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Troisième vent : une digne et rageuse couleur de la terre

mercredi 21 janvier 2009, par SCI Marcos

Bonsoir, nous allons essayer d’être brefs parce que la journée a été longue et aussi parce que Lupita et Toñita vont ensuite vous lire des contes qu’elles ont préparés tout spécialement à votre intention.

Alors, allons-y !

Des spécialistes et des spécialités

Il y aura sûrement des historiens sérieux qui pourront nous dire le moment où sont apparus, dans la société humaine, les experts et les spécialités. Et nous expliquer ce qui est apparu en premier : la spécialité ou le spécialiste.

Il se trouve en effet qu’en se penchant les yeux émerveillés sur le monde les zapatistes se sont aperçus qu’il n’est pas rare que quelqu’un définisse son ignorance ou étroitesse d’esprit en appelant cela spécialité et qu’il se qualifie lui-même d’expert. Du coup, il reçoit plein d’éloges et il est respecté et il est bien payé et on lui rend des hommages.

Nous, les zapatistes, nous ne comprenons pas ça. Pour nous, quelqu’un qui a des connaissances limitées est quelqu’un qui doit s’efforcer d’apprendre plus de choses. Or il se trouve qu’au niveau académique moins on en sait et plus on reçoit un gros budget de recherche !

Le Vieil Antonio, au cours d’un de ces matins qui nous surprenaient, descendant de la montagne, riait de bon cœur quand je lui en parlais et disait que les premiers d’entre les dieux, ceux qui ont accouché le monde, étaient des spécialistes en spécialités.

Enfin, il est bien connu que les lacunes des zapatistes face à la production intellectuelle sont encyclopédiques, aussi voudrions-nous aujourd’hui nous référer brièvement à une espèce spéciale de spécialistes, les politiques professionnels.

Plus tard durant ce festival, demain, je crois, nous aurons l’occasion d’entendre de la bouche du lieutenant-colonel insurgé Moisés certains éclaircissements sur ce qu’est le savoir-faire politique au sein des communautés zapatistes.

L’un de ces savoir-faire, mais non le seul, c’est le travail de gouvernement. Il y a aussi, par exemple, le travail politique des femmes zapatistes, dont nous parlera la commandante Hortensia, et bien d’autres encore.

Il se trouve qu’aucune de ces activités n’est rémunérée, pas plus qu’elles ne sont considérées comme une spécialité. C’est-à-dire que quelqu’un qui est un jour président du conseil municipal, la veille, travaillait aux champs à la milpa ou dans la plantation de café, à semer ou à récolter. Beaucoup des gouvernants zapatistes n’ont jamais été à l’école ou ne savent pas l’espagnol. Autrement dit, ce sont des spécialistes en rien, et encore moins en politique.

Pourtant, nos communes autonomes ont un niveau supérieur en matière de santé, d’éducation, de logement et d’alimentation à celui des communes « officielles » administrées par des politiques professionnels, c’est-à-dire des spécialistes de la politique.

Bref, nous attendrons les interventions de mes compañeros pour essayer de nous comprendre. Pour l’instant, je me limiterais à pointer certaines de nos incapacités à comprendre le savoir-faire politique d’en haut, en tout cas au Mexique.

Par exemple, nous ne comprenons pas comment on peut décider, accepter et légiférer qu’un député gagne plus qu’un maçon. Le maçon, lui, fait quelque chose : il travaille, construit des maisons, des murs, des bâtiments. Et surtout il sait comment gâcher le ciment, comment monter des briques ou des parpaings.

Prenez par exemple l’auditorium où nous nous trouvons. Il peut recevoir plus de monde que le théâtre municipal de San Cristóbal de Las Casas et, d’après ce qu’on m’a dit, il a été fait, de sa conception à sa réalisation, par des mains indigènes. Le sol, les étages, les murs, les portes et les fenêtres, le plafond, la serrurerie et l’installation électrique, tout a été réalisé par des non-spécialistes, indigènes de surcroît, et membres de l’Autre Campagne.

Bien, pour en revenir au maçon, lui. Il travaille. Mais le député... Le député... Euh ! Quelqu’un peut me dire ce que fait un député ? Ou un sénateur ? Ou un ministre ?

Récemment, nous avons pu entendre un ministre dire que la crise économique, qui courait depuis des années, n’était qu’un léger refroidissement.

Ah ! Nous les zapatistes, nous nous sommes dit : un ministre, c’est comme un docteur qui diagnostique une maladie. Mais nous avons aussitôt pensé : pourquoi quelqu’un avec un tant soit peu de jugeote payerait-il un docteur qui lui dirait qu’il n’a qu’un rhume quand il se trouve qu’il a une véritable infection pulmonaire et que l’autre lui prescrit une infusion bien chaude au feuilles de citron et lui dit qu’il sera remis en un rien de temps. Il semble pourtant que le ministre en question gagne beaucoup d’argent et qu’il y a une loi qui dit qu’il doit gagner beaucoup d’argent.

On nous dira que les députés et sénateurs font des lois et que les ministres font des plans pour que ces lois soient appliquées. Soit. Combien en a-t-il coûté à cette nation pour que soit faite, par exemple, la contre-réforme indigène qui ne respectait pas les Accords de San Andrés ?

D’autre part, il y a plusieurs mois, un législateur du PRD, interrogé sur les raisons qui l’avaient poussé à voter pour une loi absurde et injuste (comme la plupart des lois au Mexique), a dit pour sa défense... qu’il ne l’avait pas lue !

Et quand le débat sur le pétrole a eu lieu au centre névralgique de ce pays (autrement dit, dans les moyens de communication), Calderón n’a-t-il pas déclaré qu’il ne fallait pas consulter les gens, parce que c’était affaire de spécialistes ? Et d’ailleurs, ledit Mouvement pour la défense du pétrole n’a-t-il pas agi comme si c’était le cas en chargeant un groupe d’experts de rédiger ses propositions ?

La spécialisation est, selon nous, une sorte de propriété privée de la connaissance.

Quand quelqu’un sait quelque chose, il le thésaurise et, en le compliquant au point de le faire ressembler à quelque chose d’extraordinaire à quoi ne peuvent accéder qu’un très petit nombre, il refuse de le partager. Son alibi : la spécialisation.

Ils sont comme les sorciers de la connaissance, comme les anciens prêtres qui se spécialisaient dans le dialogue avec les dieux, et qui croient tout ce qu’ils disent.

Et cela a lieu aujourd’hui, dans cette société moderne qui dit aux indigènes que c’est eux les attardés, les incultes, les barbares sans civilisation.

Dans le long circuit qui nous a fait traverser le Mexique, nous avons eu la chance de faire directement connaissance avec certains peuples aborigènes de ce continent. Des Mayas de la péninsule du Yucatán aux Kumiai de Basse-Californie, des Purhépechas, Nahuas et Wixaritari de la côte du Pacifique aux Kikapus de Coahuila.

Une partie de ce que nous avons pu y voir nous sera mieux expliqué par nos compañeros du Congrès national indigène, Carlos González et Juan Chávez, quand ils viendront nous rejoindre. Je voudrais seulement vous donner quelques réflexions personnelles concernant cette question de la connaissance et des peuples indiens :

- Au cours des réunions qui ont précédé la Rencontre continentale des peuples indiens d’Amérique, les différentes cultures des chefs indiens présents, quand elles se sont rencontrées, ne se disputaient pas la suprématie ou ne parlaient pas hiérarchie. Sans difficulté apparente, ils reconnaissaient leur différence et une sorte de traité ou d’accord s’établissait de lui-même, dans lequel ils se respectaient mutuellement.

Par contre, quand deux conceptions différentes de la réalité, deux cultures, donc, s’affrontent dans les sociétés modernes, la question de la suprématie de l’une sur l’autre semble se poser, question qui est bien souvent se résout par la violence.

Mais on continue de dire que ce sont les peuples indiens les sauvages.

- Quand le monde ladino ou métis rencontre le monde indigène sur le territoire de ce dernier, surgit chez le premier ce que les zapatistes appellent « le syndrome de l’évangélisé ». J’ignore s’il s’agit d’un héritage des premiers conquistadores et des missionnaires espagnols mais, spontanément, les ladinos ou les métis ont tendance à adopter la position de quelqu’un qui apprend à l’autre et l’aide. Selon une logique étrange que nous ne comprenons pas, on considère comme évident que la culture ladina ou métisse est supérieure, en étendue comme en profondeur de savoirs et de connaissances, à la culture indigène. Inversement, si un tel contact entre culture a lieu en territoire urbain, les ladinos ou les métis adoptent une position soit défensive ou méfiante, soit méprisante et de répugnance envers l’indigène. L’indigène est un attardé ou un type bizarroïde.

Au contraire, quand l’indigène croise ou rencontre une culture différente hors de son propre territoire, il tend spontanément à essayer de la comprendre et ne cherche pas à établir un rapport dominant/dominé. Et quand cela se passe sur son territoire, l’indigène assume une position de méfiance empreinte de curiosité et de défense jalouse de son indépendance.

« Je viens voir en quoi je peux vous aider », a l’habitude de dire un métis en arrivant dans une communauté indigène. Et il sera grandement étonné qu’au lieu de lui demander d’apprendre quelque chose ou de lui confier la direction ou le commandement, on lui demande d’aller chercher du bois, de porter de l’eau ou de nettoyer les corrals. Ou alors, il n’est pas rare qu’il s’entende répondre : « Et qui vous a dit que nous avions besoin de ton aide ? »

Il est possible que cela soit déjà arrivé, mais jusqu’ici nous n’avons pas connaissance de quelqu’un qui soit allé dans une communauté indigène en disant : « Je viens pour que vous m’aidiez. »

- En de nombreuses occasions, nous avons trouvé que les membres de collectifs qui soutiennent les communautés indigènes étaient d’une certaine manière jaloux de leurs connaissances, il y a chez eux une affirmation constante de la propriété du savoir qu’ils possèdent, de sa propriété privée.

Nos autorités autonomes ont mille fois remarqué l’énorme réticence des groupes qui manient des techniques et des technologies à apprendre aux autres, c’est-à-dire à partager leurs connaissances. Par exemple, dans Internet. Chaque fois que les ordinateurs des Caracoles tombent en panne, il faut attendre celui qui sait, attendre qu’il veuille bien venir en sachant parfaitement que, quand on lui demande d’apprendre à quelqu’un pour ne pas toujours dépendre de lui, il se défendra en disant qu’il n’a pas le temps ou que c’est réservé aux « spécialistes ». Et je ne vous dis pas quand il s’agit des équipements des radios communautaires !

Parfois, cependant, il arrive autre chose.

Je vais vous raconter une anecdote que m’ont rapportée les compañeros commandants de la zone tojolabal ou zone « Selva frontière ».

Il se trouve que, parmi toutes les personnes de bonne volonté qui viennent dans les communautés zapatistes pour aider, un jour, un ingénieur agronome est venu donner des cours pour améliorer nos plantations de café. Une fois fini son cours, l’ingénieur est allé avec les compas dans une plantation pour leur montrer comment il fallait tailler les plants de café. Il a demandé à tout le monde de s’écarter, de rester « derrière cette ligne » maintenant qu’il allait « se mettre au boulot », a sorti tout son équipement scientifique et a commencé à prendre des mesures pour déterminer l’angle de coupe exact des branches. Après des calculs nombreux et compliqués, l’angle de coupe déterminé, il a saisi une petite scie bien mignonne et a commencé à scier avec beaucoup de précautions. Ça lui a pris tellement de temps, m’a-t-on raconté, que, contredisant la prétendument proverbiale patience des indigènes, les compas l’ont repoussé sur le côté et lui ont demandé : « Voyons voir ! C’est où que vous voulez couper ? » Signalant du doigt l’endroit exact, le brillant ingénieur agronome a répondu : « Là ! » Le compa a dégainé sa machette Acapulco Collins à double tranchant et... Tchac ! Il a fait une coupe impeccable. « Allez, maintenant regardez voir ! », lui demanda - ordonna presque - le compañero. L’ingénieur agronome, diplômé d’une spécialité à l’université, sortit son appareil à mesurer des angles. Il a pris des mesures dans tous les sens, se grattant la tête à chaque fois. « Alors ? », lui ont demandé les autres. « Eh bien, oui, répondit-il à contrecœur, c’est exactement la taille qu’il faut, là où il faut et selon l’angle qu’il faut. » « Et tu sais pas quoi, Sup, voilà que l’ingénieur a commencé à nous poser plein de questions et il arrêtait plus de prendre des notes et il a rempli je ne sais pas combien de feuilles dans son carnet ! »

Nous exhortons donc tous ceux qui possèdent des savoirs et des connaissances et qui sont des compañeros et des compañeras à dire non à la propriété privée du savoir. Dites oui à la piraterie entre compañeros !

Autre chose :

- Chez les indigènes comme chez les urbains d’en bas et à gauche, on rencontre une civilité humaine que nous ne trouvons pas chez ceux d’en haut. Chez les deux, quand quelqu’un vient, il reçoit plus que ce qu’il a. Ceux d’en haut ne donnent rien, ou alors c’est ce qu’ils ont en trop.

Les communautés indigènes n’ont plus l’exclusivité du sens de la communauté qui est palpable chez elles, il apparaît aussi chez des secteurs d’en bas et il est plus développé chez ceux qui luttent et résistent.

- L’avance brutale et féroce de la guerre néolibérale de reconquête de territoires a des effets inattendus qui n’entraient peut-être pas dans les plans des grands centres financiers internationaux : des rages sont en train de s’unir, en profondeur, en étendue et en histoire commune.

- Cet accouplement de sentiments dans ce que le Russe appelait « les tripes » ne s’accompagne pas encore par une réunion des savoirs et des connaissances. Il se peut que cela arrive, mais, croyez-moi, je n’ai pas rencontré chez les peuples indiens l’avarice de savoir que vous avez.

Pour finir, nous n’idéalisons pas les peuples indiens, nous ne sommes pas parfaits et, bien entendu, nous ne cherchons pas à ce que tout le monde se fasse indigène. Nous avons des savoirs et nous avons des lacunes. Je crois que nous pourrions partager les uns pour résoudre les autres sans qu’aucun d’entre vous ne perde l’occasion de devenir riche parce que quelqu’un de chez nous aurait acquis le brevet de son savoir.

Maintenant, chose promise, chose due, nous allons écouter les contes de la Lupita et de la Toñita, et après je vous en raconterai un aussi.

D’abord la Lupita [...]

Et maintenant la Toñita [...]

Merci beaucoup.

P.-S. : Sept contes pour Personne.

Conte 3
La pédagogie de la machette

L’autre jour, pour varier, la Toñita s’est fourrée sans autorisation dans les quartiers du Commandement général de l’ézétaelléenné, une forteresse pourtant inexpugnable (en réalité, c’est une cabane).

Je me trouvais là, occupé à réfléchir aux thèmes qui seraient les plus appropriés pour ces tables prétendument rondes du Festival de la digne rage, quand je me suis rendu compte que la Toñita se tenait juste à côté de moi. Elle m’a lancé :

« Eh ! Sup, ça va pas que tu fais comme ça ! », en pointant du doigt une photo grandeur nature d’Angelina Jolie avec très peu de vêtements sur elle.

« Ça ne va pas que je fasse quoi ! », lui ai-je demandé tout en révisant les barrières « anti-Toñita » que j’avais disposées pour éviter qu’il n’arrive ce qui arrivait.

« Ben, ça ce que tu fais là », rétorqua la Toña, avant d’ajouter : « Pourquoi t’as cette dame à poil avec toi ? »

J’ai allumé ma pipe, puis je lui ai dit : « Premièrement, elle n’est pas à poil, je ne demanderais d’ailleurs pas mieux. Et deuxièmement, elle n’est pas avec moi, je ne redemanderais d’ailleurs pas mieux. »

La Toñita, fidèle à son habitude, avait raté une partie du film parce qu’elle a continué : « Et troisièmement ? »

« Quel troisièmement ? », ai-je dit, étonné.

« Ben, si y a un premièrement et un deuxièmement, y a toujours un troisièmement. Moi, j’ai été troisième à l’école. » Toñita oubliait de mentionner que dans son école il n’y avait que trois élèves.

Comme je ne voulais pas me lancer dans une polémique, je lui ai proposé de lui raconter un conte, en échange de quoi elle décamperait pour pouvoir le raconter aux autres.

« Ça marche. », a-t-elle répondu, puis elle s’est assise par terre.

Moi, j’ai raclé ma gorge et j’ai démarré : « Il y aurait une fois... »

La Toña m’interrompit aussitôt : « Y aura du pop corn ?

- Comment ça du pop corn ? », ai-je répondu, déconcerté.

- Ben ouais, comme quand on regarde un film.

- Non, je lui ai dis, c’est un conte, c’est pas un film et il n’y a pas de pop corn ici.

- D’ac », s’est-elle résignée.

J’ai donc poursuivi :

« Il y aurait une fois un sous-commandant qui était trèèèès trèèèès méchant et qui se fâchait tout rouge avec les petites filles qui rentraient sans autorisation dans le Commandement général pour embêter le monde. »

La Toñita était tout ouïe et moi, j’en ai profité pour donner un côté pédagogique au récit, adoptant un style et une méthode à renvoyer Paulo Freire et Antón Makarenko aux oubliettes de l’histoire.

« Alors, quand une petite fille rentrait sans autorisation dans le Commandement général, le fameux sous-commandant empoignait sa machette et... Tchac ! Il coupait la tête de la petite fille. »

La Toñita ouvrait tout grands les yeux, terrorisée.

Voyant que le concept didactique de base était compris, je décidais de renforcer mon récit avec la technique pédagogique signée Marcos qui m’a valu une telle réputation dans les colloques de psychologie où on ne parle que de Freud, de Fromm, de Luria et de tout le tintouin :

« Et cette machette n’était pas aiguisée, pour qu’elle mette plus de temps à couper. Et elle était très rouillée, pour que la blessure causée s’infecte. »

La Toña, saisie d’horreur, s’attendait à un happy end.

« Et après ? dit-elle.

- Et après, quoi ?

- Ben, et après, comment il continue le conte ?

- Ah bon ! Et bien, il se trouve que la petite fille a dû recevoir beaucoup de piqûres pour que sa blessure ne s’infecte pas. »

Et voi-là.

« Et voi-là ? Pouah, Sup, vraiment tes contes ça va pas. »

« Bien sûr que si », ai-je répondu en la conduisant vers la sortie.

« Ça sert à rien que t’as la dame à poil, si t’as pas de pop corn », m’a jeté la Toñita en prenant le large.

L’affaire ne s’arrête pas là. Une fois la réunion avec les compañeros du Comité terminée, en préparant mon sac pour repartir à la caserne, je me suis rendu compte que ma machette n’était plus là.

« La Toña », me suis-je dis. Je l’ai fait appeler et je lui ai demandé :

« Eh, Toñita, je ne trouve plus ma machette. Tu ne l’aurais pas vue, par hasard ?

- Non, mais je vais te raconter un conte », a-t-elle répondu.

« Il y était une fois une petite fille très belle, comme moi, quoi, et qui s’appelait Toñita, comme moi, quoi. Et alors, il y avait un sous-commandant trèèèès trèèèès méchant qui voulait lui couper la tête avec une machette.

- Et pourquoi il voulait lui couper la tête ? », l’ai-je interrompu, essayant vainement de reprendre le contrôle de la situation.

« Va savoir, répondit Toñita, je crois que ça lui est juste venu à l’esprit. Et alors, la petite fille s’est introduite en cachette dans la maison du sous-commandant. Et alors, elle lui a pris la machette au sous-commandant et elle est partie et elle est allée la jeter dans les W-C. Et alors, voi-là. »

Toñita prononça « Et alors, voi-là » déjà très loin hors de ma portée.

Alors, je crois que je sais où est ma machette, Il ne reste plus qu’à la récupérer : y a-t-il un ou une volontaire ?

Et voi-là.

Sous-commandant insurgé Marcos.
Mexique, le 3 janvier 2009.

Traduit par Ángel Caído.

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