« Si pour ceux d’en haut, ceux d’en bas ne sont que de vulgaires insectes,
piquons-les ! »
Don Durito de la Lacandona
En bien plus d’une occasion, nous avons dit que le soulèvement des zapatistes s’insurgeait contre l’oubli. Qu’il me soit donc permis de faire exercice de mémoire.
Il y a quelques lunes, à notre passage dans une des zones de l’irrégulier territoire zapatiste, un groupe d’officiers insurgés, de commandants et de commandantes s’est réuni pour se pencher sur certains problèmes.
L’une des questions à l’ordre du jour était que, quelques années auparavant, à la demande d’un des dirigeants de zone, plusieurs villages avaient contribué financièrement à monter une coopérative et qu’on les avait assurés qu’on leur ferait savoir ce que cela avait donné.
Évidemment, comme à chaque fois qu’une erreur est commise, personne ne se rappelait qui en avait fait la demande, quelle somme avait été fournie et de quelle bourse, ce qu’il était advenu de cette coopérative, etc.
Nous cherchions à essayer de dégager des responsabilités, mais nous tombions sur un puits sans fond.
« “La” problème, disait l’un des officiers insurgés, c’est que nous, nous ne nous rappelons pas bien bien comment tout ça s’est vraiment passé. Mais les villages impliqués s’en souviennent parfaitement, eux, et ils sont en colère parce qu’on ne leur rend pas justice. »
« C’est ça “la” problème, les communautés n’oublient jamais rien. »
Ce que je voulais répondre à cela, c’est un autre officier qui l’a dit :
« Comment ça, c’est ça la problème ? Au contraire, ça, c’est notre force. Est-ce que les communautés seraient dans cette lutte s’ils oubliaient ?
- C’est vrai », admit le premier officier.
J’ai tourné la tête vers les commandants et vers les commandantes. Il n’y a pas eu besoin de leur demander car ils ont répondu d’eux-mêmes :
« Nous voulons que le commandement général ouvre une enquête pour résoudre la problème.
- C’est bon », leur ai-je dit à mon tour.
Après quoi j’ai indiqué ce qu’il fallait pour faire chercher Elías Contreras et lui remettre tous les renseignements en notre possession.
Le rapport d’Elías n’a guère tardé à nous être remis.
En effet, profitant d’un des rares moments où la pression de l’armée fédérale s’était relâchée, le dirigeant de zone, pensant qu’il était probable que cela ne dure pas, avait effectivement proposé de lancer une coopérative pour avoir quelque chose quand le harcèlement des troupes reprendrait de plus belle. Le CCRI de la zone en question avait donné son accord et les quelques villages contactés acceptèrent la proposition. Peu après, la pression exercée par l’armée fédérale augmenta à nouveau et tout ce que la coopérative avait pu accumuler fut envoyé aux villages qui accueillaient des réfugiés. Jusque-là, tout était clair et net. Mais... et là, je cite textuellement une partie du rapport d’Elías Contreras :
« La problème, Sup, c’est que ni le dirigeant ni les comités en ont informé les communautés concernées. Du coup, plusieurs années ont passé, pas beaucoup mais pas non plus très peu, et les villages se sont souvenus de la coopérative et demandent donc au commandement général d’aller voir ce qui se passe pour qu’il n’arrive pas ce qui se passe avec les priyistes qui font leur beurre et ne tiennent pas les gens informés. »
« Sinon, à part ça, je te dis ma pensée. Bon, Sup, sûr que comme qui dirait ils ont merdé, parce que c’est possible que parfois il n’y a rien de bon à manger ou il n’y a pas de vêtements ou il n’y a pas de médicaments, ou carrément parce qu’on ne tient pas une journée à cause de toutes les problèmes qu’il y a, mais la mémoire, elle, ne fait jamais défaut. »
Les sanctions correspondantes ont été prises à l’encontre des responsables, le rapport établi a été transmis aux villages, on a demandé de faire une recension des gens qui avaient apporté quelque chose et du montant des sommes fournies et il a été décidé de les rembourser intégralement en puisant dans le fonds de guerre.
Les comisiones, les membres de la commission, sont donc partis dans les villages concernés. Peu après, ils sont revenus et ont informé du résultat. Tout était rentré dans l’ordre, sauf pour la communauté de San Tilo. Il se trouve qu’un des compañeros de ce village, plutôt âgé, s’est refusé tout net à percevoir le remboursement de ce qu’il avait avancé. On eut beau lui expliquer de toutes les manières possibles, le compa en restait au fait qu’il n’en voulait pas, point final. Les comisiones ont passé trois jours et trois nuits à essayer de le convaincre, mais pas moyen. Comme ils devaient rentrer pour se livrer à d’autres tâches, ils ont remis au responsable du village la somme qui revenait au compa, en recommandant au responsable de continuer à essayer de le convaincre d’accepter.
J’ai demandé à l’officier qui accompagnait la commission ce qui s’était passé. Voilà ce qu’il m’a rapporté :
« C’est “Chompiras”. Je ne sais pas si tu te souviens de lui, Sup, c’est celui qui avait aidé à faire sortir les blessés du marché d’Ocosingo, en 1994. Et plus tard, il a perdu deux de ses fils quand il y a eu la trahison [de Zedillo] de 1995. C’est un des premiers à être entrés dans la lutte dans ce coin-là. Il parle toujours du Seigneur Ik. Il ne dit presque jamais rien, mais j’te jure, Sup, quand il a entendu ce qu’on avait à lui dire, y a plus personne qui l’arrête ! Il nous a même grondés comme des gosses. J’te jure, il nous a dit et répété que lui, il avait la mémoire plus grande que n’importe lequel d’entre nous. Foutus gamins, qu’il nous a dit (l’officier a près de trente ans). Il nous a demandé si on avait par hasard oublié que le Seigneur Ik avait expliqué que la lutte n’est pas terminée tant qu’elle n’est pas finie et que c’est seulement là que tout rentre dans l’ordre. Et il a dit que lui, il n’accepterait rien parce qu’il l’avait donné pour la lutte et que la lutte n’était pas terminée.
- Et alors, qu’est-ce que vous avez fait ? » lui ai-je demandé en allumant une pipe.
« Ben rien, qu’est-ce que tu voulais qu’on fasse ? On s’est barrés en courant parce qu’il nous a coursés après avec sa machette. Et il a dit qu’ils allait nous accuser, et toi avec, de ne pas avoir la mémoire. C’est ce qu’il a dit. »
*
Au cours d’une des interventions de ce colloque, effectuée par Jorge Alonso, on nous a dit qu’il n’y avait pas qu’une seule manière d’analyser la réalité mais plutôt différentes façons de la cerner. Nous aimerions profiter de la présence parmi nous de Jean Robert et de John Berger, qui en savent long sur cette question, pour reprendre cette judicieuse assertion et évoquer le regard.
Je veux parler du regard porté sur les zapatistes et du regard qu’ont les zapatistes.
Il y a une énorme différence entre la façon dont les personnes qui côtoient directement les communautés indigènes nous voient, nous tous et nous toutes, les zapatistes, et les autres qui nous voient de loin, c’est-à-dire d’une autre réalité. Peut-être doit-on attribuer cela à leur formation, à leur vécu, à leur lucidité ou à cette sensibilité rare dont font preuve de temps en temps certaines personnes, mais c’est un fait indéniable.
Je ne me réfère pas à une façon de nous regarder qui serait indulgente ou non, inquisitrice ou non, ou à une tentative de nous catégoriser, mais à ce qu’ils choisissent de regarder chez nous et leur attitude pour ce faire.
André Aubry, dont le vécu ici nous a réunis, avait sa propre façon de nous regarder, c’est-à-dire qu’il avait choisi une partie de ce que nous sommes pour nous voir. Les deux dernières fois que j’ai eu l’occasion de le voir le décrivent parfaitement.
Dans l’une de ces occasions, en réunion privée en présence de Jérôme Baschet, nous avons parlé de livres et autres absurdités.
Aubry était à l’aise, disert, comme avec des amis.
Dans l’autre, lors d’un débat au cours duquel il a lancé l’une des critiques les plus sévères et judicieuses que j’ai pu entendre contre l’académie, André n’arrêtait pas de se retourner pour regarder derrière lui, où plusieurs centaines de compañeras et de compañeros - des autorités de nos conseils autonomes, des responsables de commission et des autorités des cinq Caracoles - écoutaient en silence.
Il était nerveux et inquiet, comme s’il affrontait des juges sévères ou un synode épiscopal.
De l’autre bout de la table, je l’ai regardé et je l’ai compris.
Certains se préoccupent de la façon dont l’académie évaluera leur argumentation. Aubry, lui, n’en avait cure. C’est ce qu’en penseraient tous les zapatistes et toutes les zapatistes ce qui lui tenait à cœur.
C’était le même André Aubry qu’au cours de la Marche de la couleur de la terre du calendrier de 2001. Cet André Aubry qui n’avait aucun regard pour les estrades qui se sont succédé tout au long de la géographie que nous avons traversée, pas plus que pour les foules qui se pressaient pour assister aux discours, mais qui était à l’affût des petits groupes qui s’approchaient sur notre passage, sur les chemins et les routes, simplement pour nous voir passer ou nous transmettre leur salut.
Alors qu’on hésitait toujours pour accorder ou non la parole à une femme indigène masquée au Congrès mexicain, il avait vu juste et anticipé sur un calendrier ultérieur, en s’exclamant, à peu de choses près : « La marche. Pas ça. C’est la marche, là-bas, dans les sierras, dans les petits villages, à qui on ne s’adresse jamais, c’est là qu’il se passera vraiment quelque chose. »
André Aubry ne nous voyait pas avec les yeux d’autres personnes qui travaillent dans les communautés ou avec des indigènes. Contrairement à eux, il ne nous voyait pas comme des perpétuels évangélisés, comme d’éternels enfants, sans se soucier des calendriers qui passent ; comme des enfants qui font honte à leurs parents ou dont ceux-ci peuvent être fiers. Ou encore avec les miroirs reflétant leur propre image qu’ils s’accrochent devant les yeux pour voiler la vie des autres, au masculin et au féminin, avec qui nous entrons en contact, miroirs qui deviennent visibles ou non en fonction de l’auditoire ou de la conjoncture, selon une sorte d’opportunisme d’un nouveau genre. Il ne nous voyait pas comme ceux et celles qui, en entendant l’intervention judicieuse ou l’analyse lucide d’une de nos compañeras ou d’un de nos compañeros, donnant un coup de coude complice à leur voisin ou ouvertement, disent : « Celle-là, celui-là, c’est nous (au masculin) qui l’avons formé, pas les zapatistes. »
Non, Aubry nous regardait comme si les peuples indiens étaient un professeur ou un mentor sévère. Comme s’il était conscient que l’histoire pouvait se renverser à tout moment ou comme si cela avait déjà eu lieu dans les communautés zapatistes et que les indigènes étaient devenus les évangélisateurs, les professeurs, et que, devant eux, aussi bien les doctorats obtenus dans de prestigieuses universités étrangères que la hauteur de la pile de livres que l’on a publiés ou l’air négligemment européen ou volontairement missionnaire dans les habits et dans l’attitude ne servaient à rien.
Hier, ici même, il a été dit quelque chose qui a dû faire se retourner dans la terre où il repose André Aubry. Il a été dit que nos peuples sont ignorants. Je me demande alors ce qu’il en est de ceux qui comme moi se savent les élèves de ces peuples « ignorants ». Je reviendrai là-dessus plus tard.
Je crois, et quand je le verrai je le lui demanderai, qu’André Aubry voyait la partie des peuples zapatistes qui est tournée vers l’intérieur. Un peu comme si ce peuple avait non seulement décidé de renverser le monde, mais aussi la perception que l’on en a, et avait fait en sorte que son essence, ce qui le définit, soit tourné vers le dedans et non vers le dehors. Comme si le passe-montagne était une arme à double tranchant : forteresse, tranchée, miroir interne et simultanément couverture de quelque chose en gestation.
J’ai trouvé le même regard porté sur nous chez d’autres, au masculin et au féminin. Chez Ronco, Don Pablo, Jorge, Estela, Felipe, Raymundo, Carlos, Eduardo, un autre, une autre, Personne, pour n’en citer que quelques-uns. Que l’on me pardonne si dans cette liste il ne figure qu’un seul prénom féminin, mais il semble qu’en matière de ce type de regard il n’y ait pas de quota de genre à respecter.
Tous les regards qui nous regardent ne sont pas autant à respecter et à remercier que celui d’André Aubry.
Il existe aussi des regards aux yeux desquels nous constituons - qui l’eût cru, en plein néolibéralisme ! - une possibilité de faire des profits à court, moyen ou long terme. Le regard de l’usurier politique, idéologique, scientifique, moral, journalistique. J’en parlerai par la suite.
Toutes ces sortes de regards, si différents les uns des autres, si différents dans l’aspect des zapatistes qu’ils choisissent de regarder, ont cependant tous quelque chose en commun : ce sont des regards portés du dehors.
Ils jouissent en outre, disons-le, du privilège d’être les regards qui sont diffusés et connus dans d’autres géographies et dans d’autres calendriers.
Par contre, notre regard, nos regards sur elles et sur eux, présentent l’inconvénient (et simultanément l’avantage, mais j’en parlerai plus tard) de n’être connu de l’autre du dehors qu’à la condition que vous le décidiez ou le permettiez.
Si notre regard est un regard de remerciement, de reconnaissance, d’admiration et de respect ou coïncide avec ce que vous regardez, alors là, oui : qu’on le diffuse, qu’on le reconnaisse, qu’on en signale la sagesse, la lucidité, la pertinence.
En revanche, si c’est un regard critique et de remise en question, peu importe les arguments et les raisons qui en sont donnés, il faut faire taire ce regard, le voiler, l’occulter.
On signale alors notre désorientation, notre intolérance, notre radicalisme, nos erreurs.
Enfin, pas « nos » ! « Les erreurs de Marcos », « le mal des montagnes de Marcos », « l’intolérance de Marcos », « le radicalisme de Marcos ».
Dans le cadre d’une des présentations du livre Noches de Fuego y Desvelo (Nuits de feu et de veille), une journaliste m’expliquait la féroce fermeture d’esprit et la calomnie répétée envers la parole des zapatistes dans des milieux auparavant ouverts et tolérants, l’attribuant au fait qu’« ils ne comprennent pas ce que c’est que d’être conséquents ».
Bref, ce que je tiens à faire remarquer est que, au cours des trois dernières années, c’est le regard que vous portez sur nous qui s’est fait le plus connaître.
On a fait des photos, des films, des enregistrements, des reportages, des interviews, des chroniques, des articles, des essais, des thèses, des livres, des conférences et des tables rondes avec votre regard nous regardant.
Je n’insisterai pas sur des détails, comme le fait que certaines personnes ont écrit des livres entiers sur le zapatisme sans être allés plus loin que San Cristóbal de Las Casas, que d’autres se présentent comme s’ils vivaient dans les communautés zapatistes alors qu’ils vivent dans la froide et orgueilleuse Jovel, ou encore le cas extrême de Carlos Tello Díaz, qui a écrit une prétendue histoire de l’EZLN reposant sur des informations fournies par les services de l’intelligence mexicains, qui n’ont rien, qu’il me soit permis de le dire, d’intelligent.
Je préfère faire remarquer que votre regard n’est pas seulement du dehors et qu’il ne fait pas que choisir une seule manière de nous voir (une optique, disait don Jorge), mais qu’il choisit aussi de ne regarder qu’une partie de ce que nous sommes.
Hier, je signalais que les zapatistes admettaient aisément qu’ils ne sont pas capables (et ne le veulent pas, d’ailleurs) d’intégrer l’ensemble du mouvement antisystème mexicain.
Il semble que le regard que vous portez sur nous devrait, lui aussi, admettre qu’il n’est pas en mesure de saisir tout ce qu’a été, est, signifie et représente notre mouvement.
Nous ne vous demandons pas de faire preuve d’humilité - même si je pense que beaucoup d’entre vous auraient bien besoin d’un stage sur la question -, mais d’honnêteté.
Votre regard de chercheurs en sciences sociales, d’intellectuels, de théoriciens, d’analystes ou d’artistes est aussi bien une fenêtre qui permet à d’autres au féminin et au masculin de nous regarder.
En règle générale, on n’a pas conscience que cette fenêtre ne montre qu’une petite partie de la vaste demeure des zapatistes, aussi conviendrait-il de prévenir ceux qui nous voient à travers votre regard de cet état de fait.
Il y a quelques années, une compañera de la ville effectuait son propre bilan de l’histoire du zapatisme depuis 1994 et concluait qu’elle avait « participé à tout ».
Ce n’était pas vrai car elle oubliait dans ses comptes qu’il n’y figurait que les manifestations extérieures publiques du zapatisme.
Elle ne pouvait y incorporer des choses et des faits que les mots ne suffisent pas à décrire : la résistance quotidienne et héroïque des communautés, la patience obstinée des troupes insurgées, les allées et venues silencieuses à travers tout notre territoire des dirigeants de notre organisation. Bref, le zapatisme, ce qui maintient et donne tout son sens à ce qui est regardé, écouté, touché, goûté, pensé et senti.
Je n’ignore pas que ma position en tant que Sup me permet d’avoir un regard privilégié sur ce que nous regardons en nous regardant. Mais je vous avoue que je ne parviens pas à voir tout dans le moindre détail et que, comme l’avouait Ronco ce matin, je ne cesse de m’étonner et de rester pantois d’admiration avec le peu qu’est capable d’en saisir un cœur meurtri, tout rapiécé et plein de cicatrices qui ne se referment pas, fort heureusement.
Je vous le dis avec ce cœur meurtri dans la main : au sein du zapatisme, le privilège du regard n’est pas un privilège individuel mais collectif.
J’ajoute que dans notre regard porté sur vous il y a toujours eu un réel effort pour vous comprendre, pas pour vous juger.
« Pourquoi ? » Voilà la question posée par notre regard quand il se porte sur vous.
« Pourquoi disent-ils ce qu’ils disent, pourquoi pensent-ils ce qu’ils pensent, pourquoi agissent-ils ainsi ? »
Le fait est que nos questions restent presque toujours sans réponse, mais bon, c’est pareil pour nous. Après tout, avec nous, au masculin et au féminin, on peut être tranquille, il y a toujours plus de questions et de doutes que de certitudes et de réponses.
Je ne vous le dis pas pour vous demander une réciprocité car je vous assure que dans la plupart des cas, outre le respect, nous n’avons pour vous que gratitude.
C’est simplement pour que vous pensiez à tout ce qu’inclut, et exclut, un regard.
*
Corrigez-moi si je fais erreur, mais il me semble que c’est Paul Éluard qui a dit : « Le monde est bleu comme une orange. »
J’ai vu aussi quelques-uns de ces clichés pris de l’espace, où l’on voit la Terre bleue, et en effet, elle pourrait bien être une orange.
Parfois, dans ces petits matins qui me voient déambuler sans pouvoir trouver le repos, je réussis à grimper sur une volute de fumée et, de tout en haut, je nous regarde.
Je vous assure que ce que l’on voit de là-haut est si beau que ça fait mal aux yeux de le regarder.
Je ne dis pas que ce soit parfait, ni achevé, ni qu’il n’y ait pas des trous, des irrégularités, des blessures qui restent à fermer, des injustices à régler, des espaces à libérer.
Mais pourtant, elle tourne !
Comme si tout le mal que nous sommes et que nous portons avec nous se mêlait étroitement au bon que nous pouvons être et que le monde entier redessinait ses contours géographiques et que son temps s’ajustait à un autre calendrier.
Comme si un autre monde était possible, quoi.
Après ça, j’arrive ici et j’entends quelqu’un dire que nos peuples sont ignorants.
Moi, je bourre de tabac ma pipe, je l’allume et je dis :
« Foutre ! Quel honneur est le mien de pouvoir être l’élève d’une si riche et si abondante ignorance ! »
Merci de neuf.
San Cristóbal de Las Casas, Chiapas, Mexique.
Décembre 2007.
Messages
1. Hay otro mundo pero es en éste, 21 octobre 2013, 17:20
Paul Eluard a aussi dit : "il y a un autre monde mais il est dans celui-ci" ...
Il y a bien des formes à l’ignorance avec des définitions correspondantes. Une des formes de l’ignorance est un espace vide créé et prêt à être rempli par le regard (ou la vision) personnel d’un-e-s individu-e-s.
Le capitalisme et son organisation conduisent à l’ignorance. L’ignorance concevant un espace vide et libre, nous avons toutes nos chances pour réussir les créations du monde que nous voulons !
Salutations aux couleurs de l’automne,
Maya