Menaces à Pedro Martínez et à sa famille, de la Coordination des peuples unis de la vallée d’Ocotlán, à cause de sa participation à la lutte contre la mine de San José del Progreso ; agressions à main armée contre Celestino Bartolo Terán et menaces à sa fille Sara Bartolo, dans l’isthme de Tehuantepec, à cause de sa participation à la lutte contre les entreprises de construction d’éoliennes ; exécution de Félix Martínez Santiago, un des leaders de l’Organisation des peuples indigènes zapotèques (OPIZ), ce 15 mai dans la communauté de Tierra Blanca, San Vicente Loxicha, tous dans l’État d’Oaxaca ; menaces de mort à l’avocate Estela Angeles Mondragón pour avoir défendu des communautés rarámuris face à l’invasion de leurs terres par des éleveurs de bétail, dans l’État de Chihuahua ; disparition de Teodulfo Torres Soriano, El Tio, depuis le 24 mars, dans le District fédéral ; ce sont là des faits qui dessinent une partie de la géographie de la répression dans ce Mexique. Ce ne sont pas les seuls [1], mais ils montrent qu’il ne s’agit pas d’un phénomène isolé, mais d’une réponse systématique à la résistance des peuples face à l’accaparement de leur terre ou à l’imposition de projets et qui s’étend sur tout le territoire mexicain.
La résistance aussi peut être vue dans bien d’autres endroits et sous une forme très différente. La lutte cyclique des Cucapá, en Basse-Californie, face à la détermination des autorités à les empêcher de pêcher, après leur avoir enlevé leur activité de chasseurs et d’agriculteurs ; les Rarámuris défendant leurs territoires de l’invasion des éleveurs de bétail et des entreprises de déboisement ; des peuples, dans plusieurs États de la République, s’opposant aux mines, aux entreprises de construction d’éoliennes pour la création d’« énergie propre », cela à l’initiative de consortiums privés et pour le bénéfice des entreprises transnationales ; des peuples comme celui de Temacapulin [2] dans l’État de Jalisco ; La Parota [3] dans l’État du Guerrero ; les Cora et les Wixaritari de Nayarit, et les Mixtèques et les Chatino d’Oaxaca se battant contre la construction de barrages ; les paysans de Huexca, dans le Morelos, s’opposant à la construction d’une thermoélectrique et d’un gazoduc [4] ; les peuples yaquis, dans l’État de Sonora, bataillant contre la construction du gazoduc Indépendance [5] ; paysans et indigènes s’opposant aux semences transgéniques, leur sécurité alimentaire de demain dépendant des semences natives et de la pratique d’une culture qu’ils ont développée autour d’elles. Ce sont des luttes très diverses mais elles ont beaucoup de points communs : tous se battent contre l’expropriation et contre les entreprises transnationales.
Les formes de lutte sont multiples. Normalement, elles se structurent en mélangeant plusieurs méthodes, qui dépendent de la capacité d’organisation des collectifs en lutte ainsi que de leur aptitude à établir des réseaux leur apportant un appui. Ainsi nous trouvons depuis les typiques actions de dénonciations publiques, manifestations et occupations d’édifices publics, en passant par des actions en justice de diverses sortes, jusqu’à l’action directe pour défendre leurs biens, comme ce qui s’est passé dans la municipalité de Zautla, dans la Sierra Norte de Puebla ; l’ejido Benito Juarez, dans l’État de Chihuahua, et à Teitipac , dans l’Oaxaca ; ou encore à renforcer leur identité dans leur relation au territoire, comme les Zapotèques de Capulalpan, dans l’Oaxaca, ou les Wixaritari, à San Luis Potosí. Les résultats aussi sont divers, bien que, dans tous les cas, il s’agisse de résultats partiels, on note que ceux-ci dépendent plus de la force des mobilisations que de la justesse de leur cause. Il existe des cas où il a été démontré la légitimité de leur demande, mais qui n’ont pu prospérer en l’absence d’une force suffisante pour se faire entendre, ou, s’ils ont obtenu des résultats favorables, les résolutions en leur faveur n’ont pu être exécutées pour la même raison.
Quand les objectifs que se proposent les mouvements ne sont pas atteints ; cela ne doit pas conduire au découragement, mais les petits triomphes non plus ne peuvent se présenter comme des succès définitifs. La lutte contre la spoliation est de longue durée et les mouvements doivent apprendre à résister dans la lutte même, qu’ils gagnent ou qu’ils perdent les batailles, pour gagner la guerre. Il est important de tisser des alliances et d’étendre le champ de bataille afin de fortifier la résistance et permettre la résolution des problèmes quotidiens des gens. Il y a cinq ans, quand ce type de luttes commença à pousser comme des champignons en temps de pluie, peu nombreux furent ceux qui pensèrent qu’il pouvait vaincre le capital international, après cinq ans on commence à penser que c’est une utopie possible. Dans la Sierra Norte de Puebla, il y a désormais deux mouvements, qui peuvent arriver à n’être qu’un seul mouvement de résistance ; dans l’Isthme et la Vallée d’Oaxaca aussi, se sont créées des organisations régionales et il est sûr qu’il va s’en construire d’autres. Ce n’est pas encore gagné. Il faut penser à des formes nouvelles d’organisation, et surtout au futur pour lequel on engage la lutte. Il est nécessaire de donner un visage, qui lui soit propre, à la résistance.
Francisco López Bárcenas
Traduction et notes de Georges Lapierre
Texte d’origine : La Jornada,
Mexico, 25 mai 2013.