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En haut et en bas : la situation au Mexique à la mi-2007

lundi 11 juin 2007

Mai 2007.

Nous remercions La Otra au Nayarit, le Parti des communistes et les Jeunesses communistes du Mexique de cette occasion qu’ils nous ont donnée de dire notre parole. Nous en profiterons pour vous présenter quelques-unes des réflexions que nous avons tirées de cette deuxième étape de l’Autre Campagne dans le nord de notre pays. Sans être vraiment définitives, elles n’en représentent pas moins le regard que nous portons, nous les zapatistes, et la façon dont nous voyons cette plaie ouverte que nous appelons la patrie mexicaine.

I. La situation sur le plan national, en haut

Et comme nouveau symbole national mexicain... Un spot publicitaire !

Mexique, presque au milieu de l’année 2007. Au cours des six premiers mois du mandat de Felipe Calderón, c’est tout un mandat présidentiel de six ans qui s’est écoulé. Enfoui sous les jupes des uniformes vert olive des troupes de l’armée fédérale, Calderón ne cherche même plus à prétendre qu’il gouverne. Il n’est plus qu’un ornement décoratif supplémentaire du micmac des célébrations et des rassemblements militaires.

Heureux comme des fous, les gouverneurs et dirigeants de l’ensemble du spectre politique et la plupart des législateurs se précipitent pour former les rangs, tandis que la magistrature épluche avec une parcimonie calculée les restes de la Constitution et des garanties fondamentales des personnes qui y sont proclamées, tout occupés à empocher au plus vite leurs salaires et prébendes.

Divisée entre son engouement récent pour l’armée, les moyens de communication et l’Église, la classe politique mexicaine admet que désormais elle n’est plus en mesure de gouverner. Comme dans la cour d’un royaume décadent, ces bouffons qui posent aux nobles et aux vice-rois cherchent dans l’aberration et dans la force l’aval que la légitimité leur refuse depuis belle lurette.

Cependant, l’armée et l’Église, elles aussi, sont soumises à la dictature des médias. Leur prestige ou leur discrédit dépend en effet des diktats des rédactions des médias de la presse écrite et électronique.

Le vert olive est à la mode ? Alors, chantons tous ensemble les louanges d’une armée effectuant un travail de police intérieure, donc en violation des principes républicains fondamentaux et de leurs lois. Mais, s’il est vrai que les baïonnettes peuvent servir à beaucoup de choses, en tout cas on ne peut pas s’asseoir dessus.

Les soldats ne sont pas photogéniques mais les chaires, si ? Alors, courtisons évêques et cardinaux. Au diable la Constitution et la tradition laïque de l’État mexicain ! Il faut survivre, et au Mexique, aujourd’hui, la survie politique dépend de la durée des apparitions à la télévision et dans les médias. Le « taux d’audience » est le nouvel indice de valeur politique. La « réalité » dont ils parlent n’est plus construite que par les entreprises de sondage.

En haut, quelque chose s’est passé qui fait qu’il n’y a plus ne fût-ce que l’apparence d’un savoir-faire politique... ou de dignité.

Désormais, ce sont les moyens de communication qui dictent la marche à suivre, et non les héros nationaux, les fêtes et les costumes traditionnels, le sport, les rapports du gouvernement local et du cabinet présidentiel.

Maintenant, ce sont les nouvelles débitées aux journaux télévisés et radiodiffusés ou la une des journaux qui nous dictent et dictent au monde entier de quoi il retourne au Mexique.

Un simple regard un tant soit peu critique suffit pour se rendre compte que le système politique mexicain est moribond, instable, sans plus aucune base solide.

La situation du pays, par quelque côté qu’on l’aborde, est une véritable catastrophe.

L’économie nationale a été abandonnée, livrée aux aléas du marché international.

Le système de sécurité sociale n’est plus qu’un tas de déchets en vente au plus offrant.

Le système d’enseignement public n’est plus qu’une rubrique reléguée la plupart du temps aux pages de la chronique sociale dans les suppléments du journal du dimanche.

Le système de santé est un centre commercial délabré, sale et inefficace dont la gestion patauge entre les produits de marque et les produits génériques.

Rien, absolument rien de ce qui constituait la colonne vertébrale de l’État national n’est encore debout.

Ingénue, la classe politique mexicaine s’était imaginée qu’il suffirait de prendre la relève du PRI dans la gestion et la vente de cette « corne d’abondance » dénommée le Mexique.

Mais voilà qu’avec le PRI, ce qui s’est écroulé c’est bien plus que sa domination et son hégémonie. Et ce qui s’est passé là-haut, au niveau des « politiciens professionnels », ne représente qu’un pâle reflet de ce qui s’est passé et de ce qui se passe au niveau des fondations de l’État-nation mexicain.

Avec les fondations, ce sont les « règles » non écrites d’autrefois du système politique mexicain qui ont été emportées. Et notamment une règle qui a joué un rôle fondamental, celle de la succession présidentielle. Cette tradition mexicaine que l’on appelait « se couvrir les uns les autres » (el tapadismo) est morte et enterrée.

Voilà les temps qui courent aujourd’hui...

Ne disposant même pas de la marge étriquée de manœuvre qui avait permis à Fox de survivre au début comme gouvernant, Felipe Calderón constate avec désespoir qu’il n’a même pas le soutien de son propre parti. Son mandat effectif a pris fin le jour même où il a quitté comme un voleur le Congrès mexicain après son entrée en fonction chaotique.

Surnager dans les médias n’a pas suffi et tout indique que déployer la troupe sur les axes routiers et dans les villes du pays ne suffira pas non plus.

De sorte que la course à l’élection présidentielle a déjà démarré.

Les candidats au poste ont déjà été choisis, ou presque. Marcelo Ebrard et Andrés Manuel López Obrador, pour le PRD ou pour le nouveau parti qu’il est en train de former ; Enrique Peña Nieto et Beatriz Paredes pour ce tas de décombres nommé le PRI ; sans compter une Martha Sahagún sur le point d’effectuer un come-back, pour le PAN, ainsi qu’un Ramírez Acuña qui a plus l’air d’un geôlier que d’un homme politique.

L’engouement dont la classe politique mexicaine fait preuve pour cette farce insoutenable qu’est la lutte contre le narcotrafic (personne n’ignore qu’il ne s’agit que de la lutte du cartel de Los Pinos pour s’emparer du contrôle de ce trafic) sert à cacher deux choses :

- La criminalisation de la lutte sociale, afin de contrôler les parcelles de pouvoir qu’elle possède encore ;

- Le fait que la focalisation des médias sur le sang versé dans cette « guerre » pourtant perdue d’avance permet aux hommes politiques mexicains de mesurer l’impact que « la poigne de fer » a dans les sondages.

C’est pourquoi tous les aspirants à être candidat en 2012, sauf López Obrador et Martha Sahagún (sans doute parce que ni l’un ni l’autre ne possède l’appareil adéquat pour livrer cette bataille), exhibent leurs forces, déguisées en « ordre ». Remarquons tout de même que les démonstrations en ce sens de Marcelo Ebrard, au lieu de provoquer l’écœurement et une levée de boucliers, lui valent les applaudissements d’une intelligentsia progressiste toujours plus à côté de la plaque.

Les « non » qui s’élèvent contre le gouvernement de Felipe Calderón proviennent de l’ensemble du spectre politique. Bien qu’ils soient prononcés avec de moins en moins de ferveur, coup d’µil prudent aux sondages oblige, les critiques et le « non » lancés par le PRI, le FAP et le mouvement « lopézobradoriste » contre le gouvernement de Calderón ne semblent rien vouloir dire d’autre que : « Moi, je ferais pareil, mais en mieux ! » Et sur ce terrain, le PRI a une longueur d’avance, parce qu’on ne peut pas s’empêcher de ricaner en entendant un parti qui s’est maintenu au pouvoir pendant des dizaines années grâce à la répression critiquer les tendances carrément dictatoriales d’un Felipe Calderón Hinojosa.

Mais, de toute façon, les « oui » veulent dire la même chose : oui à la politique économique, oui à la répression, oui à la spoliation, oui à l’exploitation, oui au mépris.

Tandis que l’année 1994 avait montré la profonde crise dans laquelle était plongée l’ensemble de l’appareil d’État - pouvoir exécutif, pouvoir législatif et pouvoir judiciaire -, l’année 2007 encore toute jeune nous montre que cette crise affecte maintenant également l’Église, l’armée et... le seul élément encore solidement ancré qui restait à la politique d’en haut : les moyens de communication.

Les journaux perdent toujours plus de lecteurs, tandis que l’audience et la crédibilité des journaux télévisés et radiodiffusés ne cessent de chuter.

Quand les hommes politiques ne parviennent plus à convaincre, quand les chaires ne persuadent plus, quand les actualités n’influencent plus, quand les institutions ne contrôlent plus et quand les prisons se remplissent d’opposants participant à la lutte sociale, c’est qu’il ne manque plus grand-chose pour que même les baïonnettes ne fassent plus peur...

II. La situation au niveau national, en bas

Et en guise de territoire national, une parcellarisation aux mains de puissances étrangères.

Quatre, c’est le nombre de roues sur lesquelles avance, tue et ravage la nouvelle conquête capitaliste dans le Mexique d’en bas : spoliation, exploitation, répression et ostracisme.

La spoliation. Au Mexique, l’actuelle spoliation de terres et le pillage des ressources naturelles, qui atteint des sommets inédits depuis la « Conquête » et la « colonisation », ressemble à une gigantesque fraude fiscale soutenue par les lois.

Alors qu’autrefois c’était l’or et l’argent, aujourd’hui, l’eau et la terre sont les richesses que se disputent les étrangers.

Alors qu’autrefois le sabre et le goupillon étaient les instruments privilégiés de la domination, aujourd’hui, ce sont les lois et les traités internationaux qui légalisent le pillage effréné du territoire national.

Alors qu’autrefois la troupe et le clergé constituaient le gros des conquistadores, aujourd’hui, ce sont les législateurs et les fonctionnaires qui conquièrent et réclament le sol de la patrie et ses richesses au nom du drapeau étranger de l’argent.

Le fait que ce soit les peuples indiens qui sont les principales victimes de cette guerre de nouvelle conquête n’a rien de nouveau. Mais aujourd’hui des millions de travailleurs de la campagne et de la ville viennent rejoindre la foule des dépossédés. Les terres, mais même les logements et le petit commerce sont expropriés à coup de subterfuges pseudo-légaux ou dans la plus totale impunité, comme cela s’est passé dans le quartier de Tepito, à Mexico, qui a subi les assauts du gouvernement PRD de Marcelo Ebrard.

Ce n’est pas tout. Les millions de migrants obligés de s’exiler aux États-Unis en quête de conditions de vie décentes sont expropriés, eux aussi, de leur patrie. Des États mexicains entiers, qui exportaient autrefois des aliments et des produits manufacturés, exportent aujourd’hui des femmes et des hommes comme main-d’œuvre qui auront à subir le calvaire des sans-papiers avant de décrocher un emploi stable dans une société qui n’est pas la leur, qui les agresse et les méprise.

Le vol qui a lieu sur le sol mexicain est si énorme et éhonté qu’il constitue, au sens strict, pour reprendre l’expression de Salvador Castañeda, originaire du Nayarit, une spoliation du territoire national.

Et en tant que tel, il est du devoir de tout Mexicain et toute Mexicaine honnêtes de le stopper et d’inverser la vapeur.

L’exploitation. Le grand mensonge, le plus flagrant, des derniers gouvernants du PAN, c’est l’emploi. Il ne s’agit même plus de précarisation de l’emploi, de travail sans sécurité de l’emploi, sans contrat et sans salaire garanti. Maintenant, il y aussi le licenciement massif, le manque de débouchés des travailleurs qualifiés, la criminalisation du commerce informel, l’absence de soutien aux entreprises nationales et le démantèlement des entreprises étatiques livrées de surcroît aux compagnies étrangères.

Les grandes firmes internationales, qui ont ravagé ce qui constituait autrefois l’entreprise nationale pour la convertir en société de connivence et autre prête-nom, non seulement ne fournissent pas de meilleures conditions de travail à leurs employés, mais exigent d’eux un surcroît d’exploitation et entraînent l’augmentation du travail des enfants et la surexploitation des femmes au nom de la ségrégation de genre.

Les travailleurs fonctionnaires ou assimilés, qui jouissaient autrefois d’une meilleure situation grâce à leurs acquis obtenus de haute lutte, en sont aujourd’hui pratiquement rendus à la même précarité que les travailleurs des maquilas, les ateliers semi-clandestins.

Les travailleurs et travailleuses du Mexique, à la ville comme à la campagne, mènent une existence qui semblait ne pas pouvoir exister : de pires conditions d’exploitation que sous Porfirio Díaz... Ou sous le régime colonial !

Cependant, les luttes contre les amendements de la loi de l’ISSSTE (sécurité sociale et travail) pour obtenir de meilleures conditions de travail, un meilleur salaire et la baisse des prix des biens de première nécessité sont toujours plus nombreuses et augmentent aussi en radicalité.

Aujourd’hui, les enseignants pour la démocratie sont en première ligne, mais de plus en plus de secteurs de travailleurs les rejoignent.

Dans la rue, la rébellion et les exigences de justice ont refait leur apparition.

La répression. La scandaleuse et illégale condamnation à plus de soixante ans de prison qui est venue frapper les dirigeants du Front des communes en défense de la terre, le FPDT de San Salvador Atenco, ainsi que l’illégalité du maintien de dizaines d’innocents dans les geôles de l’État de Mexico pour les événements de l’an dernier ne sont qu’un échantillon de la longue liste des agissements corrompus du pouvoir judiciaire mexicain.

Cependant, le gouvernement de Felipe Calderón n’est pas seulement en train de se préparer à lancer une vaste campagne de répression sélective, qui était jusqu’alors la marque de fabrique des gouvernements successifs du PRI. Ce n’est pas les services secrets de l’État que Calderón est en train de renforcer, mais l’armée. Or l’armée mexicaine est traditionnellement employée pour une répression massive.

Les choses étant ce qu’elles sont, ce ne sont pas seulement les opposants, les militants de la lutte sociale et les mouvements populaires qui sont visés. Tous les individus, qu’ils aient quelque chose à voir ou non avec la lutte, sont la cible du rouleau compresseur militaire. Les opérations récentes déclenchées au Michoacán et dans d’autres zones de la République mexicaine, avec leur cortège d’arrestations arbitraires et de violations des droits humains fondamentaux, démontrent que plus personne n’est à l’abri. Faire sortir la troupe des casernes, c’est facile. Mais faire rentrer l’armée dans les rangs, c’est une autre paire de manches. En effet, le problème c’est que l’armée se comporte comme face à un ennemi et non pas face à ses concitoyens.

Au Mexique, les prisons se remplissent toujours plus de personnes qui luttent pour leurs droits sociaux et d’innocents victimes de l’arbitraire d’un système judiciaire ridicule et en pleine décomposition. Et pendant ce temps-là, les véritables criminels s’achètent des candidatures aux élections et accèdent au gouvernement.

Les organisations non gouvernementales qui défendent les droits humains et les libertés fondamentales n’échappent pas non plus à la persécution et au harcèlement.

L’ostracisme. Traditionnellement objet de mépris, les indigènes sont aujourd’hui rejoints par les jeunes, les femmes, les personnes différentes de par leurs choix sexuels et leurs options sentimentales. Ensemble, ils subissent l’incompréhension et le mépris d’une morale fasciste qui se veut le nouveau dieu dictant ses commandements à son bon vouloir et en son temps, avec le soutien entier des arbitres de chaires, des tribunes législatives et des sièges de cabinet gouvernemental.

Désormais, le racisme n’est plus seulement culturel et calqué sur les us et coutumes d’une droite toujours plus combative. Aujourd’hui, ce sont des lois, parfois dictées par des gouvernements « de gauche », qui viennent criminaliser la différence, qui banalisent la persécution de cette différence et qui font des meurtres de femmes et d’homosexuels des « crimes passionnels ».

En résumé...

Les dispositions et les actions du gouvernement de Calderón confirment l’analyse que nous avions faite vers le milieu de l’année 2005, à savoir : notre pays va vers une explosion sociale.

Face à cette explosion, quatre alternatives se présentent : un, celle de Calderón, qui est l’emploi de la force tous azimuts, autrement dit le déclenchement d’une répression massive ; deux, un contrôle graduel et démobilisateur, autrement dit l’activation de forces qui promettent une relève réformiste pour 2012, un changement sans rupture ; trois, l’avènement du chaos et de la guerre civile ; quatre, le succès d’un projet anticapitaliste et de gauche, autrement dit celui des organisations, des groupes, des collectifs, des familles et des individus de l’Autre Campagne.

III. L’Autre Campagne. L’heure de la définition

Loin d’un bord ou de l’autre, le mouvement social qui se fait appeler « l’Autre Campagne » se détermine peu à peu. Il se définit progressivement toujours plus, outre sur des questions fondamentales, et acquiert toujours plus une identité.

Luttant contre des tendances centralisatrices, dominatrices et uniformisatrices, l’Autre Campagne construit peu à peu un cadre qui respecte les milieux, l’indépendance et l’autonomie de ses parties intégrantes. Un peu comme si un tout se formait en ce qui concerne les décisions et les actions fondamentales et que chacune de ses parties apparaissait dans la discussion, la réflexion, le débat et les décisions et actes particuliers.

Il se trouve que l’Autre Campagne a survécu en tant qu’organisation alternative à la gueule de bois d’après les élections ; qu’elle continue de se montrer active dans la lutte pour la liberté et la justice pour nos prisonniers et pour nos prisonnières ; qu’elle est toujours plus nommée et prise en compte par les luttes populaires d’en bas ; que les organisations, groupes et collectifs qui en font partie augmentent en nombre et en qualité ; que la connaissance mutuelle des participants a progressé, et avec elle le respect entre gens différents.

IV. Les tâches dans l’immédiat, selon les femmes et les hommes zapatistes

1. Une communication fluide. Ceux et celles qui font partie de l’Autre Campagne ont besoin d’une plus grande fluidité dans la communication, ce qui permettra de donner plus de continuité à la rencontre mutuelle de ceux et celles qui sont « les Autres », de faire grandir le respect et la camaraderie et que se forment de nouvelles alliances.

2. Un réseau en vue d’actions unitaires pour renforcer et faire croître les résistances. Pas uniquement face à la répression, mais aussi pour développer une autre culture, un autre art, une autre Autre Chose.

3. Le Forum national contre la répression

Un nombre important d’organisations, de groupes, de collectifs et de personnes adhérentes à la Sixième Déclaration de la forêt Lacandone, dont les zapatistes, se font l’écho des considérations et des propositions lancées par la Conférence des organisations anticapitalistes de gauche (COPAI-Mexique) lors du Forum national contre la répression qui a eu lieu le 6 mai dans le DF.

Nous considérons que le combat contre la répression sous toutes ses formes et à tous les niveaux représente une priorité nécessaire et urgente. Répression qui est lancée par les institutions de l’État mexicain contre les opposants participant à la lutte sociale. Nous sommes convaincus que l’organisation indépendante et la mobilisation consciente de ceux d’en bas constituent la seule garantie de pouvoir stopper et empêcher les attaques que les puissants et leurs gouvernements ont lancées contre notre peuple.

Aussi avons-nous appelé tous les adhérents à la Sixième Déclaration de la forêt Lacandone et membres de l’Autre Campagne, qu’il s’agisse de collectifs, d’organisations, de familles ou d’individus, à participer au :

Forum national contre la répression

organisé le dimanche 10 juin 2007, à partir de 10 heures, rue Doctora Carmona y Valle, 32, Colonia Doctores, DF.

V. Les batailles à venir

Ces batailles seront livrées pour des revendications qui ont à voir avec notre survie comme travailleurs et comme nation. Les anciens étendards de la liberté, de la justice et de la démocratie ressurgiront, adaptées au moment, dans les mains des hommes, des femmes, des enfants et des anciens du Mexique.

Elles exigeront un logement digne, la terre, le travail, la santé, l’éducation, l’alimentation, le respect des droits et de la culture indigènes, le respect de la différence, la défense de l’environnement, l’information vraie et opportune, l’art et la culture, l’indépendance, la justice, la liberté et la démocratie. Autrement dit, c’est la paix véritable qu’exigeront et commencent d’exiger, toujours plus, de telles luttes, dans la rue, sur les côtes, dans les montagnes, dans les campagnes, dans les quartiers, dans les colonias, dans les écoles et les universités, dans les usines et les commerces. Bref, dans ce Mexique d’en bas, ce Mexique dont le dictionnaire ne contient ni le mot résignation et ni le mot reddition.

VI. Le lendemain qui est en gestation dans la nuit d’en bas...

Tout au long des deux années écoulées depuis ce mois de juin 2005 où la Sixième Déclaration de la forêt Lacandone a été publiée, l’EZLN d’abord, puis les organisations, les groupes, les collectifs, les familles et les individus qui sont restés fidèles à l’Autre Campagne ont été accusés de sectarisme et de marginalité.

Bien que nous ayons plus d’une fois insisté pour que ceux qui nous critiquaient de la sorte tentent de comprendre ce que nous proposions, nous n’avons récolté que dédain et superbe de la part des gens qui ont voulu croire que le lendemain se conquiert au prix du moindre effort.

C’est parce que nous ne marchons pas en arrière ou en avant de ceux qui suivent un autre chemin ; c’est parce que nous n’avons pas le regard fixé sur l’endroit où d’autres déposent leurs espoirs et leurs illusions ; c’est parce que nous ne sommes pas béats d’admiration devant la simple quantité sans lien organique, c’est pour cela que l’on nous targue de tous les « ismes » à portée de main (il n’y en a même pas tant que ça, finalement ; en plus ils ne se creusent même pas la tête) et qu’on nous rejette hors de l’histoire.

Mais il se trouve que cette histoire à laquelle là-haut on aspire, ne sera pas.

Il se peut que le conformisme, la résignation et le cynisme constituent une mode indubitable, hors de question et imbattable.

Il se peut que la liberté et la justice semblent impossibles la veille.

Mais il se peut aussi que la rébellion commence à s’écrire petit à petit et en petit nombre.

Car dans le calendrier d’en bas, les aiguilles de l’horloge de ceux qui font tourner les roues de l’histoire approchent d’une date qui se répète tous les siècles : la lutte pour la liberté, pour la justice et pour la démocratie pour le Mexique.

Parce que le lendemain, c’est dans la nuit qu’il germe.

De Tepic, dans l’Autre Nayarit,
sous-commandant insurgé Marcos.
Mexique, mai 2007.

Traduit par Ángel Caído.

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