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Lettre de la Commune autonome Flores Magón à la CGT espagnole

septembre 2000, par EZLN

Cette lettre de la Commune Ricardo Flores Magón à la CGT espagnole, avec laquelle elle est jumelée, est exemplaire. Elle offre un remarquable document, toujours actuel, sur les communes autonomes et sur la guerre silencieuse et implacable qu’elles subissent.

19 novembre 1999. Chiapas, Mexique.

À nos frères et sœurs de la Confédération générale du travail (CGT)

Sœurs et frères de la CGT d’Espagne, nous voulons vous envoyer le plus fort salut de dignité et de lutte qui puisse sortir de nos cœurs révolutionnaires et autonomes. Nous saluons à nouveau, avec joie, votre présence dans notre territoire et dans nos communautés indigènes en résistance parce que, avec vous, il sera possible de construire un monde où nous serons tous. Un monde où nous pourrons tous nous regarder, nous parler et nous entendre comme des frères, en égalité et avec du respect. Un monde où nous pourrons tous mener une vie digne. Et nous voici heureux, parce que vous faites déjà partie de notre lutte et vous nous avez beaucoup aidés à continuer pour aller de l’avant.

Sœurs et frères, nous, vos communautés sœurs de la Commune autonome Ricardo Flores Magón, nous voulons vous envoyer un salut spécial avec nos vraies paroles et nos vrais cœurs, avec notre raison et notre volonté pour défendre, pour travailler et lutter pour le droit historique et social à l’autonomie des peuples indigènes. Nous voulons vous expliquer pourquoi nous cherchons, là-bas, une vie digne pour toutes et tous, nous qui vivons dans nos communautés, villages et rancherias. Mais, aussi, vous expliquer brièvement les problèmes que nous crée la guerre silencieuse. Problèmes pour aller de l’avant avec la commune et avec l’engagement que nous avions pris avec vous.

C’est ainsi que nous vous envoyons quelques mots pour vous expliquer notre travail et notre structure municipale.

Notre communauté paysanne et indigène est une forme de vie et de culture. Ainsi, la communauté est quelque chose d’original qui trouve tout son sens lorsque les familles s’unissent pour garantir leur reproduction, leur bien-être et leur dignité. Pour y arriver, elles forment cette communauté. Communauté qui obtient un sens commun et se conduit tel un cœur unique pour assurer une vie digne à toutes ses familles. Nous nous articulons, nous vivons, nous travaillons et nous construisons dans nos villages, de façon communautaire. Pour tout ce qui touche à l’intérêt public, les décisions sont prises dans des assemblées communautaires qui cherchent en priorité l’accord pour le bénéfice de tous. L’objectif est que tout le monde soit content et participe. Que les gens se parlent, qu’ils donnent leur opinion, qu’ils cherchent des solutions. S’il arrive que certains ne soient pas d’accord, nous continuons à chercher le consensus jusqu’à ce que la solution soit trouvée. Si cela s’avère impossible, la meilleure solution est cherchée, celle qui ne provoque pas de divisions. Ainsi nous mettons en place des systèmes de coopération, d’aide mutuelle et de redistribution de la richesse. Nos besoins deviennent communautaires. En communauté, nous faisons la culture et nous rendons des services solidaires réguliers. C’est de l’assemblée qu’émanent et les autorités de chaque communauté et les comités, eux ne peuvent qu’ordonner et chercher à faire respecter les accords et projets déjà adoptés. Ils n’ont pas l’autorité pour décider tout seuls ce qui doit être fait. Ils doivent faire seulement ce que le peuple veut qu’il soit fait.

Le cœur de se sentir et de nous sentir en communauté, de construire ce qui nous est commun, est le fondement sur lequel nous construisons et nous donnons du sens à notre municipio autonomo (commune autonome), tout en respectant notre culture, nos rêves et nos traditions. Pour la commune, chaque communauté, chaque hameau, chaque rancheria, est comme la famille, où chaque communauté n’a de cœur ni de sens que par rapport aux autres communautés et aux travaux réalisés ensemble. Ainsi, les ejidos (territoires communaux) ne sont plus qu’un grand territoire commun. Ils sont ensemble et liés, faisant partie d’une communauté plus large. Leurs terres, leurs eaux, leurs chemins sont déjà plus grands. Ils sont autonomes, dignes et rebelles.

C’est bien de construire notre autonomie et de réaliser les besoins et rêves communs de nos communautés, villages et rancherias tout en respectant ce que nous sommes. C’est une lourde et grande tâche. C’est pour cela que nous avons créé le consejo autonomo (conseil autonome). Il concentre les différentes autorités nommées par les hommes, femmes, enfants et anciens, bases d’appui de l’EZLN et des membres des organisations indépendantes de chaque communauté qui, de façon volontaire, ont décidé de le soutenir. Après que notre commune s’est fait connaître nous avons continué à travailler. Ainsi sont nés le consejo de salud (conseil de la santé), chargé du bien-être du peuple dans ce domaine, et la comision agraria (commission agraire), chargée de protéger et de surveiller notre territoire autonome et rebelle. Ensemble, avec notre peuple, ils donnent vie et cœur à notre Municipio autonomo en rebeldia (Commune autonome en rébellion) Ricardo Flores Magón. Les autorités municipales sont chargées de faire respecter les accords, chercher les ressources, couvrir les besoins et proposer des projets pour le bien commun tout en consultant, en respectant et en s’appuyant sur les communautés et leur volonté, leurs nécessités et leurs potentialités, cherchant ainsi l’articulation et le travail d’ensemble pour conformer un peuple avec l’autonomie et la dignité.

Pour passer des accords entre les différentes communautés a été créée l’asamblea regional (assemblée régionale), qui est constituée par les autorités élues par chaque communauté selon ses coutumes et besoins. Il s’agit des agentes autonomos (agents autonomes). Comme nous l’avons déjà dit, ces autorités portent le sentiment et l’accord de leurs communautés. Elles cherchent l’accord entre elles, de la même façon que le fait l’asamblea comunitaria (assemblée communautaire). Elles ne soutiennent pas une position personnelle, mais elles apportent leur expérience et leur travail. De l’assemblée régionale sortent les accords, les besoins et les projets municipaux qui sont renvoyés aux communautés pour une dernière révision. Si elles sont mécontentes, il y aura une nouvelle discussion jusqu’à parvenir au bon accord. Le conseil autonome, donc, fera respecter ces accords régionaux et cherchera la coordination communautaire afin de remplir sa fonction commune.

Dans la commune, comme dans les communautés, les autorités et les commissions ne perçoivent pas de salaire ou de compensation pour leur travail. Elles le font pour le bien de tous, parce qu’elles savent que demain d’autres veilleront et travailleront avec elles pour suivre cette même volonté et engagement commun. Vis-à-vis de la commune et du conseil autonome, chaque communauté a, aussi, la même autonomie pour résoudre ses propres problèmes, pour générer ses propres travaux et passer ses propres accords, à condition de respecter la volonté régionale. La commune a la mission d’appuyer et d’agrandir cet effort de chaque communauté afin de le lui rendre plus facile, de dépasser les limitations qui surgissent à cause de l’action isolée d’un seul village. Elle est là pour chercher à résoudre ce que la communauté toute seule ne peut pas faire, à l’image de ce que la famille ne peut pas faire sans la communauté.

L’une des tâches qui nous occupent le plus en ce moment, et que le conseil essaie d’accomplir, est la coordination entre toutes les communautés afin de résoudre les conflits et problèmes entre les unes et les autres. Par exemple, des problèmes de terres entre les ejidos. Ils sont nombreux à cause de la mauvaise répartition des terres due au gouvernement, qui, dans pas mal de cas, a donné les mêmes terres à différents ejidos, afin de nous diviser. Dans ce but, a été créée la commission agraire, chargée de résoudre ces problèmes des terres mais aussi de distribuer celles récupérées grâce à nos luttes contre les finqueros et propriétaires fonciers pour qu’elles soient ainsi travaillées aujourd’hui par les communautés indigènes paysannes. L’autre grande responsabilité de la commission agraire est de surveiller et défendre notre territoire, comme élément indispensable pour construire notre autonomie indigène, pour protéger nos ressources naturelles contre l’exploitation et le pillage afin que leurs richesses profitent à tous. Elle veille sur les problèmes des forêts et de la contamination des eaux de nos rivières et lacs, surveillant aussi les lieux qui sont importants pour le développement de notre culture et de notre tradition. Tout cela, en respectant et suivant le mandat des peuples et les lois qui sont en train de se créer dans les assemblées régionales.

Le conseil de la santé a commencé ses travaux depuis le 10 avril 1998. Il est chargé de s’occuper des problèmes de santé dans nos communautés. Comme vous savez, c’est l’un des problèmes qui nous affectent le plus. Le conseil de la santé a travaillé principalement à la formation des promotores comunitarios (promoteurs communautaires). Ceux-ci, en plus de porter leur attention aux malades avec le peu de ressources disponibles, devront faire prendre conscience et créer des conditions de salubrité et d’hygiène dans nos communautés, de la prévention en somme. Avec de modestes moyens, des petites cliniques ont été installées dans les communautés afin que les promotores trouvent un espace pour développer leur travail et un endroit où la communauté puisse réfléchir sur sa santé et sur les choses qui peuvent être améliorées avec ses propres ressources. Cela a été un des domaines comportant les plus grands problèmes puisque, comme vous savez, beaucoup de ressources sont nécessaires. Ressources que nous n’avons pas et qui sont très difficiles à trouver à l’extérieur. Il exige beaucoup de monde et de l’attention permanente. Pourtant, et même si on ne voit pas beaucoup d’avancées, c’est l’un des espaces où on a travaillé le plus. Il a une bonne organisation et les promoteurs communautaires ont beaucoup mis du leur.

Le conseil autonome appuie et se coordonne avec ces commissions. Il a, en plus, la mission de détecter et de résoudre les problèmes qui affligent davantage les peuples. Sans faire de favoritisme, il doit répondre d’abord aux besoins des communautés les moins favorisées comme, par exemple, celles qui ne bénéficient pas de l’eau courante ou constante. Il doit, ainsi, continuer à chercher et créer d’autres conseils et commissions qui devront prendre en charge les problèmes et les besoins du peuple comme l’éducation, la production, la culture et tout ce qui sera nécessaire pour arriver à construire et notre autonomie en tant que peuple indigène et une vie digne pour ses membres.

Nous savons très bien que ce n’est que le commencement. Nous avons plein de problèmes et il y a pas mal de choses qui ne sont pas accomplies à cause et de la guerre et des problèmes internes. Mais le premier battement de notre cœur, même si on est loin encore de notre rêve, c’est d’avoir la volonté et le cœur ferme qui s’agrandit parce que c’est le cœur de plusieurs et qu’il veut continuer à travailler et lutter. C’est pour cela que nous sommes mouvement, lutte, conflit. Nous sommes la sourde vérité de notre réalité. Nous sommes une chaleur locale qui se lève nationale. Nous sommes l’image pas commode de la patrie. Nous sommes, ensemble avec vous, l’espoir de création de ce monde-là où nous pourrions tous entrer.

C’est avec ce cœur et cette volonté que nous avons mis debout et construit notre Commune autonome en rébellion Ricardo Flores Magón. C’est cela sa raison d’être. Son esprit s’achemine à commander en obéissant à la volonté et aux accords entre les peuples, au renforcement de sa culture, de son travail et du sentiment communautaire.

Comme vous savez, le mauvais gouvernement fit que cette Commune naisse sous l’empire de la répression et de la violence depuis le 10 avril 1998, date à laquelle se levèrent le cœur et la volonté de nos peuples pour faire devenir réalité notre rêve et notre espoir d’autonomie avec l’inauguration, à Taniperla, de cette Commune autonome et rebelle Ricardo Flores Magón. Vous savez aussi, qu’à l’époque, les Communes autonomes Tierra y Libertad, San Juan de la Libertad et le Municipio no constitucional (commune non constitutionnelle) Nicolas Ruiz, commandés dignement par les comuneros de la région, ont été victimes de destructions, persécutions, emprisonnements et meurtres.

La violence contre nous s’est intensifiée aujourd’hui sous les masques de la « remunicipalisation », de la loi de désarmement et d’amnistie, du projet de reforestation. Tout cela, sous prétexte de faire parvenir des appuis institutionnels, pour accroître l’infrastructure d’un faux progrès et pour préserver le fameux et faux état de droit qui doit régner dans l’État. Mais cet appareil d’apparente réponse du gouvernement à nos demandes ne fait que cacher le mensonge du gouvernement qui dit vouloir la paix et fait la guerre ; parce que, en réalité, ce ne sont que des couvertures pour organiser des groupes de choc antizapatistes, pour planifier de fausses désertions des zapatistes, pour mobiliser certains noyaux « priistes » [1] qui fabriquent des accusations contre les bases d’appui zapatiste de la commune. Ces accusations servent de prétexte pour nous emprisonner et justifier l’entrée de policiers judiciales, de militaires et de la police de seguridad publica dans les communautés.

Nous réalisons que le vrai visage de ces opérations et projets, c’est de cacher la guerre, de resserrer davantage le siège militaire, de rendre impossibles notre organisation et notre dialogue avec la société entière, de continuer à renforcer et créer des groupes paramilitaires pour diviser et harceler les communautés rebelles et en résistance, de déplacer des communautés vers des refuges stratégiques. Ils espèrent ainsi affaiblir matériellement et moralement ce mouvement, cette volonté, cette dignité qui ne meurt pas, qui ne se vend pas, qui ne se laisse pas arrêter. C’est à cause de cela qu’aujourd’hui la plupart de nos communautés, villages et rancherias souffrent de la faim, des pertes matérielles, de la prison, de l’oubli, de la persécution, de la militarisation et de la violence, de se voir divisés et agressés par les paramilitaires. Aujourd’hui, les armées fustigent par leur présence, par leurs armes et leurs mouvements. Elles ont amené des prostituées. Elles parviennent à coucher avec les femmes indigènes, pour la plupart des mineures, par la ruse ou en les violant. Elles ont aussi importé et permis à nouveau la vente et la consommation d’alcool, vice qu’avec tant de mal nous avions pu extirper de la communauté. Elles ont pris et envahi, depuis la trahison du 9 février 1995, les installations et terrains de l’ejido sans l’autorisation des ejidatarios auxquels ils appartiennent. En 1998, ils se sont approprié encore plus de terrains afin de s’installer, menacer nos gens dignes et entraîner des groupes paramilitaires.

Mais, ce que le mauvais gouvernement n’a pas compris en 1994 et qu’il continue à ne pas comprendre, c’est que nous, les plus petits et les plus oubliés, ceux qui sont toujours exclus, les indigènes tzeltales et choles de ce territoire rebelle, nous aussi nous avons de la dignité, nous aussi nous savons lutter et construire. Parce que, qu’ils le veuillent ou non, nous avons su construire et défendre notre autonomie, notre commune et nous continuerons à lutter pour une vie avec de la dignité, pour une paix juste, pour la démocratie, la justice et la liberté pour tous.

C’est ainsi, sœurs et frères, que les choses se passent pour nous en ce moment. Nous ne pouvons pas sortir pour aller travailler. Les femmes et les enfants ont peur de sortir de leurs maisons. Nos hommes vont à la milpa (champ de maïs) avec le danger de se retrouver le lendemain en prison ou tabassés ou pire encore. Notre pain quotidien et nos humbles biens sont en danger permanent. Ils veulent, par n’importe quel moyen, nous enlever nos terres. Ces terres où nous trouvons notre vie. Enfin, notre cœur est triste, notre temps est obscurci par le mensonge et par la menace du soldat et du paramilitaire. Et tout cela, parce que nous voulons rester dignes et lutter contre un état de choses injuste qui nous opprime, qui nous exploite et qui nous condamne à la mort et à l’oubli.

C’est pour cela que nous continuons et que nous continuerons à travailler avec de la dignité et de la vraie volonté. Même si nous sommes persécutés et que nous devons rester cachés. Même si nous sommes menacés et sans appui. Nous continuerons à résister plus dur qu’avant. Nous continuerons à fortifier et accroître l’organisation et les accords de la commune pour augmenter sa force, pour réussir nos rêves et une vie digne pour tous ses membres. Nous continuerons nos discussions pour mieux appuyer et développer les capacités des autorités, des promoteurs et des sages-femmes de chaque communauté. Nous continuerons l’élaboration de projets qui seront bénéfiques aux communautés. Nous continuerons à chercher la meilleure manière de nous organiser en tant que peuple et municipalité en revalorisant nos systèmes juridiques et en élaborant nos réglementations internes, en surveillant le problème de l’éducation et de la communication, en faisant nos recensements. Nous continuerons, donc, à défendre et à exercer nos droits en tant que peuple indigène. Droits qui sont contenus dans les Accords de San Andrés Sacamch’en de los Pobres et qui renforcent notre acheminement vers l’autonomie et la construction de notre propre futur. Cependant, nous savons qu’il reste devant nous un long et interminable chemin que nous devons parcourir ensemble. Un chemin de travail, sacrifice, lutte et résistance. C’est ce chemin à parcourir ensemble que le mauvais gouvernement essaie d’arrêter.

Nos communes autonomes constituent l’espoir d’un futur digne pour tous. Un futur fondé sur l’appartenance volontaire et sur le respect des différences, voire des dissidences. Leur force repose sur le cœur digne de ceux qui le désirent : nous, une majorité de femmes, d’enfants, d’anciens, de jeunes et d’hommes de plus de cent dix communautés. Leur force repose sur la dignité de ceux qui luttent pour s’améliorer sans demander la permission et sans dépendre de la volonté d’autrui. Leurs espoirs et possibilités reposent sur notre histoire commune, sur notre langue, sur nos coutumes, sur nos connaissances ancestrales, sur le travail quotidien et communautaire et sur le désir de créer un Mexique et un monde dont nous ne soyons pas exclus. Notre autonomie et vraie volonté, notre dignité, sont dans chaque milpa et chaque pâturage, dans chaque rivière et chaque chemin forestier, dans chaque maison et chaque communauté de ceux qui, comme nous, possèdent le cœur véritable et, comme nous, respectent le frère différent et exigent d’être respectés. C’est pour cela que nous pouvons continuer malgré tout. Malgré la guerre, la persécution, l’emprisonnement et la mort. C’est pour cela que nous pouvons résister. Résister à la faim et au fait de devoir se réfugier, résister à la répression et à la destruction, au mensonge et à la tromperie. C’est pour cela que nous pouvons continuer à être dans la communauté ou dans la montagne, dans la souffrance ou dans la joie de chacun de nos camarades.

Nous devons reconnaître, aussi, que sans l’effort et la dignité de nos compagnes tout cela n’aurait pas été possible et ne pourra pas continuer à l’être. Ce sont elles qui ont le plus résisté. Ce sont elles qui ont pris soin des communautés et des familles quand les compagnons ont dû se réfugier à cause des persécutions. Ce sont elles qui supportent toutes les charges quand l’un des compagnons est injustement emprisonné. Elles servent d’appui pour que les autorités puissent sortir faire leurs travaux. Elles maintiennent vivantes la tradition et la culture. Elles ne s’arrêtent pas, ne se vendent pas, ne se rendent pas, même menacées de viol. Même si elles sont harcelées pour les obliger à signer des documents en faveur du mauvais gouvernement. Même quand elles réalisent qu’il n’y a rien à manger, elles ne vont pas cueillir les miettes que donne le gouvernement. Ce sont elles, donc, qui nous donnent du courage et de l’appui dans notre lutte. Mais, nous devons reconnaître que nous devons travailler davantage pour que leurs droits soient mieux respectés encore au sein des communautés et des familles, pour qu’elles aient plus de participation et de représentation, pour qu’elles participent activement en tant qu’autorités communales et municipales, pour qu’elles puissent avoir de la terre et plein d’autres choses qui assurent leur vie dans l’égalité et la dignité. Cela doit être un travail soigneux mais ferme, parce que nous trouvons beaucoup de résistance et il faut le faire en respectant le peuple, en cherchant les meilleurs accords et en essayant qu’il y ait le moins de problèmes possible.

Cependant, nous devons reconnaître aussi que l’attaque contre la commune, qui naissait pour commencer le travail ouvert dans des aspects tels que la culture, l’éducation, la santé et autres, qui requiert du travail ouvert aux communautés et l’appui de frères tels que vous, nous a frappés de façon définitive. La prise militaire et policière, qui continue ; la destruction des installations et de l’espace commun pour réaliser ledit travail ; l’incursion permanente de l’armée et de la police dans d’autres zones de la commune et le siège militaire grandissant dans la zone de conflit continuent et continueront d’empêcher grandement ce type de travail. La commune n’a jamais pu, parce que débutant, déplier la structure nécessaire à ces travaux. Nous avons été contraints de nous replier encore dans la clandestinité, déjà sans centre commun de travail, sans un endroit où pouvoir recevoir, discuter et chercher de l’appui. Cela a conduit, entre autres choses, à la dispersion des autorités municipales et à la presque impossibilité des réunions entre celles-ci et l’assemblée régionale. Elles sont persécutées et, chaque jour, il devient plus difficile de se déplacer. Tout cela a empêché de faire parvenir à tous l’information relative au jumelage (hermanamiento), le fait d’arriver à un large accord pour établir des échanges comme en avait été convenu le principe.

La guerre de basse intensité, qui grandit chaque jour, nous a conduits à concentrer nos efforts afin de lui résister, afin de résoudre les problèmes et l’usure que cela produit dans les communautés en plus des autres difficultés qui surgissent de manière quotidienne. Cela nous a obligés à perdre de vue, par moments, les travaux et l’attention que vous méritez. Que vous méritez parce que, entre autres choses, l’appui que vous nous avez envoyé a servi, en grande partie, à mieux résister à cette situation et pour appuyer un peu ce qui a été l’organisation de la Consulta nacional du 21 mars (consultation nationale). Nous pouvons dire, surtout, que nous n’avons pas mis assez de cœur pour vous recevoir, mais nous sommes dans le processus de s’attaquer à plein de problèmes que nous ne sommes pas encore parvenus à résoudre malgré le grand besoin qu’en ressentent les peuples.

Quant aux renseignements sur les problèmes avec l’armée, nous vous demandons votre compréhension. La commune a beaucoup travaillé sur cela, même en donnant des conférences de presse. Cette diffusion de l’information se fait à travers le réseau d’information d’Enlace civil (Liaison civile) que, comme nous savons, vous recevez. Nous voudrions vous l’envoyer directement, mais cela nous est très difficile. Déjà, le fait de faire bouger cette information comporte beaucoup de problèmes et demande beaucoup de ressources. Ainsi, il faut que vous sachiez que, quand vous recevez l’information à travers le réseau, dans nos cœurs nous sommes conscients que cela vous parvient et de notre cœur sort aussi une dédicace spéciale pour la CGT, même si elle n’est pas explicite. Sur d’autres types d’information telle que celle-là nous allons nous employer de notre mieux pour vous l’envoyer.

Que cette réunion que vous avez avec le conseil serve pour faire aboutir des accords afin de travailler davantage ensemble, comme des frères donc. Que s’établissent des accords pour travailler ensemble en regardant au cœur des problèmes auxquels nous sommes confrontés mais en partageant ceux auxquels vous êtes vous-mêmes confrontés. Pour que de tout cela sorte quelque chose, peu ou beaucoup, qui nous permette de travailler au jumelage. Mais que ce soit quelque chose qui réellement puisse se faire, malgré tous les problèmes.

Bon, déjà au moment de se dire au revoir, nous voulons vous dire de ne pas nous oublier. De continuer votre lutte de l’avant. Continuez à organiser vos gens pour créer une société plus juste, une société pour tous. Continuons à travailler ensemble, rappelez-vous que, même si nous faisons parfois des erreurs et que nous avons plein de problèmes, vous êtes toujours dans nos cœurs, nous nous souvenons de vous et notre désir est de continuer à compter avec votre appui.

Nous vous annonçons que nous avons toujours l’intention de reconstruire les installations de la commune. De réaliser à nouveau ce travail ouvert qui nous permette d’avancer dans l’éducation, dans la santé et dans tout ce qui puisse servir le peuple et son autonomie. Nous savons que ce n’est encore qu’un rêve et que nous devons le faire cette fois-ci sans demander la permission du gouvernement comme nous l’avons fait le 10 avril. Sans recevoir ses miettes. Sans nous laisser vaincre par la militarisation et par les paramilitaires. C’est un rêve que nous allons réaliser ensemble à côté de frères comme vous. Des frères qui se regardent le cœur en égalité.

Espérons que celle-ci ne soit pas notre dernière rencontre. Qu’il y en ait plusieurs autres pour échanger nos idées et nos opinions, pour faire plus grand notre travail commun. Nous vous disons : après cette rencontre, emportez chez vous le message et le salut de notre peuple pour tous ceux qui nous ont apporté de l’aide à travers vous. Parce que, ensemble, nous continuerons à construire et faire réalité cette révolution, l’autonomie, la vie digne. Pour cela :

Liberté, justice et démocratie !

Pour la CGT, de la part du conseil autonome en rébellion,
Municipio autonomo en rebeldia Ricardo Flores Magon,
Consejo autonomo, Chiapas, Mexique.

Traduit en septembre 2000
par Michelle et Julio.

Notes

[1Note des traducteurs : priistes, partisans du PRI - Parti révolutionnaire institutionnel - parti au pouvoir durant plus de soixante-dix ans.

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