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Lettre aux travailleurs et travailleuses du Syndicat mexicain des électriciens

novembre 2005, par SCI Marcos

Pour : Tous les membres de « l’Autre Campagne ».
De : Commission Sexta de l’EZLN.

Compañeras et Compañeros,

Nous vous saluons. Nous vous écrivons pour que vous preniez connaissance de la lettre d’invitation ci-jointe, adressée aux travailleurs et aux travailleuses du Syndicat mexicain des électriciens. Nous vous demandons, si vous acceptez de bien vouloir la signer, conjointement à l’EZLN et aux autres organisations (qui font aussi partie de « l’Autre Campagne ») qui y ont déjà souscrit, de nous faire parvenir votre nom pour l’inclure. Le délai limite est le 1er décembre 2005. Après cette date, nous enverrons cette lettre d’invitation aux compas du SME avec les signatures reçues.

Un salut à tous et à toutes.
Sup Marcos.

Novembre 2005.

À tous les travailleurs et toutes les travailleuses du Syndicat mexicain des électriciens.

Frères et sœurs,

Recevez le salut et le respect des organisations, groupes et individus signataires de cette lettre.

Avant toute chose, nous voulons vous faire savoir que nous saluons votre juste lutte et digne résistance face aux tentatives de privatisation du secteur de l’énergie électrique effectuées par les différentes couleurs du spectre politique institutionnel. Vous êtes sans doute le premier et le plus ferme rempart défensif de la souveraineté nationale en matière d’énergie.

Mais vous êtes aussi un exemple de solidarité et de soutien pour d’autres mouvements. Des communautés indigènes zapatistes aux grands et petits mouvements d’ouvriers, de paysans, d’enseignants et d’étudiants, tous et toutes nous avons vu et ressenti la présence du SME.

Comme on sait, au sein de la classe politique (y compris de la dénommée « gauche institutionnelle ») qui mal gouverne notre pays, la volonté claire ou souterraine existe, bien qu’avec différentes nuances, de livrer le patrimoine et la souveraineté nationaux au grand capital étranger. Une telle soumission à l’argent, qui se fait appeler « réforme structurelle », porte atteinte à l’un des derniers bastions de cette maison en ruines et commune à tous qu’est le Mexique : la souveraineté en matière d’énergie.

Cependant, non content de livrer le pétrole, le gaz, l’électricité, l’eau, les forêts et plus généralement la biodiversité, on tente maintenant aussi de transformer la Sécurité sociale en entreprise privée (même si l’on doit pour cela d’abord réussir à briser la résistance des travailleurs et de ceux qui les soutiennent). D’autre part, épaulé par les centrales patronales et par la corruption syndicale de la vieille et de la nouvelle école (comme celle qui vient de faire son entrée à l’UNT), on tente de modifier la loi fédérale mexicaine du travail.

L’enseignement public et gratuit, à l’égal du patrimoine culturel mexicain, sont attaqués de toutes parts dans le seul but d’obtenir leur privatisation. Les grands moyens de communication sont appâtés avec de juteuses concessions, tandis que la communication alternative est persécutée et que nos racines culturelles sont transformées en quincaillerie et remplacées par la pensée médiocre importée des États-Unis.

Il y a plus : les autorités, de toutes les couleurs de la politique faite d’en haut, approuvent des lois faites pour déposséder les peuples indiens, criminaliser les différences, privatiser la biodiversité et convertir notre pays en simple poste des douanes de la nouvelle frontière sud des États-Unis de Bush.

Là-bas en haut, tous s’accordent à dire que « Mexique » n’est que le nom d’une marchandise, dont ils se disputent la commission pour pouvoir la vendre. Entre chacun d’eux, les différences sont minimes : Fox et ses alliés insistent pour que ce soit « aujourd’hui, vite, vite », tandis que le PRI, le PRD et les autres groupements politiques institutionnels préfèrent attendre que soit passé le processus électoral, jusqu’à ce que l’on réaménage le budget et que l’on reprenne le contrôle sur le malaise social. La dénommée « gauche institutionnelle » ne constitue pas un choix réel pour éviter la destruction de notre patrie. Empêtrée comme elle l’est dans la « foire aux emplois » qu’est devenu le processus électoral, elle s’est contentée de n’être qu’une mauvaise nouvelle version du PRI-PAN et a abandonné tout autre engagement que le contrôle et la manipulation sociale, y compris des résistances.

Quant à nous, et contrairement à la tendance d’en haut, nous pensons que c’est le Syndicat mexicain des électriciens, les organisations politiques de gauche non institutionnelle, les organisations indigènes et des peuples indiens, les organisations sociales, les organisations non gouvernementales, les collectifs et groupes de différente sorte, ainsi que les personnes à titre individuel, qui luttent réellement pour freiner cette offensive capitaliste qui menace de détruire notre patrie, revêtue des habits néolibéraux et affichant diverses couleurs électorales.

Partie prenante de ce mouvement de résistance qui émerge aujourd’hui, des centaines d’organisations sociales et politiques, de groupes, de collectifs et d’individus de toute sorte ont décidé de s’organiser pour avancer dans la lutte anticapitaliste, en recherchant l’unité des gens d’en bas, par en bas et à gauche, et se sont rassemblés au sein de ce que nous avons appelé « l’Autre Campagne ».

Ce n’est pas pour rien que je vous raconte cela, car nous voudrions avec cette lettre vous inviter à adhérer vous aussi à « l’Autre Campagne », à égalité de condition, auprès de centaines d’organisations politiques, indigènes, sociales et non gouvernementales et de collectifs, de groupes, de familles et d’individus à titre personnel.

Avec cette invitation, nous vous invitons également à ne pas conclure avec ceux d’en haut des accords qui seraient imposés aux gens d’en bas, mais à s’engager à écouter la rébellion qui existe dans l’ensemble de ce pays et à l’organiser ; non pas à lancer des mouvements qui finissent sans que leurs participants aient compris ce qui s’est passé, mais à tenir compte d’eux ; non pas à aspirer à une portion de pouvoir, mais à marcher au rythme d’en bas ; non pas à croire que d’en haut une solution peut être apportée, mais à construire, d’en bas et par en bas, une alternative de gauche anticapitaliste au Mexique. Dans « l’Autre Campagne », les travailleurs et travailleuses du SME verront respecter leur autonomie et leur indépendance en tant qu’organisation, leurs procédés internes de prise de décision, leurs représentants légitimes et leurs exigences, de même qu’ils pourront compter sur la solidarité et le soutien des signataires de cette lettre dans leurs luttes.

Et nous les invitons parce que ceux et celles qui se sont rassemblés dans cette « Autre Campagne » se sont engagés, en outre, à une défense conjointe et coordonnée de la souveraineté nationale, en formant une opposition intransigeante contre les tentatives de privatisation de l’énergie électrique, du pétrole, du gaz, de l’eau et des ressources naturelles.

Nous, nous pensons que le Syndicat mexicain des électriciens a sa place dans tout cela. Non seulement parce qu’il a pris la tête de la défense de la souveraineté nationale et qu’il s’est opposé aux « réformes structurelles » d’en haut, mais aussi, et surtout, parce que vous êtes vous aussi engagés non seulement dans la résistance, mais aussi dans la construction, faite par et pour les travailleurs, d’une alternative au capitalisme.

Ici, dans « l’Autre Campagne », vous rencontrerez des personnes comme vous, avec les mêmes préoccupations, avec la même détermination, avec le même engagement et avec le même destin.

Au bout du compte, les signataires de cette lettre souhaitent vous inviter à participer à « l’Autre Campagne », une campagne qui se veut un lieu, en bas et à gauche, qui permettent de relier et d’organiser les luttes et les résistances contre le capitalisme au Mexique.

Nous formulons cette invitation aujourd’hui, tandis que résonne l’écho du 45e anniversaire de la nationalisation de l’industrie électrique et que pèsent sur elle les menaces d’en haut, pour vous dire aussi, et à notre façon, que vous n’êtes pas seuls, que nous ne sommes pas seuls.

La patrie est à nous !

Fraternellement.

Organisations, groupes, collectifs, familles,
individus signataires et Armée zapatiste de libération nationale.

Mexique, novembre 2005.

Traduit par Angel Caído.

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