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Mexique, élections et peuples indigènes

samedi 30 juin 2012, par Francisco López Bárcenas

Ce 1er juillet, quand les membres des divers peuples indigènes du Mexique se déplaceront pour élire le prochain président de la République, pour renouveler le pouvoir législatif ou n’importe quel autre poste à responsabilité locale, ils le feront en sachant pertinemment que pendant la campagne aucun des candidats à ces postes n’a pris sérieusement en compte les demandes et les aspirations de nos peuples. La candidate du Parti d’action national les a complètement ignorées ; celui du Parti révolutionnaire institutionnel y a fait référence et a promis de continuer à fournir une assistance — soit très peu — tandis que le Mouvement progressiste [1] a, d’une part, pris position en faveur de ces demandes et, simultanément, s’est déclaré favorable à la poursuite des mégaprojets contre lesquels ces peuples luttent, car ils violent leurs droits et menacent leur futur.

De nombreux citoyens se demandent pourquoi les candidats devraient se prononcer sur la question des peuples indigènes ; il y a plusieurs façons de leur répondre. L’une d’elles est que les peuples indigènes existent et ont des droits reconnus que, jusqu’à présent, l’État n’a pas respectés, ce qui pose la question de savoir ce que pensent faire les prochains fonctionnaires. Officiellement, il existe au Mexique soixante-deux peuples indigènes qui représentent au moins dix pour cent de la population mexicaine, un pourcentage non négligeable en terme de voix et c’est bien cela qui intéresse les candidats et les partis ; mais aussi et surtout c’est parce que ces peuples sont dans une grande mesure les propriétaires d’une partie importante du territoire national et des ressources naturelles qui y sont localisées ; chacun de ces peuples a sa propre culture, à partir de laquelle il forge sa propre conception du pays et de son avenir, celui de la nation et le leur.

Parce qu’ils n’acceptent pas cette situation, actuellement plusieurs peuples indigènes luttent contre l’État et contre des entreprises de natures diverses qui violent leurs droits. Parmi ces luttes, les plus notables sont celles qui les opposent aux compagnies minières, aux sociétés qui tentent de privatiser l’eau, les forêts et la terre, qui les empêchent de pêcher dans les mers qui touchent leurs villages pour se procurer leur nourriture ou qui envahissent leurs territoires pour profiter de la force éolienne et produire une énergie dont ils ne tirent aucun profit. Il s’agit de projets dont le dénominateur commun est le pillage du patrimoine des peuples indigènes. Mais il existe d’autres luttes qui, face à l’incapacité de l’État, essaient de construire des gouvernements et des systèmes propres. En guise de synthèse, tandis que les partis se battent pour prendre le pouvoir, les peuples luttent pour leur autonomie.

Dans les circonstances politiques actuelles, les élections pour l’obtention de responsabilités publiques et la lutte pour l’autonomie sont deux voies bien distinctes, qui ne peuvent que difficilement se rencontrer, car la structure actuelle de l’État, qui va se doter de nouveaux fonctionnaires et de nouveaux représentants populaires, empêche le plein exercice des droits pour lesquels les peuples indigènes se battent. Beaucoup ne comprennent pas cette situation ; c’est pourquoi ils s’étonnent de ce que les peuples ne s’expriment pas nettement sur les élections, et, plus spécifiquement, qu’ils ne prennent pas position en faveur d’un candidat particulier ; mais les peuples qui luttent pour leurs droits savent que, quel que soit le vainqueur, il faudra qu’ils continuent à se battre pour leurs droits. Qui peut gagner n’est pas indifférent, mais ils ne voient pas pourquoi ils se prononceraient là-dessus.

C’est pourquoi il est à peu près sûr que, dimanche, à l’heure de voter, les citoyens appartenant aux peuples indigènes ne voteront pas de façon uniforme. Pour le choix du président de la République, beaucoup voteront pour le candidat du Mouvement progressiste, mais ces mêmes électeurs voteront sûrement contre certains candidats à la députation de cette coalition politique, car ce sont eux qui, souvent, s’opposent à leurs luttes. D’autres, certainement, ne voteront pas, déçus par le mode de désignation des candidats, par l’absence de propositions ou par l’indifférence envers leurs combats. Enfin, ne manqueront pas ceux qui émettent des déclarations enflammées à l’adresse de la classe politique pour exiger, au nom des peuples indigènes, des espaces à l’intérieur de la bureaucratie étatique. Tant pis pour eux et pour ceux qui les suivent. Les peuples indigènes suivent une autre voie.

Francisco López Bárcenas
La Jornada, Mexico, 29 juin 2012.

Traduit par Silfax.

Notes

[1« Mouvement progressiste » est le nom adopté par une coalition électorale de circonstance, comprenant le Parti de la révolution démocratique (PRD, centre gauche), autour de la candidature d’Andrés Manuel Lopez Obrador à la présidence de la République (note de « la voie du jaguar »).

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