L’activité des cartels de la drogue représente le pouvoir occulte et sans limite du capital. Il est à la fois caché, intouchable et terrible. Le fait qu’il soit invisible le rend encore plus mystérieux et effroyable. Aucune règle ne vient faire tampon entre la population et le déploiement sans frein, irrésistible, de l’activité capitaliste. Ce déchaînement impérieux et meurtrier est le résultat d’un long processus de détérioration et de dégradation de la vie communale. Pourtant, il y a encore au Mexique une résistance réelle face à l’expansion de l’activité des cartels et plus généralement face à la pénétration de l’activité capitaliste. Nous avons l’exemple bien connu des zapatistes dans le Sud-Est mexicain, mais aussi celui de Cherán et d’Ostula dans le Michoacán, et d’autres expériences de reprise en main de la vie communale qui sont moins visibles.
Ce processus de dévastation de la vie collective a commencé avec l’État, c’est-à-dire avec l’existence d’une volonté séparée et qui se donne les moyens de s’imposer. Il s’est accéléré de façon considérable avec la prise de pouvoir des marchands, qui ont pu imposer leur point de vue grâce à l’exercice d’une force contraignante et meurtrière, et en infligeant progressivement l’argent comme moyen universel d’échange — et l’argent est seulement l’objectivation de leur point de vue, la forme matérielle que les marchands, d’un commun accord, ont donnée à leur point de vue.
Il y a quelques années, je me suis trouvé à un anniversaire de la police communautaire dans le Guerrero. La police communautaire venait d’arrêter trois trafiquants de drogue qui sévissaient dans la région. Soutenue par une décision prise par l’assemblée des communautés [1], elle n’avait pas hésité à s’affronter au « dragon » et à défier le monstre aux mille têtes. Cependant l’assemblée des communautés allait se trouver bien vite isolée dans cette entreprise et le gouverneur de l’État du Guerrero devait tout mettre en œuvre pour la diviser et la fragiliser au nom du capitalisme triomphant.
Je me suis souvent demandé si la police communautaire, en s’attaquant ainsi aux intermédiaires, aux coyotes, acheteurs de gomme d’opium, ne risquait pas de se mettre à dos une partie de la population paysanne qui y trouvait une source de revenu. Le gouverneur d’alors [2] a pu profiter de cette fissure qui se créait insensiblement à l’intérieur de la population pour accélérer sa politique de division et élargir la brèche.
Depuis longtemps déjà, depuis l’insurrection zapatiste de 1910 et même bien avant, l’État mexicain s’est consacré au désarmement de la population, à faire en sorte d’imposer, parfois brutalement, parfois avec adresse et manœuvres tortueuses, sa volonté. Il a cherché à soumettre les gens, à briser leur autonomie collective, à en faire des individus soumis à une pensée (ou volonté) qui leur est supérieure et qui les domine. Et cette pensée supérieure et qui, désormais, nous domine impérieusement a pris la forme ou la figure de l’argent. L’argent est seulement un point de vue sur le monde, il est seulement la pensée du marchand ainsi matérialisée (mais pas toujours, elle peut aussi rester virtuelle [3]) et qui se veut universelle. L’argent est la pensée des cartels [4], quels qu’ils soient, du pétrole, du fer, de l’or, etc., ou de la drogue, partout dans le monde. La pensée des marchands en mouvement. La même pensée, la même volonté : une pensée unique, s’imposant comme pensée unique partout dans le monde. C’est ce que nous pourrions appeler le totalitarisme de la pensée, on l’appelle aussi parfois le capital.
En 1999, j’avais eu l’occasion de faire un périple dans les montagnes de la Mixteca. C’est une région isolée, aride et pauvre qui se trouve à cheval sur la frontière entre l’État du Guerrero et celui d’Oaxaca. À la milpa, qui n’est qu’une culture de subsistance, s’ajoutent quelques troupeaux de chèvres, pour la viande, le cuir et le lait. Les habitants ne faisaient pas de fromage de chèvres. La culture du pavot était un secret de polichinelle, elle permettait à la famille d’avoir un peu d’argent. C’étaient surtout les femmes qui récoltaient les fleurs et se chargeaient de faire, à partir du pistil de la fleur, de la gomme d’opium, cette gomme était ensuite vendue à un prix ridicule à un intermédiaire, un coyote, pour entrer dans un circuit commercial transnational, qui échappait totalement aux indigènes, mais qui était contrôlé par de puissants groupes locaux ou de puissantes familles de la région.
C’est un commerce illégal et, pour cette raison, très lucratif, qui entraîne à la fois une concurrence sauvage qu’aucune règle commerciale, sinon celle du plus fort, ne vient réguler, et une concentration du pouvoir au sommet. Cette tendance à la concentration et à la fusion n’est pas propre au commerce de la drogue [5], elle représente le mouvement général auquel sont soumises toutes les firmes commerciales, et ce mouvement s’est accéléré ces derniers temps aussi bien pour le commerce de la drogue que pour toute autre espèce de commerce.
Cette tendance au monopole est générale et engendre une concurrence effrénée entre cartels. Sous la pression des lois propres à tout développement commercial, celui de la drogue a pris des proportions considérables au Mexique. Le monopole du commerce de la drogue donne un pouvoir considérable aux cartels, qui cherchent alors à diversifier leur activité dans toutes les directions qui leur semblent intéressantes et fructueuses. Aujourd’hui, ce mouvement irrésistible, entraînant une compétition débridée entre les cartels, a atteint des proportions énormes et tout le pays ressemble à un vaste champ de bataille. C’est une guerre bien réelle mais qui se passe en catimini, on ne compte plus les morts et les disparitions. Il n’y a pas véritablement de fronts, c’est une guerre diffuse, dispersée en de multiples points, une guerre en sous-main, peu visible, souterraine, avec parfois de brusques percées qui révèlent une ampleur qu’on ne soupçonnait pas. Pourtant cette guerre ténébreuse fait autant de morts qu’une guerre classique. C’est cependant une guerre moderne dans toute sa cruauté, au sein de laquelle la torture prend désormais une place considérable et centrale : on ne fait pas de prisonniers (sinon pour les torturer en vue d’obtenir des informations et ensuite on se débarrasse de leur cadavre dans une fosse commune, du côté des cartels comme du côté de l’armée et de la police) et on achève les blessés.
Le rôle de l’État semble consister surtout à éviter que les cartels prennent le contrôle de toute une région ou de tout un État comme cela a failli se passer avec La Familia devenue Los Caballeros Templarios dans l’État du Michoacán et que les capos se transforment ainsi en seigneurs de la guerre comme au temps de la Renaissance italienne. Il lui faut donc contrôler l’expansion des cartels pour intervenir quand cette expansion risque de mettre en péril l’unité de la nation. Pour rétablir son autorité et reprendre en main une situation compromise, l’État agit alors avec un certain machiavélisme, joint à une intelligence réelle des forces en présence. En général, il s’appuie sur un cartel pour limiter la puissance d’un autre cartel. Par exemple il s’est servi du cartel Jalisco Nueva Generación (CJNG) pour mettre fin à l’hégémonie de Los Templarios dans l’État du Michoacán. Maintenant le cartel Jalisco Nueva Generación monte en puissance et a pénétré et investi les cadres institutionnels du pouvoir, et c’est alors l’armée qui est appelée à intervenir pour tenter de freiner cette ascension. L’État se contente de surveiller avec attention le développement des cartels, quitte à soutenir l’un contre l’autre. Son rôle se limite à cela : être vigilant et ne pas intervenir tant que l’activité de quelques marchands ambitieux ne vient pas empiéter sur ses prérogatives.
Hormis le fait qu’il se trouve hors la loi et que rien ne vient le réguler, le commerce de l’opium n’est pas si différent de celui du café par exemple ; il évolue et se développe selon les mêmes impératifs. Il y a quelques années, le commerce du café, dont la culture se concentrait le plus souvent dans des fincas tenues par des Allemands, se présentait comme le moteur du commerce international du pays. Je me demande si aujourd’hui l’amapola ne s’est pas substitué au café dans ce rôle moteur avec, d’un côté, la concentration de son exploitation entre les mains de quelques-uns, s’assurant en quelque sorte le monopole de la production [6] (avec déplacement de la population et appel à une main-d’œuvre forcée) ; de l’autre côté, le recours à de petits producteurs auxquels on achètera la récolte à un prix dérisoire. Ces deux aspects de la production de la drogue sont présents au Mexique, mais alors que l’État semble plutôt soutenir les gros producteurs qui se sont emparés de régions entières, les petits producteurs sont souvent la cible de la répression. Dans bien des régions montagneuses du sud du Guerrero, la culture du pavot est devenue l’unique moyen d’avoir un revenu pour les petits paysans, seule possibilité pour eux de « sortir du gouffre de la misère ». Pourtant ce sont eux qui se trouvent être le plus souvent la cible de l’armée, qui détruit tout par fumigation, non seulement les plantations d’amapola, mais, par contrecoup, toutes les autres cultures. Ils ont formé une association, Unión de Comisarios por la Paz y el Desarrollo del Estado (Union des commissaires pour la paix et le développement de l’État), et souhaiteraient voir leur activité reconnue par la loi ; ils demandent la légalisation de la culture du pavot [7].
Par le biais de la production de denrées alimentaires ou autres entrant comme marchandises dans les circuits commerciaux d’un marché transnational, le petit paysan peut bien se trouver exploité sans vergogne par le marchand, il entre dans un système d’échange dont la pensée sous sa forme spéculative lui échappe entièrement. Cependant, il a lié d’une certaine manière son sort à celui du capitaliste. Par contre, il peut bien voir dans la mise en activité d’une mine à ciel ouvert dans sa région un attentat contre son mode de vie et son libre arbitre, et se révolter. D’un côté, il semble avoir lié son sort à l’activité capitaliste ; de l’autre, il se révolte et s’oppose à cette même activité. Il se trouve dans une position ambiguë et pour le moins compromettante, qui, d’une certaine manière, dessine les limites de son opposition à l’activité capitaliste. Comment expliquer ces deux attitudes contradictoires : d’un côté, une participation plus ou moins volontaire, de l’autre une vive opposition ; une quasi-absence de critique d’une part, une critique explicite et consciente, d’autre part ?
Apporter une réponse à cette question nous conduit à nous interroger sur cette chose mal connue qu’est l’argent. Dans le premier cas, celui de notre participation plus ou moins volontaire, plus ou moins acceptée, à l’activité capitaliste, nous sommes animés, comme le petit paysan, par le besoin d’argent. L’argent s’impose comme une nécessité devenue incontournable et cette nécessité prend l’aspect d’une fatalité : les voies impénétrables de Dieu tout-puissant. Parfois, il nous arrive de saisir, dans cette fatalité de l’argent, le pouvoir d’une catégorie sociale, celle des marchands. Si derrière l’argent, se trouve bien la pensée du marchand, celle-ci n’apparaît pas cependant comme pensée subjective propre à une personne déterminée, ni même à une catégorie déterminée : pensée du marchand nous imposant son point de vue. Elle se montre comme pensée qui s’est émancipée du particulier pour apparaître comme pensée générique — en fait comme pensée générant l’activité sociale de production de marchandises et d’échange de marchandises. L’argent est la pensée qui s’est libérée du sujet, de la particularité du sujet, pour s’élever à l’universel — et j’ajouterai, à l’universalité de l’objet [8].
J’ai souvent été amené, pour tenter de définir la société originelle, de parler de communauté de pensée. Cette pensée générique — dans le sens propre du terme, générant l’activité sociale — pouvait bien parfois prendre une forme concrète, coquillages, meules de pierre, haches de jade, colliers ou bracelets, plaques de cuivre etc., ou ne pas avoir une forme concrète précise, cependant, comme l’avait fort bien compris et exprimé Émile Durkheim, elle dépassait ou surpassait (transcendait) le sujet en tant qu’individu, pour être la pensée de tous les sujets ou encore la pensée de l’Être en tant qu’être collectif — pour cette raison l’expression « communauté de pensée » me semble bien venue. Et cette pensée commune animait chaque sujet, chaque membre de la communauté. Ainsi la société se reproduisait-elle sans cesse dans le mouvement de sa propre pensée se réalisant grâce à l’activité de ses membres.
C’est bien aussi ce qui se passe avec l’argent, qui est comme la figure de la pensée générique ainsi objectivée : la société marchande se reproduit sans cesse dans le mouvement de sa propre pensée (qui a pris la figure de l’argent) se réalisant grâce à l’activité de ses membres animés par la pensée de l’argent. Grâce à la pensée de l’argent qui se trouve au départ de mon activité comme projet à réaliser, mon activité prend tout de suite une dimension sociale. Je pense à l’argent, donc je suis un être générique, un être social c’est-à-dire un être, pour ainsi dire, humain : un individu participant à la reproduction de la vie sociale. Je suis un être générique proche de Dieu tout-puissant. Tout serait presque pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles sauf le fait que je travaille ainsi au renouvellement d’un certain type de société, une société reposant sur l’échange marchand.
En nous soumettant à l’argent et à sa nécessité, nous ne nous soumettons pas à un sujet, mais au genre, nous nous soumettons à la pensée sous sa forme générique, à la pensée comme universel. En obéissant à la pensée sous sa forme générique, nous n’avons pas le sentiment de déchoir, mais bien d’obéir à notre propre pensée ou à notre propre volonté. Pourtant nous entrons dans le jeu du marchand, nous sommes tombés dans le piège de l’apparence. L’argent est bien la pensée de tous les marchands et cette pensée des marchands a réussi à s’imposer comme pensée générique, comme pensée de tout le monde. C’est bien là le coup de maître du marchand : avoir réussi à imposer sa pensée, son point de vue, comme pensée générique, comme pensée unique générant l’ensemble de l’activité sociale. Il a pu imposer son point de vue comme point de vue unique non par la persuasion mais par la force, par la guerre, par la conquête, par des massacres sans nom de populations qui avaient une autre conception de l’échange, un autre point de vue sur l’homme et le monde. Nous en sommes là. Le monde marchand, dit capitaliste, se sent à la merci d’une idée. Encore aujourd’hui, il a toujours recours à la force, et uniquement à la force, pour imposer son point de vue [9].
Celui qui a une certaine curiosité pour l’homme et les sociétés et qui se trouve attiré par leur diversité et leur différence est conscient de l’existence d’autres formes de société. Il se rend bien compte que la société marchande dans laquelle il vit n’est pas unique ni universelle, qu’elle est le résultat d’une histoire qui lui est propre, d’une histoire sans majuscule, que l’on pourrait même qualifier d’anecdotique. Il se rend compte que la présence de ces autres modes de vie est une critique (du seul fait de leur existence) du monde occidental, chrétien et capitaliste. Le monde marchand n’ignore pas cette menace, la menace d’une idée autre. L’avant-garde intellectuelle a pour tâche de prévenir cette menace latente et aux nouveaux philosophes d’obédience marxiste succèdent désormais les anthropologues nouvelle génération, qui ont bien saisi le danger que représentent d’autres formes de vie et d’autres visions du monde et qui s’évertuent à le désamorcer [10].
Quand une mine s’installe dans notre région, cette mine est bien le résultat pratique de la pensée spéculative et effective du marchand mais elle se présente et s’impose comme pensée étrangère, venue d’ailleurs et qui cherche à se réaliser contre la volonté des habitants. Son étrangeté, le fait qu’elle ne soit pas la pensée des gens, son extériorité, est devenue patente, elle est devenue visible, elle n’a rien à voir avec la pensée qui anime les habitants du coin. La pensée du marchand s’oppose à la pensée et à la volonté de la population et elle cherche à la soumettre. C’est une pensée qui a perdu la familiarité et l’universalité de l’argent pour devenir la pensée de quelques particuliers que nous ne connaissons même pas. Elle ne se présente plus comme la pensée générique, comme la pensée de tous, mais comme la pensée du particulier, de l’entreprise minière canadienne, ou de Vinci par exemple. Dans ce cas, la pensée générique, ou ce qui se présentait comme telle sous la figure de l’argent, se trouve réduite à ce qu’elle est véritablement, une pensée subjective particulière. Elle se trouve réduite à sa vérité, l’intérêt privé. En tant que pensée subjective particulière, réduite à l’intérêt privé, elle s’oppose absolument à la pensée qui anime la vie collective du village, à la tradition, aux coutumes et aux usages et qui veut, ou fait en sorte, que les gens vivent ensemble. En tant que pensée du particulier, elle s’oppose à une pensée générique véritable. Autrement dit, alors même que le capital apparaît pour ce qu’il est véritablement, qu’il se fait visible en tant que pensée séparée de la communauté humaine, émerge une autre pensée qui, elle, n’est pas séparée de la communauté. Elle est la pensée qui anime chaque habitant du village ou du quartier dans sa relation aux autres habitants. Elle ne leur est pas étrangère, elle est la pensée de chacun d’eux tout en les surpassant en tant que pensée commune — ou pensée de la communalité.
Il est assez remarquable que la seule proposition à laquelle ont généralement recours ces entreprises transnationales consiste à s’accrocher à l’argent et à ce qu’il représente comme on s’accroche à une bouée en pleine tempête. Ces « sociétés » transnationales se présentent alors comme fournisseurs d’argent — en échange d’un travail, bien entendu ; comme une opportunité pour la population d’entrer dans le vaste monde de l’argent, des marchandises et du travail, dans le vaste monde du progrès et de la modernité : travailler dans la mine pour un salaire au goût de paradis ; et abandonner ainsi sa pensée propre, sa volonté, son identité et sa culture, qui ne faisaient que l’isoler et la marginaliser dans le vaste monde ensorceleur créé par le marchand.
Se révolter contre une pensée ou volonté venue d’ailleurs, séparée de la volonté et de la pensée d’une population et cherchant à s’imposer par tous les moyens [11], c’est revenir à la communalité, c’est-à-dire à une pensée générique qui n’est pas séparée de la communauté, qui est la pensée de la communauté se saisissant comme telle, se saisissant comme communauté de pensée. C’est la collectivité qui s’élève à la conscience de soi, pourrait-on dire. Au Mexique, nous avons l’exemple de Cherán K’eri [12] qui me semble significatif. Les habitants ont eu le courage de s’opposer au pouvoir sans borne des narcos, à ce capitalisme rampant et triomphant, hors Constitution, qui sévissait en toute impunité dans l’État du Michoacán — et qui sévit toujours en toute impunité dans l’État du Michoacán. Les narcos s’étaient emparés d’un bien commun, la forêt qui se trouvait sur le territoire de Cherán — mais, cet accaparement du bien commun n’est-ce pas ce qui définit le capitalisme ? Les talamontes dévastaient leurs forêts, ils coupaient sans vergogne les arbres qui appartenaient au village pour en faire un commerce très profitable. Les Purhépecha de Cherán K’eri ont pris les armes. Surtout ils ont su retrouver une force collective, se retrouver ensemble autour des fogatas [13] la nuit et barrer la route aux camions chargés de bois. S’opposer aux narcos, comme s’opposer à toute autre entreprise commerciale, revient à décréter son autonomie, à recouvrer une pensée et une volonté commune, à s’organiser socialement et politiquement à cette fin. Quant à l’argent, s’il reste encore un souci (devenu mineur) pour l’individu, il a perdu sur le plan collectif le caractère obsessionnel qu’il a atteint dans le premier monde.
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Oaxaca, le 22 avril 2018,
Georges Lapierre