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En route avec les sans-papiers

mercredi 30 septembre 2020, par Natalie

Paris, le 30 septembre 2020
Chères et chers,

Le 19 septembre, alors que des marcheurs et soutiens manifestaient à Montpellier, une autre manifestation partait de Marseille, marquant, elle aussi, le lancement de la marche nationale des sans-papiers.

Le cortège, épaulé par une antique camionnette Volkswagen prêtée par Solidaires, remonta durant plus de six heures la cité phocéenne, depuis la préfecture jusqu’aux extrêmes des quartiers Nord.

Un déjeuner, préparé par des Marseillaises et Marseillais, fut pris place de Strasbourg. Des habitants s’y joignirent, et Z., sans-papiers algérien passé là par hasard, décida de se joindre à la marche sans même prendre le temps d’aller chercher ses effets chez lui.

Le cortège reprit la route et, puisque l’une des trois revendications de la marche est la fermeture des centres de rétention administrative (CRA), halte fut faite devant le CRA du Canet. Qui sait si les détenus auront entendu les prises de parole et les tambours dans ce lieu aveugle bâti derrière de hauts murs jouxtant des immeubles d’habitations désolées ?

Foi de vieux organisateurs de manifs marseillaises, le trajet en lui-même était « historique ». Au gré de la route, depuis les barres en béton vétuste, les habitants, étonnés de voir passer pareil défilé sonore, lançaient des saluts aux balcons ou descendaient danser dans la rue.

En fin d’après-midi, un covoiturage amical déposa les marcheurs dans un quartier ripolinée selon le cahier des charges national en vigueur : rues piétonnes et enseignes identiques, propreté et sécurité de rigueur au pied d’immeubles bon ton… toute bienveillante qu’elle ait été, la ville d’Aix-en-Provence offrait un contraste saisissant.

Marseille

Une vingtaine de marcheurs — faisant principalement partie du Collectif des sans-papiers 75 et du CSP 13, plus quelques dits soutiens — ont dès lors passé des nuits sous tentes de triste mémoire pour certains, ils ont marché le long de routes nationales ou départementales, essuyé des orages, gouté aux délices de rencontres et de repas cuisinés par des habitants de fermes et villages vivant hors cahiers des charges, dans les interstices.

Après trois étapes (Aix, Lauris, Cavaillon), dans la cour du squat Rosmerta, à Avignon, ceux partis de Marseille furent rejoints par les marcheurs venant de Montpellier, puis tout ce petit monde se rendit à la gare d’où une grande manifestation remonta jusqu’à l’hôtel de ville, autrement dit au Palais des Papes, lequel se prit à résonner au son des tambours.

Lauris, Cavaillon, Avignon

Une journée de farniente dans un camping distant de huit kilomètres d’Avignon permit de tenir la première AG des plus de cinquante marcheurs à présent réunis.

Le lendemain, environ quarante personnes se lançaient, à 7 h 30, à l’assaut d’une étape de 55 kilomètres non prévue au départ, car Orange n’aillant su s’offrir comme ville d’accueil, force était de couvrir deux étapes en une seule. Après les tâches de remise au propre du camping, les treize personnes restantes partirent marcher vers une station de bus et furent dépassées, au quatrième kilomètre, par le camion logistique débordant de sacs à dos, tentes et duvets, tracts, banderoles, instruments de musique, énormes gamelles encore pleines de riz et de soupe, etc.

À nouveau des orages, des repas chaleureux, des tentes à monter à la nuit tombée, mais, le temps passant, s’ajoutèrent un mistral glaçant aux nuits frileuses et des plaies aux pieds. Des médecins, des infirmières, venues en renfort de Marseille, dispensaient au soir des soins banals en ces temps de mesures sanitaires, banals mais vitaux tant la question des capacités à marcher s’avère ici essentielle… Après trois étapes, R., sans-papiers venu rejoindre la marche qu’il avait croisée par hasard à Avignon, décida de s’en retourner, une vieille douleur au genou l’ayant rattrapé.

La route du sud de l’Ardèche, sa plaine longeant le Rhône, ne fut que succession de lignes à haute tension, de carrières, de centrales nucléaires, de villes et villages fantomatiques. Une nuit fut passée en tente au bord de la nationale, dans le domaine du château de Verchaüs, ancienne demeure de la famille Lafarge, un lieu lui aussi abandonné. Un collectif d’artiste en ayant fait son théâtre d’exposition, les œuvres d’art y étaient à l’abri, tandis que les marcheurs dînaient dehors par au mieux dix degrés. Mais, puisque rien ne saurait entamer leur bonne humeur, seul comptaient le repas et la musique concoctés par des sympathisants et musiciens des environs, et la danse qui réchauffe jusqu’à pas d’heure.

Au petit matin, à la fraîche, le petit déjeuner fut offert par la cantine La Parallèle, venue de Die, six personnes qui se sont démerdées pour louer un camion, pour faire de la récup auprès des paysans des environs, et vont cuisiner, du petit matin au soir, pendant plusieurs jours, des repas gastronomiques.

Valence fut l’occasion d’une nouvelle manifestation débordante de musique et d’énergie. Les marcheurs furent rejoints par de nombreux Valentinois et Valentinoises, et par un groupe de personnes avec enfants expulsées par décision préfectorale de leurs lieux d’hébergement. Tout ce monde convergea vers la place Missak-Manouchian, prévue pour clôturer la manifestation par des prises de parole, mais, à la grande surprise des organisateurs locaux, elle s’avéra trop exiguë pour contenir le nombre de manifestants présents.

☀☀☀

Ce samedi, le 3 octobre, les marches de Strasbourg, Rennes et Lille se mettront en route. De leur côté, les marcheurs partis de Grenoble le 29 septembre feront jonction avec ceux de Montpellier et de Marseille lors d’une manifestation à Lyon. Il y a quelques jours, les identitaires y sont sortis en force dans les rues. Rien ne sent bon par les temps qui courent, et toutes les occasions (politiques ou sanitaires) peuvent être saisies par les autorités pour mettre un frein à la marche des sans-papiers…

Mais, qu’à cela ne tienne, toute personne qui comme moi a fait une pause ailleurs, n’a dès lors qu’une envie, rejoindre les marcheurs au plus tôt. Car marcher dans les interstices, rencontrer chaque jour des personnes hébergeant et aidant des exilés, personnes qui se sont débrouillées pour recevoir au mieux un nombre un peu indéfini de marcheurs ; marcher, par-delà les tensions inévitables, constater qu’elles se lissent et s’apaisent sans qu’ils soient besoin de s’y appesantir, être de fait porté par l’intelligence incomparable de la débrouille et de la vie en groupe qu’ont les sans-papiers, et par leur bonne humeur, leur amitié, leur énergie constantes…

La marche des sans-papiers est un ovni politique, le seul, à l’heure actuelle, à braver le poids d’un quotidien plombé par un chaos devenu sanitaire.

Amitiés
Natalie

Pour rejoindre la marche des sans-papiers ici ou là :
Marche nationale des sans-papiers

Si vous en avez les moyens,
merci de l’aider financièrement, elle en a besoin :

le pot commun

Messages

  • Sur St Nazaire 44 BZH, l’UCIJ a fait un rassemblement pour protester contre l’expulsion de la mère et le fils AMOEF (le père et la fille n’ont pas été pris) le 29 09. 120p. Nous avons fait une collecte pour la marche 200.5€. Envoi sous peu. Lachez rien GG

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