cette existence
elle ne reviendra pas
Mon pauvre bouzouki
je joue avec beaucoup de sentiment
et je lui dis : regarde comme le sort m’a frappé !
Le bouzouki me regarde, compatissant ;
Mais en quoi est-ce sa faute, le pauvre,
Pour que je lui casse les cordes ?
Je tiens mon bouzouki
et, péniblement, je lui demande
— Petit bouzouki, qu’est-ce que je dois faire ? Dis-le moi !
Et il me répond : Tu veux vivre ?
Trouve un autre amour
et ton chagrin, noie-le dans le vin.
La mièvrerie de ce chant est contrebalancée par une technique instrumentale éblouissante. L’inspiration reste classique : c’est le thème, largement exploité, du rapport à l’instrument (le bon objet, par opposition à la femme infidèle).
Années 1960. D’une certaine façon, le rébétiko ne fait plus que se survivre. Mais l’écouter et le jouer prend encore du sens. Les musiciens de la variété (laïki musiki) les plus fameux (connus en Europe par les musiques de films) : [bleu violet]Hadzidakis[/bleu violet] (compositeur de [bleu violet]Jamais le dimanche[/bleu violet]) et Théodorakis (Zorba le Grec) s’intéressent au rébétiko.
Leur position est paradoxale. Ils travaillent à sortir de l’ombre et de la clandestinité un répertoire culturel (leur argument est que ce sont ces instruments, ces mélodies et ces harmonies qui doivent représenter la Grèce et non les musiques à l’eau de rose instrumentalisées à l’occidentale que la bourgeoisie et les classes au pouvoir essayent d’imposer). Ils sont donc partisans du rébétiko et admirent des artistes populaires comme Tsitsanis, Markos Vamvakaris, etc. Mais, dans leurs compositions, s’ils empruntent des thèmes, des harmonies, des rythmes, une instrumentation, ils n’en opèrent pas moins une instrumentalisation qui s’avère néfaste par rapport à la pureté originale du genre rébétique. En particulier, ce sont leurs succès qui imposent de manière définitive une inflexion de l’image de la musique grecque. En gros, cette idée « touristique » du « sirtaki » (une danse qui n’existe pas) et de la musique à restaurants du quartier Saint-Michel, à Paris.
(À la même époque, combat entre les partisans de la katarévoussa — une langue pure, artificiellement littéraire, non parlée ni comprise par le peuple — et la kini, la langue vernaculaire, dans laquelle les rébétika sont composés.) Pendant la dictature, les colonels font leurs discours en katarévoussa. Les compositeurs qui osent célébrer le rébétiko sont persécutés.
À la fin des années 1970 et début des années 1980, le rébétiko vit un nouveau printemps. Une mode anticommerciale, chez les jeunes Grecs libérés de la dictature. Les vieux rébètes sont traités en héros. Certains se produisent encore dans des centres ([bleu violet]Papaïoannou[/bleu violet], qui meurt bientôt dans un accident, Tsitsanis, [bleu violet]Sotiria Bellou[/bleu violet]…). Certains publient leurs mémoires. Ils sont courtisés par quelques Américains (bibliographie de Markos Vamvakaris. Discographie importante — vinyle, puis CD, les vieux enregistrements sont repiqués dans des anthologies, les plus anciens datent du XIXe siècle !). Publication d’une étude monumentale accompagnée d’une anthologie, et d’un important cahier de photographies, par [bleu violet]Elias Petropoulos[/bleu violet]. Le corpus du rébétiko est sauvé.
[bleu violet]Zéïbékiko[/bleu violet] de Dionysis Savvopoulos, dans les années 1970. Chanté avec Sotiria Bellou. À la sortie du studio d’enregistrement, Savvopoulos dit fièrement : « J’ai enfin réussi à écrire un rébétiko. » Et Sotiria : « J’ai enfin réussi à chanter une chanson pop ! » Malentendu ? Pas sûr. Le rébétiko est un style, il s’adapte à la modernité.
Avec des avions et des bateaux
et avec les vieux amis
nous tournons dans les ténèbres
et toi, cependant, tu ne nous entends pas.
Tu ne nous entends pas qui chantons avec des voies électriques
dans les sorties de secours.
(…)
Mon père Batis est venu de Smyrne en 22
et il a vécu cinquante ans dans un taudis secret.
Dans ce pays tous ceux qui aiment
mangent du pain sale
leurs désirs suivent
des croisements souterrains.
Hier soir, j’ai vu un ami
qui rôdait à l’affût
sur une motocyclette
derrière lui couraient des chiens.
Debout, mon âme !
donne du courant,
mets le feu à tes vêtement
mets le feu à tes instruments.
Quel est cet esprit noir
notre terrible parole ?
Orientalisme et érotisme. La chanteuse de rébétiko par excellence, c’est Marika Ninou.
[bleu violet] Ena tragoudi ap’t’Algéri [/bleu violet]
(Une chanson d’Algérie), Kaldaras, 1948
Le navire appareille doucement
qui m’emmène au loin
vers la Barbarie…
Je désire de douces sirènes
et la danse magique des corps exotiques
caresser des cheveux noirs
embrasser les lèvres de miel
d’une douce minaudière
écouter un soir
une chanson d’Algérie
la chanson du chamelier
sur un air africain.
Hommage au voyou, au mangas, à un héros de la pègre. Tsitsanis raconte, à sa manière, un fait divers :
À Trikala, dans les deux ruelles
on a tué Sakaflias.
On lui a donné deux coups de couteau
et on l’a allongé par terre
Un gars de cette classe
(intraduisible : dervissiko, celui qui possède les qualités d’un derviche)
on est nombreux à le pleurer.
Olivier Goetz
Source : [bleu violet]Autour d’ici[/bleu violet]
27 décembre 2008.
Messages
1. Rébétiko, 14 août 2019, 08:45, par Yannis KARAKOS
Hé voilà ! ça fait deux ans que je prépare un texte sur le rébétiko, et je maintenant peux aller me rhabiller. Comment faire mieux que ce texte ? Merci de l’avoir partagé. Abrazos de Grèce.