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Bure, deux témoignages du bois Lejuc
Nous sommes là, nous serons là !

vendredi 23 février 2018, par Bure résistance

Témoignage de l’expulsion de la cabane du grand chêne
à vingt-cinq mètres de hauteur

Nous avons été réveillé·e·s par un coup de téléphone à 6 h 30 du matin. Il faisait encore nuit mais par terre à vingt-cinq mètres en dessous de nous on voyait des lumières. On s’est demandé si c’était des copain·e·s mais les projecteurs éclairaient la cabane, il faisait clair comme en plein jour, ce ne pouvait être que des gendarmes. Au téléphone, la même nouvelle est confirmée, vigie sud, vigie sud-est et barricade nord sont cernées et envahies par les militaires.

Quand le soleil s’est levé on a vu une vingtaine de gendarmes en dessous de notre arbre. Parmi eux, deux gradés. Nous sommes sorti·e·s sur les branches pour avoir une meilleure vue, on restait en contact avec les copain·e·s en dehors du bois grâce au téléphone. On s’est fait du thé et on s’est dit qu’on allait rester là des semaines. Il faisait moins 2 dans la cabane mais on avait de bonnes couvertures et beaucoup de nourriture ! De quoi tenir un siège !

Malheureusement, tout est allé beaucoup plus vite. Vers 8 heures, il y a eu la relève de l’équipe de gendarmes et peu après des militaires spécialisés dans la grimpe, ils ont d’abord lancé une corde sur un arbre qui était connecté au nôtre par une tyrolienne. Un gendarme est monté et a voulu couper la tyrolienne. Mais en se mettant sur la tyrolienne de l’autre côté, et après quelques échanges tendus où les gendarmes se rendaient bien compte du risque qu’ils nous faisaient encourir, ils ont abandonné l’idée.

Déçus de leur défaite, ils se sont rabattus vers un autre arbre relié par le pont de singe et ont déployé un long bras qui était sans doute un sécateur télescopique pour couper les cordes. À nouveau, l’un·e de nous s’est mis·e dessus. Une deuxième équipe a entrepris de lancer leur corde directement sur le grand chêne avec une catapulte.

Ils ont aussi pointé leurs armes contre nous en disant qu’ils pouvaient tirer si on bougeait ou si on s’approchait de leur matériel. L’un·e d’entre nous toujours sur le pont de singe était visé·e mais malgré les menaces et la tension, il ou elle est retourné·e dans la cabane où nous nous sommes retrouvé·e·s.

On a masqué toute les fenêtres laissant les gendarmes dans le doute de ce qu’il se passait à l’intérieur. On a attendu longtemps, on s’est demandé si on se mettait nu·e·s ou pas. Nu, ça avait aussi un sens, une occupation c’est mettre son corps face à la machine, c’est défendre la vie, montrer notre vulnérabilité et mettre les gendarmes face à leur violence. Finalement on s’est dit qu’ils allaient rien comprendre et il faisait quand même moins 2 degrés !

On a opté pour quelque chose de plus didactique. On a fait chauffer de l’eau, on a ouvert des biscuits et une tablette de chocolat. On s’est donné de la force l’un à l’autre. Les gendarmes sont arrivés sur la plate-forme, devant la porte.

— Madame, monsieur, on va entrer !
— Faites comme tout le monde, toquez !

Le gendarme était seul et un peu gêné, il ne savait pas trop à quoi s’attendre. Il a ouvert la porte, il semblait décontenancé par la situation et a commenté la beauté du lieu. Assez ironique vu la raison de sa visite… S’en est suivi une conversation de plus d’une heure qu’on peut vous épargner, on en garde juste quelques pépites :

— Chacun a ses convictions mais tout le monde fait son travail. Par contre, pour changer les choses, il faut tout changer d’un coup
— Vous êtes pour la révolution alors ? Silence. Fermez la porte et coupez la corde !

Malheureusement, il n’est pas allé au bout de ses propos et un de ses collègues est arrivé. On leur a donné l’ordre de nous faire descendre. Il a obéi et a coupé court à la discussion. On a pris nos affaires personnelles et ils nous ont accroché·e·s les bras dans le dos. Puis on a été descendu·e·s. À terre, on a subi un contrôle d’identité. Ils ont enchaîné les blagues mesquines sur la destruction de notre maison. Ils jetaient du haut les couvertures qui explosaient dans un nuage de plume. Un gendarme ricane : « On dirait un oiseau mort. » Un autre sac s’écrase au sol dans un bruit de verre cassé.

Nous n’étions pas les seul·e·s habitant·e·s du grand chêne. Un loir hibernait dans notre maison. Nous n’imaginons pas son réveil.

Les gendarmes pensent avoir détruit une simple cabane aujourd’hui. Ils obéissent aux ordres. En fait, par l’enfouissement des déchets les plus toxiques sous les racines du grand chêne, c’est toute une région et pour l’éternité qu’ils condamnent.

Source : Plus Bure sera leur chute…
22 février 2018.

Nous sommes là, nous serons là !

N’en déplaise à la préfète de la Meuse et au secrétaire d’État Sébastien Lecornu qui se pavanaient hier dans le bois Lejuc avec les caméras de BFM TV, disant que l’expulsion était terminée et que la forêt pouvait de nouveau accueillir les pires rebuts de la filière nucléaire, des hiboux et chouettes de Bure ont profité de la nuit pour refaire leur nid dans la forêt en haut des arbres.

Ils croyaient nous faire tomber avec cette opération éclair, à grand renfort de drone, d’hélicoptère et de bulldozer, mais nous sommes toujours là. Nous n’hibernerons pas. Nous résisterons. Encore et encore.

En automne 2012, l’opération César tentait de mettre fin à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. En une journée, les gendarmes avaient démoli plusieurs lieux de vie, pensant ainsi étouffer la lutte. Ils étaient en réalité sur un brasier. La révolte n’a fait que s’intensifier.

Nous ferons tout à Bure pour que le bois Lejuc soit leur nouvelle opération César. Les mobilisations partout en France hier témoignent de notre ténacité.

Nous appelons tous nos proches, toutes celles et ceux qui se sentent touché·e·s par ce qui se vit ici, à venir converger vers le bois Lejuc.

Source : Plus Bure sera leur chute…
23 février 2018.

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