Samedi 18 janvier, à l’appel du comité de soutien toulousain à l’Amassada, dans le cadre de la Semaine contre l’expansion énergétique, une centaine de personnes se sont réunies à la Cépière, devant les locaux de RTE (Réseau de transport d’électricité, filiale d’EDF) pour un festin. Cette action est pensée comme une manière pour la lutte contre l’éolien industriel de venir visibiliser les campagnes asservies à la métropole. Puisque RTE n’entend pas la colère des territoires sacrifiés, ces derniers ont décidé de s’inviter devant leurs locaux. Afin de ne pas rester dans l’ombre à laquelle ils nous assignent, nous partageons ici un récit pour vous raconter ce repas haut en couleur.
Arrivé·e·s en fin de matinée avec bottes de paille, bancs, aligot et farçous, elles·ils se sont installé·e·s devant les grilles. À côté d’une éolienne artisanale qui posait le décor, des banderoles ont été déployées sur lesquelles on pouvait lire : « De l’Amassada à Toulouse, NON à l’éolien industriel », « RTE dégage », « Soyons la horde du vent d’Autan », « Contre l’expansion énergétique ».
Un plaidoyer des-terres et éloquent a été déclamé, provoquant huées et éclats de rire. Il était question de juger les exactions commises par le Réseau de transport d’électricité au nom de la sainte « transition » énergétique. Celui-ci a laissé place au discours du vent d’Autan, allié et porte-parole de l’Amassada dans cette lutte. Il est monté sur l’éolienne artisanale, construite à cet effet pour y déclamer sa colère. Rien ni personne n’a été épargnée. La devanture des locaux a été peinturlurée et l’éolienne enchaînée aux grilles d’entrée. Façon de laisser une empreinte sur leur bitume, sur leurs grilles, sur leur caméras et, surtout, « de venir les chercher chez eux ». Le soleil a succédé au discours et le festin a débuté, grandiose régalade faite d’aligot, farçous, saucisses, salade, tarte au citron et vin rouge. Pour finir en beauté, dans un élan collectif de joie, les bottes de paille ont fini par recouvrir le mur d’enceinte et tapisser le parterre du lieu assiégé.
Voilà ce qu’en raconte le Vent d’Autan, invité d’honneur de cette fête :
« À l’heure où la bise hivernale glace toujours plus les froids grillages métalliques du chantier de Saint-Victor-et-Melvieu, fait inlassablement tourner les pâles pales des éoliennes dévoreuses de terres, pétrifie les gueules des soldats de l’autorité, moi, Vent d’Autan, parti de l’Amassada le 3 novembre dernier, ai écarté les nuages et invité le soleil à réchauffer mes amies, heureuses de se réunir pour cracher leur rage contre RTE. Coincés entre la rocade et l’hippodrome, les locaux toulousains de ce Léviathan électrique se font discrets pour cacher aux yeux de tou·te·s le cerveau qui contrôle des tentacules de flux d’énergie.J’ai vu la tête pensante de ce monde immonde se doter d’yeux-caméras innombrables pour se protéger de ma fureur. J’ai ri de tant de vanité puisque je suis l’Autan, je suis insaisissable et rien ne peut échapper à mon regard.
J’ai vu les rats des champs sortir de leurs logis aveyronnais et s’allier à leurs compères des villes pour ronger un des nœuds du grand filet électrocutant nos territoires. Je les ai senti·e·s, blotti·e·s dans la paille, trembler d’effroi devant l’interminable liste des crimes commis par RTE déroulée sous leurs yeux dans un plaidoyer exalté. Je les ai vu·e·s assister ému·e·s à mon discours et rire à la danse des vents coloré·e·s. Je les ai vu·e·s rire encore en enchaînant au portail une éolienne dont il faudra que RTE se débarrasse par ses propres moyens. J’ai vu leurs visages frémir d’une joie moqueuse lorsque la peinture jetée a dégouliné sur les murs monochromes de RTE. J’ai porté l’odeur de leur festin d’aligot et de farçous jusque sous le nez des vigiles. J’ai entendu le bruit des klaxons encourager mes camarades face à un huissier piteux envoyé les surveiller. Je les ai entendu·e·s partager leurs chants, mêler leurs rires. J’ai soufflé sur la paille et l’ai vue s’envoler en tourbillons pour se poser par-delà les murs de la sournoise entreprise. J’ai empaillé ses portails et imposé à cette voleuse de paysages un peu de cette campagne qu’elle voudrait faire disparaître.
Ce festin organisé par mes ami·e·s était pour moi une façon de reprendre du souffle tout en répondant aux perfides attaques de RTE contre l’Amassada : j’y vois un présage du destin maudit de l’expansion énergétique. Je suis l’Autan indomptable, le vent qui rend folle et fou celles et ceux qui veulent l’entraver, et c’est contre RTE qu’aujourd’hui je déchaîne ma colère : que mes bourrasques affolent ses soldats, et avivent toujours plus la furie de mes ami·e·s grignotant ses lignes THT !
Aucune de ses frontières grillagées ne peut m’arrêter. Il n’existera jamais de domaines que je ne puisse traverser, et jamais la rage de mes ami·e·s ne pourra être réfrénée. Je soufflerai son transformateur, je dissiperai les fétides exhalaisons de ce puits ouvert pour abreuver le monstre capitaliste qui infecte ce monde.
En un coup de vent, je coucherai les éoliennes, sinistres épouvantails de la trompeuse transition énergétique.
Enfin, lorsque leurs forteresses seront enterrées et que leurs moulins à profit ne seront plus que d’immenses gisants rouillés, je parcourrai toujours librement les terres qu’ils avaient voulu s’approprier. J’y ferai délicatement bruisser les herbes qui couvriront leurs ruines rouillées, et regarderai avec tendresse les animaux qui s’y abriteront.
Prends garde, RTE, car tu trouveras, toujours sur ton chemin le vent d’Autan, ses rats des villes et ses rats des champs, sapant sans relâche les fondations de tous tes projets funestes. Méfie-toi bien de nous car nous n’aurons de cesse d’œuvrer à l’éboulement de ton monde pour enfin bâtir les mondes libres que nous rêvons d’habiter. »
Pas res nos arresta
Collectif Auto Média énervé
25 janvier 2020