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Le Monde libertaire

Le Rendez-vous de Vícam

jeudi 2 avril 2009, par Elan Noir

Joani Hocquenghem
Le Rendez-vous de Vícam
Rencontre de peuples indiens d’Amérique

Rue des Cascades
Paris, 2008
190 pages

À l’initiative du Congrès national indigène du Mexique et des zapatistes, plusieurs milliers de représentants de plus de soixante peuples originaires du continent américain se sont retrouvés en octobre 2007 à Vícam, petit bourg du peuple yaqui, dans l’État de Sonora, au nord du Mexique. Joani Hocquenghem, reçu dans l’émission « Terre et Liberté » de Radio libertaire, vit au Mexique depuis 1975 et a assisté à cette rencontre dont il se fait l’écho dans un livre passionnant, Le Rendez-vous de Vícam.

Résistances indiennes, répression des États

Un mode de vie que l’on croyait disparu à tout jamais refait surface ; des peuples du « Nouveau Monde » se retrouvent sur le sentier de la guerre. Cette rencontre a inquiété le pouvoir au Mexique, mais est passée inaperçue dans le reste du monde. Les peuples originaires se relèvent pour défier leur ennemi qui est aussi le nôtre : « Nous sommes ensemble pour unir nos forces en un seul cœur, pour construire un nouveau projet de vie pour l’humanité contre les projets de mort et de destruction des programmes néolibéraux capitalistes. »

Devant cette réalité, certains se contentent d’espérer un peu moins de capitalisme ou un peu plus d’État. Mais l’enjeu de notre époque est de fédérer les luttes où un peuple, une société, une culture, une collectivité refusent de disparaître, ce qui implique une solidarité entre les mouvements et les cultures, un réseau horizontal, une reconnaissance mutuelle. Même si les initiatives durent depuis plus de cinq cents ans, c’est récemment au Mexique qu’elles ont acquis un écho, au Chiapas, à Atenco, à Oaxaca. Elles encouragent de nombreux autres peuples à affronter les multinationales. Cela n’échappe pas aux décideurs états-uniens qui, dans le rapport Tendances globales 2020, citent les résistances indigènes comme le principal danger : « Au début du XXIe siècle existent des groupes indigènes radicaux qui, en 2020, pourront croître d’une manière exponentielle... Ces groupes pourront établir des relations avec des groupes terroristes internationaux et des groupes antiglobalisation qui questionneront les politiques économiques des leaderships d’origine européenne. » Cela explique la férocité avec laquelle la répression des États s’abat sur ces résistances, évoquée par beaucoup à Vícam.

Paroles indiennes, paroles de liberté

Écoutons Rosalyn, Chicana d’Arizona : « Aujourd’hui les peuples de Hawaii brûlent les bulles papales, qui sont les permis qui furent donnés aux premiers Espagnols et chrétiens de venir de ce côté du monde envahir et chasser les gens de leur territoire légalement et avec la bénédiction de Dieu » ; Victor Morocho, Quechua d’Équateur : « En nous appelant indiens, ils nous agressaient, avec ce mot d’indien ils nous ont humiliés, ils nous ont colonisés. Maintenant quand on me traite d’indien, je me sens rehaussé » ; Filo, Nahua de Huitziltepec : « De même qu’il est nécessaire de dire ¡ya basta ! à la domination politique, nous croyons que l’heure est venue de dire aussi ¡basta ! à la domination religieuse. Nous disons que nous voulons être libres d’aimer et respecter la forêt, la jungle, la montagne, la rivière, les animaux et nos semblables. C’est le seul moyen de pouvoir sauver cette planète » ; un Zapotèque d’Oaxaca : « Cette lutte, on ne pourra pas la mener seuls, il nous faut nous appuyer sur tous, pas seulement ceux qui sont d’une culture indienne, tous ceux qui veulent un monde meilleur, qui veulent respecter notre mère terre et le mode de vie communautaire de nos peuples » ; un membre d’une communauté de la montagne du Michoacán : « Nous sommes un peuple en résistance. Nous n’acceptons pas que le gouvernement nous dise comment vivre. C’est pourquoi nous exerçons notre autonomie au moyen des assemblées communales : ça, c’est la démocratie, pas celle des partis électoraux ou des politiciens. C’est une guerre à mort : ou le capitalisme meurt, ou nous mourons, nous les indigènes. »

Un livre à lire absolument pour ne pas manquer le rendez-vous de Vícam : « Pour nous, peuples originaires, le système capitaliste est totalement contraire à nos principes. Le capitalisme promeut l’individualisme, alors que nous préservons en communauté les ressources de la terre, de la nature qui nous nourrit. La guerre de conquête capitaliste continue. Avant, ce fut par les armes et une foi confessionnelle catholique imposée. Nous voyons avec tristesse que les partis politiques, à chaque campagne électorale appellent à participer, à leur donner des votes. Les partis politiques divisent nos familles, c’est pour ça que nous disons que les partis sont une plaie, une malédiction. Nous proposons de nommer nos autorités sans l’intervention des partis politiques, l’assemblée communautaire étant l’autorité suprême. Nous tous, peuples indiens et non indiens, avons une chose en commun, un ennemi puissant qui est le capital. Cette guerre capitaliste nous affecte tous, tous les pauvres, pas seulement les peuples indiens. »

Élan Noir
Le Monde libertaire, n° 1545
26 février au 4 mars 2009.

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