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Bien le bonjour d’Oaxaca, le 28 octobre 2006

samedi 28 octobre 2006, par Georges Lapierre

Bien le bonjour,

Cette journée d’arrêt de toute activité a été particulièrement meurtrière, quatre morts et un grand nombre de blessés par balles, ou comment se défend la dignité de tout un peuple. Les barricades dans les colonies et sur toutes les voies d’accès au centre ville ont bien tenu malgré les escadrons de la mort et surtout les troupes de choc de policiers municipaux en civil fortement armés face à des gens qui les affrontaient avec des pierres. Ce sont les municipalités des environs, encore contrôlées par le PRI, le parti révolutionnaire institutionnel d’Ulises Ruiz, qui ont recruté et armés ces tueurs et qui sont directement responsables des violences et des assassinats. La municipalité de Santa Lucía del Camino où un jeune journaliste nord-américain d’Indymédia a trouvé la mort, et la municipalité de Santa María Coyotepec où il y eut deux morts et dix huit blessés ont joué un rôle déterminant dans cet affrontement contre les membres de l’Assemblée populaire. L’ambassadeur des États-Unis ment en parlant d’un échange de coups de feu. Rueda Pacheco, dirigeant du syndicat enseignant, ment en parlant de groupes violents et en se gardant bien de dire d’où viennent les tueurs. L’État a désormais le prétexte qu’il attendait pour rétablir l’ordre et l’État de droit comme il dit si bien. Ulises Ruiz joue-t-il son va tout dans une ultime confrontation meurtrière ou a-t-il l’aval de l’État pour provoquer des morts en vue de l’intervention de l’armée et de la police préventive fédérale ?

L’Assemblée populaire des peuples d’Oaxaca n’a pas jusqu’à présent répondu à la provocation en s’armant, ce qui justifierait l’envoi des troupes, et c’est les mains nues qu’elle garde les barricades et qu’elle fait face, avec une vaillance admirable, aux escadrons de la mort et aux sbires du PRI. Les familles ou les amis restent auprès des blessés et veillent à ce qu’ils soient soignés par des médecins et transportés par les ambulances rouges de l’APPO, les ambulances de la protection civile sont fliquées et l’hôpital n’est pas sûr. La Croix-Rouge, nous dit-on, refuse d’intervenir sur ordre du gouverneur déchu. Les disparitions sont nombreuses, la personne qui avait été enlevée ce matin a été retrouvée en prison. Heureusement la radio université fonctionne, ce qui permet de coordonner les mouvements, de renforcer une barricade qui montre des signes de faiblesse par exemple, de prévenir de la venue des troupes de choc, ainsi s’est organisé tout un réseau d’entraides, les habitants de Saachila, une commune en résistance, se sont regroupés pour envoyer des équipes afin de prêter main forte aux habitants d’Oaxaca, à San Bartolo Coyotepec les habitants se sont retrouvés pour venir en aide à leurs voisins de Santa María Coyotepec.

La nouvelle s’est répandue rapidement et la capitale réagit, des barricades ont été élevées à proximité de l’hémicycle Benito Juárez, nous dit-on. Le bruit court que le ministère de l’intérieur est occupé par ceux qui se trouvaient devant le Sénat. C’est le matin, j’apprends qu’Abascal, le ministre de l’Intérieur, vient de donner l’ordre à la troupe d’intervenir. La complicité entre le gouverneur tueur et le gouvernement fédéral est donc bien une complicité objective, l’assassin avait l’aval de l’État pour lancer ses troupes de choc contre les habitants. La ville est bien décidée à résister et toutes les voies d’accès sont hermétiquement fermées par des barricades.

Georges Lapierre
Oaxaca, le 28 octobre 2006.

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