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Les populations en résistance empêchent l’installation d’une mine
dans une province d’Argentine

mardi 31 janvier 2012, par Stella Calloni

Une rébellion populaire qui dure depuis les premiers jours de cette année a réussi à empêcher, pour l’instant, l’installation de la compagnie minière canadienne Osisko Mining Corporation, dans les montagnes de Famatina, région paradisiaque de la province de La Rioja, à plus de mille cent kilomètres au nord-est de la capitale.

Des centaines de motocyclistes venus de tout le pays ainsi que des représentants d’organisations sociales et humanitaires sont arrivés ces derniers jours en solidarité avec la population de Famatina, dont l’esprit de résistance a dépassé les limites locales pour atteindre d’autres provinces qui s’affrontent au même problème.

Par le moyen de piquetes, mobilisations et campements, les populations, qui se maintiennent en assemblée permanente, bloquent le passage des camions de l’entreprise Osisko qui tentent d’arriver dans les montagnes. Depuis le début de cette année et après une série de demandes et de tentatives de dialogue qui n’ont pas donné de résultats, quelque 6 500 habitants des fameux nevados (chaîne de montagnes enneigées) de Famatina sont passés à l’action, selon un modèle de résistance peu commun, contre la méga-entreprise minière qui affectera la vie de la région.

La région est aussi une réserve importante d’eau potable, et les paysages étaient déjà célèbres du temps de la conquête espagnole quand on considérait le lieu comme privilégié entre montagnes, plaines, collines et vallées d’eaux cristallines.

« Malheureusement, tant que nous aurons de l’or et de l’eau, nous allons devoir continuer à résister. Nous ne voulons pas que ce paradis soit détruit », dit un des dirigeants de la protestation. La majorité sont des femmes qui se sont affrontées à la police et aux autorités avec une détermination qui a fait l’admiration générale.

Cela fait plus de trois semaines qu’elles campent malgré l’inclémence de l’été dans un endroit qui se trouve à 1 800 mètres au-dessus du niveau de la mer. Le slogan du mouvement est : « On ne touche pas à Famatina. »

Les soutiennent aussi l’Union des assemblées citoyennes intégrée en plus par des organisations socio-environnementales de tout le pays, des organismes de droits de l’homme, la Fédération syndicale des professionnels de la santé et des personnalités comme Adolfo Pérez Esquivel, prix Nobel de la paix, et l’écrivain uruguayen Eduardo Galeano.

Le gouverneur de La Rioja, Luis Beder Herrera, qui est du coin, et qui avait promis d’empêcher l’entrée des entreprises minières, a fini par modifier la législation qui limitait l’activité d’extraction dans toute la province pour signer des accords qui avaient été rejetés en 2007.

Cette année, grâce à la détermination des assemblées, on est arrivé à freiner l’entreprise Barrick Gold, qui devait commencer l’extraction de l’or et du cuivre, en empêchant le passage de ses camions ; finalement cette compagnie a décidé d’abandonner le projet.

Maintenant les autorités provinciales ont envoyé les forces spéciales de sécurité car parmi les rebelles se trouvent les familles des policiers locaux. Rien n’a pu être fait face à l’appui des différents secteurs de la population et la possibilité de réprimer s’éloigne chaque fois un peu plus.

Le soulèvement de la population qui, jusqu’à maintenant, n’a pas permis le transport des minerais, a été possible parce que les habitants se relaient en permanence et par groupes familiaux qui font barrage. Tous les véhicules de l’entreprise Osisko ont été interceptés.

Tous se retrouvent sur les barrages depuis le curé Omar Quinteros jusqu’à l’intendant Ismaël Bordagaray et autres autorités municipales. L’autoconvocation du peuple est totale et les cloches de l’église avertissent de l’approche des camions.

Maintenant ils sont postés à Alto Carrizal où ils bloquent la route, ce qui est préoccupant car, en février 2010, il y a eu une répression à Andalgala, dans la province nord de Catamarca, dans des affrontements avec les entreprises minières étrangères qui ont laissé environ soixante blessés.

La mobilisation permanente s’est durcie quand les membres de l’assemblée ont trouvé un dossier où l’entreprise gardait une liste avec les noms et les coordonnées des militants et des dirigeants, et même leurs lieux de travail. C’était sans doute une « liste noire », ce qui a exacerbé la situation. Les mobilisations de soutien se sont étendues à tout le pays.

« Ce serait très injuste s’ils devaient prendre des mesures contre tout un peuple, contre des habitants qui ont réalisé d’innombrables recours sans que personne les ait résolus. Nous croyons que nous ne devons pas privilégier le capital financier contre la vie et le futur des peuples. Le monde a été témoin de ce qu’a laissé le passage des mines. J’espère qu’il y aura des réponses pour ce peuple qui nous donne un exemple de résistance juste », a dit Pérez Esquivel à La Jornada.

Stella Calloni
La Jornada du 24 janvier 2012

Traduit par Georges Lapierre.

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