Le 15 décembre 2005.
À tous les adhérents et à toutes les adhérentes de « l’Autre Campagne » au Mexique.
De : Sup Marcos.
Compañeros et compañeras,
Recevez notre salut zapatiste. En raison d’équivoques et de malentendus qui ont surgi dans certains États, je vous écris pour préciser quelques points concernant le circuit qu’effectuera le délégué Zéro dans l’ensemble de la République mexicaine.
En premier lieu, nous tenons à vous dire que l’EZLN, et par conséquent sa Commission Sexta, ne conçoit pas « l’Autre Campagne » comme suspendue ou assujettie à ce que nous ferons ou cesserons de faire, nous. La Otra possède déjà par elle-même de plusieurs lignes générales à discuter, analyser, accorder, promouvoir et travailler. Nos actions viseront d’abord à avancer, en commun accord avec les compas dans chaque endroit, dans l’élaboration du Programme national de lutte, de gauche et anticapitaliste. Dans un tel cadre, nous pensons qu’il faut promouvoir la Sexta et La Otra partout et organiser la manière dont nous allons faire, tous et toutes, en chaque endroit, pour construire petit à petit ce programme et pour relier les différentes résistances et luttes qui existent dans notre pays. La sortie des zapatistes de l’EZLN pour se rendre en divers lieux de ce pays n’a pas d’autre sens et d’autre objectif.
Aucune organisation ou lutte ne doit voir en nous des rivaux. Mais si une organisation quelconque nous lance un défi et nous attaque avec des rumeurs, des mensonges et des calomnies, nous y répondrons avec fermeté. Le temps de l’« antizapatisme » tranquille est fini. Qui nous traitera en ennemi subira le même traitement, mais nous le ferons toujours par la raison et par la parole, sans jamais recourir à la menaces ou aux actions violentes.
L’objectif principal de ce premier circuit qu’effectuera la Commission Sexta de l’EZLN est de parler avec toutes les compañeras et tous les compañeros de La Otra, et de les écouter, dans chaque État où elle se rendra. D’abord parce que tous et toutes n’ont pas pu participer aux réunions préparatoires et à la Première Session plénière de cette campagne. Comme la majorité des compas de La Otra ne se sont pas prononcés sur les six points définis lors de la Première Session plénière, nous en profiterons également pour recenser les opinions de tous et de toutes sur ces points de façon à ce que tout le monde puisse définir clairement ce qu’est et ce que n’est pas La Otra.
Nous sommes aussi d’avis qu’il est très important de faire connaître la Sixième Déclaration et de promouvoir l’adhésion à « l’Autre Campagne ». C’est pourquoi nous pensons qu’il faudrait toujours l’avoir en tête, dans les diverses activités qui seront réalisées, et que l’on installe des tables d’adhésion (peu importe le nom qu’on voudra leur donner) pour que ce mouvement continue de grandir.
Dans l’ensemble de ce processus, à partir de ce qui est proposé dans la Sexta, nous devons tous et toutes comprendre clairement qu’aucune organisation, collectif, groupe ou individu n’a à renoncer à son indépendance sur le plan organisationnel, pas plus qu’à son rythme et à sa manière de lutter.
Ensemble nous avons construit une cause commune et c’est en elle que nous nous rencontrons, mais sans cesser d’être ce que nous sommes, c’est-à-dire sans perdre notre identité. Personne ne CESSE D’ÊTRE parce qu’il existe au sein de La Otra, mais au contraire « l’Autre Campagne » EXISTE parce que nous y participons tous et toutes.
C’est pour cela que nous insistons sur le fait que personne n’a à cesser de faire ce qu’il fait, ni comment il le fait, dans sa lutte. Il ne s’agit de rien d’autre que de trouver le moyen et le temps pour unir nos luttes et les faire plus grandes, en elles-mêmes et en union avec les autres.
De sorte que le circuit du délégué Zéro doit être compris comme notre tentative d’apporter quelque chose à la croissance et à la consolidation de La Otra. Aussi allons-nous promouvoir, dans un premier temps, des réunions EXCLUSIVEMENT avec les compañeras et les compañeros de « l’Autre Campagne » dans chaque État. En fonction du temps dont nous disposerons et de la distance à parcourir, nous pourrons aussi participer à des activités plus élargies ou à des manifestations publiques.
Dans certains endroits, là où la Commission Sexta bénéficie du soutien militant de certaines personnes, l’EZLN demandera que ces personnes puissent participer à la coordination des activités, essentiellement en ce qui concerne la sécurité du Délégué Zéro. Ces compañeras et compañeros sont placés sous la direction de la Commission Sexta de l’EZLN et ne peuvent prendre aucune décision, mais servir de liaison entre les compas de La Otra dans chaque État et nous, en plus d’accompagner personnellement le délégué Zéro en tant que membre du personnel de sécurité. Cela ne signifie pas que l’on ne reconnaîtra pas les commissions de sécurité qui seront formées dans chacun des États, mais que ces personnes s’uniront à celles-ci.
Les activités qui auront lieu seront celles que décideront d’un commun accord le délégué Zéro et les commissions ou coordinations de chaque État ou, dans le cas de régions très étendues ou avec un grand nombre de compas de La Otra, avec les commissions ou coordinations de région ou secteur. Par exemple, il se pourrait que Veracruz décide de former trois commissions ou coordinations régionales : sud, centre et nord (ou comme on en décidera là-bas) ; que les compas sur place se mettent d’accord sur le séjour dans chaque zone, et que directement avec chacune de ces zones nous envisagions les activités prévues, la logistique et la sécurité (ATTENTION : en accordant toujours priorité à la rencontre avec les compas de « l’Autre Campagne »).
Le circuit que nous effectuerons est souple, nous pensons que beaucoup de choses sont envisageables si c’est bien organisé. Nous ne vous demandons qu’une seule chose, c’est que vos propositions privilégient toujours la rencontre avec toutes les compañeras et tous les compañeros qui n’ont pas pu participer aux réunions préparatoires et à la Première Session plénière pour qu’ils puissent s’exprimer. Une fois respecté cela, nous sommes disposés à nous mettre d’accord sur notre participation conjointe à ce que l’on jugera utile et possible.
Comme soutien au délégué Zéro dans cette première étape, nous demandons (nous « n’ordonnons pas ») que le lieu d’hébergement dispose de deux ou trois pièces avec l’électricité. Nous ne demandons hébergement et nourriture que pour le délégué Zéro et trois accompagnants. S’il n’y a pas de pièces ou pas d’électricité, ne vous en faites pas. J’emporterai un de ces horribles sacs de couchage et je me contenterai d’un coin n’importe où (les accompagnants iraient à l’hôtel ou chez quelqu’un), je peux utiliser des bougies, une torche à pile ou emporter une gégène.
Nous demandons aussi pouvoir disposer d’un véhicule pour aller chercher le délégué Zéro dans l’État immédiatement antérieur au vôtre et pour le transport jusqu’aux lieux de réunions et d’activités prévues.
Mais là encore, si ce n’est pas possible, ne vous inquiétez pas, nous pouvons voyager en autobus (je doute fort qu’une compagnie aérienne m’accepte comme passager) jusque chez vous, nous vous demanderions juste une participation financière aux frais (et nous ferions les comptes à l’arrivée).
Une fois sur place, je peux utiliser les transports en commun, prendre le taxi, une trottinette, une mule (sans insister), un âne (tant qu’on parle d’oreilles), des patins à roulettes, une bicyclette ou aller à pied (si je peux, j’emporterais Ombre-Lumière, mais il faut d’abord que je la répare).
Eh bien ! C’est tout pour aujourd’hui, compañeros et compañeras. Sachez que je suis préparé à ce voyage, je me trouve en pleine santé (ha !) et mes bagages sont prêts. Il ne reste plus qu’à nous mettre d’accord sur quoi, où, quand, avec qui et comment, pour que La Otra poursuive sa marche avec sa drôle « d’autre » manière.
Voilà. Salut et... Qui a planqué mon tabac ?..
Duritoooooooooo ! Rapporte ça tout de suite !
Des montagnes du Sud-Est mexicain,
Pour la Commission Sexta de l’EZLN,
sous-commandant insurgé Marcos, délégué Zéro,
Mexique, novembre 2005.
Traduit par Ángel Caído.