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Mexique

AMLO à l’œuvre : des mégaprojets à la militarisation

jeudi 27 juin 2019, par Caitlin Manning

Caché derrière son masque de progressiste, le président mexicain AMLO fait l’apologie d’un régime néolibéral et la promotion de mégaprojets fort controversés.

Une bonne part de la gauche, tant au Mexique qu’à l’étranger, saluèrent l’arrivée du nouveau président mexicain dans l’espoir que son discours autour d’une « quatrième transformation » augurait d’une nouvelle ère de changement positif au Mexique. Andrés Manuel López Obrador (AMLO) avait même réussi à convaincre un certain nombre de groupes de résistance indigènes que son gouvernement serait favorable à leurs luttes contre les mégaprojets extractivistes néolibéraux qui ravagent leurs terres.

Richard Gere, défenseur des droits des peuples indigènes, rencontra AMLO au Palais national et même Noam Chomsky se déclara favorable à AMLO après s’être entretenu avec lui lors de sa campagne l’année dernière.

Le « Plan de développement national » dévoilé par Obrador en janvier se lit comme un rêve de gauche devenu réalité : il critique le néolibéralisme et le Consensus de Washington, favorise les énergies renouvelables et l’autonomie agricole et, bien sûr, défend les pauvres et les démunis. Le plan fut mis en avant comme un renouvellement moral et invoquait même une éthique prétendant « commander en obéissant » (mandar obedeciendo), une célèbre formule zapatiste qui résume leur engagement à pratiquer l’autogouvernement à partir de la base.

Six mois plus tard, AMLO a démontré qu’il n’en est rien.

Dans la pratique, sa présidence n’est qu’une poursuite du régime néolibéral et du clientélisme qui caractérise l’État mexicain depuis toujours. Comme tant d’autres gouvernements précédents, celui d’AMLO utilise l’obole publique pour diviser les communautés et saper les efforts d’organisation autonome qui menacent la classe capitaliste protégée par AMLO.

Parmi les groupes qui se font le plus entendre contre AMLO on trouve les zapatistes, le Congrès national indigène, le Mouvement pour la défense de la terre et du territoire et les nombreuses résistances locales qui ont réussi jusqu’à présent à faire obstacle à des dizaines de projets d’investissements destructeurs.

En créant l’Institut national des peuples indigènes pour gérer les questions liées aux peuples indigènes, son intention était clairement de miner des organisations comme le Congrès national indigène, un mouvement indigène de résistance axé sur la défense de la terre et des ressources et la protection de la culture indigène.

Les tergiversations et les fausses promesses du gouvernement AMLO ressemblent à s’y méprendre aux gouvernements de deux autres dirigeants « progressistes » en Amérique du Nord : celui de l’ancien président des États-Unis Barack Obama et celui du Premier ministre actuel du Canada, Justin Trudeau.

AMLO est un grand maître du double langage : il prétend s’opposer aux privatisations et aux OGM, il annule le nouvel aéroport et les « zones économiques spéciales » et il met en œuvre d’autres mesures qui favorisent des segments spécifiques de la population tels que les plus de soixante-huit ans à la retraite, les lycéens, les étudiants qui cherchent une formation professionnelle et les travailleurs au SMIC, qui passe d’environ 4,20 € à un peu plus de 5 € par jour dans la plupart du pays, et jusqu’à un peu moins de 8,80 € par jour dans la zone frontalière afin d’apaiser les demandes du gouvernement de Trump de réduire l’émigration vers les États-Unis en augmentant les salaires à la frontière.

En même temps, AMLO assure aux élites du monde des affaires qu’il n’y aura aucun changement radical dans son gouvernement, ni d’abandon des réformes structurelles responsables de l’inégalité croissante, de l’accaparement des terres, de la dégradation de l’enseignement public, d’une dépendance accrue à l’égard des importations agricoles, de la dévastation de l’agriculture paysanne face à une agro-industrie subventionnée et des dizaines de projets extractivistes catastrophiques pour l’environnement contrôlés par des entreprises internationales.

La stratégie d’AMLO semble s’orienter vers le démantèlement d’un bloc de capitalistes privilégiés par les gouvernements néolibéraux antérieurs à la faveur d’un autre bloc du capital qui lui sera fidèle. Pour mieux comprendre les vrais moteurs du nouveau gouvernement cachés derrière un masque progressiste, il convient de se pencher sur quelques exemples clefs des politiques d’AMLO en matière de mégaprojets.

La « stratégie mégaprojet » d’AMLO

AMLO fait avancer des projets massifs que les gouvernements précédents avaient été forcés de suspendre face à la résistance locale, souvent indigène, et aux contestations juridiques. Au mois d’avril, AMLO déclarait la fin des « zones économiques spéciales » créées par son prédécesseur, Enrique Peña Nieto, en vue de privilégier d’autres mégaprojets qui, selon lui, amélioreront le développement régional : le Train maya, une nouvelle raffinerie dans l’État de Tabasco le long du golfe du Mexique, le couloir trans-isthme et le Plan intégral Morelos, tous entraînant des expropriations d’agriculteurs et de communautés indigènes. Pour certains de ces projets, un appel d’offres pour leur construction et leur gestion est déjà lancé auprès des multinationales.

AMLO s’appuie pour cela sur des référendums organisés à la va-vite destinés à contourner les « consultations » auprès des autorités indigènes requises par l’État lorsqu’un territoire indigène est touché. Cela tient de l’ironie — un phénomène cependant assez courant dans les régimes autoproclamés « de gauche » — qu’AMLO mette en branle des projets que les gouvernements précédents de droite et de centre-droit n’ont pas réussi à mettre en œuvre.

Le Train maya

Le Train maya, dont le nom reflète un grand cynisme, reliera Palenque à Cancún avec plusieurs arrêts sur la soi-disant Riviera maya. La voie ferrée couvrira 1 500 kilomètres et traversera sept États de la République. Le projet de cette nouvelle route ferroviaire se résume en une augmentation dramatique du tourisme promettant le développement économique pour les populations locales, la même promesse avancée par le gouvernement mexicain lorsqu’il se mit à promouvoir cette région comme paradis touristique au milieu des années 1980. Le financement des infrastructures de Cancún s’appuyait à l’origine sur des prêts de la Banque mondiale et de la Banque interaméricaine de développement, garantis par les vastes réserves pétrolières du Mexique.

La presse économique se réjouit des meilleures possibilités d’investissement dans la Riviera maya et AMLO prétend que Trump lui a envoyé un message lui promettant que les États-Unis investiront dans le train.

Ce que le gouvernement appelle « développement » se réduit à un luxe bon marché pour les étrangers aux dépens des travailleurs locaux et de l’écosystème. La région déborde déjà d’hôtels à grande surface, d’établissements de restauration fine et de boîtes de nuit qui permettent aux touristes des sociétés capitalistes avancées de jouir du luxe à peu de frais. Les hôtels proposent typiquement des prestations de 130 € à 350 € la nuit, tout compris, pour manger, boire, se détendre sur la plage et se faire divertir sans devoir mettre le pied en dehors du complexe hôtelier.

À titre comparatif, les bénéfices de cet arrangement pour l’économie locale sont minimes. Déjà en 2003, un journaliste rapportait qu’il est « bien plus facile de trouver une petite taquería ou une panadería (une échoppe de tacos ou une boulangerie artisanale) familiale dans le centre de Los Angeles ou de Chicago qu’à Cancún ». Aux touristes, on épargne le spectacle des quartiers souffrant misérablement d’un manque de services, localisés en dehors de la ville où demeure une armée de travailleurs des services, d’entretien et de construction, dont le salaire de départ se situe entre 160 € et 370 € par mois pour une semaine de six jours. On en imagine la portée dans une ville dominée par le tourisme international.

Depuis le début de l’essor touristique dans les années 1980, la côte caribéenne du Mexique souffre d’un saccage tragique de milliers d’hectares de forêts tropicales et de mangrove accompagné d’un accaparement des terres d’agriculteurs principalement indigènes : des zones autrefois riches en mangroves et en plages virginales sont aujourd’hui converties en terrains de jeux réservés aux touristes. Les sociétés tirant le plus de bénéfices sont de grands groupes hôteliers tels que les multinationales espagnoles Barcelo et Palladium, et des entreprises du BTP comme Obrascón Huarte Lain.

Même sans l’apport supplémentaire de quatre millions de nouveaux touristes par an acheminés par le Train maya, la durabilité de la zone côtière est menacée par des plages polluées, des récifs détruits par les eaux usées, les sargasses et la contamination des nappes phréatiques. Un tiers de la voie ferrée projetée traverse des forêts tropicales où se trouvent quelques rares sites restant dans le monde qui présentent une biodiversité extraordinaire, dont la Réserve de biosphère de Calakmul, la réserve de forêt tropicale la plus grande du Mexique et une des dernières forêts vierges tropicales subsistant en Mésoamérique, considérée comme contribuant de manière significative à la production d’oxygène dans l’hémisphère nord.

En plus d’un immense éventail de faune et de flore diverses, la zone subvient aux besoins de nombreuses communautés agricoles indigènes et contient des milliers d’anciennes structures mayas. Dans les zones côtières, le train passera à côté de la lagune de Bacalar, riche en mangroves et déjà compromise par les établissements touristiques. Les mangroves du Mexique comptent parmi les plus nombreuses du monde, mais elles disparaissent à la vitesse la plus élevée. Víctor Lichtinger, ancien ministre de l’Environnement du Mexique, nota : « Cependant, [la zone,] une fois pénétrée par le train, la conséquence incontournable sera le développement au dépens de la nature. »

D’autres opposants au projet, dont cent chercheurs et universitaires de la péninsule du Yucatán, ont écrit une lettre à AMLO soutenant que l’interruption des couloirs biologiques provoquera la diminution et l’extinction d’espèces vulnérables.

Les zapatistes et autres groupes indigènes du sud-est du Mexique qui adhèrent aux principes de l’autonomie, l’autogouvernement et la protection de l’environnement au titre de la défense de leurs terres et territoire, promettent de lutter contre le Train maya, « projet de la mort », qui, affirment-ils, sonnera le glas de l’environnement et partant de leurs communautés, qui jusqu’à présent ont survécu à cinq cents ans de colonialisme et d’extractivisme.

Les militants indigènes soutiennent, à juste titre au vu du bilan historique, que ce projet prépare le terrain pour de futurs mégaprojets extractifs que les transnationales piaffent d’impatience de démarrer, car il fournira les infrastructures critiques qui leur serviront à accéder à ces régions.

La raffinerie de Dos Bocas

En juillet 2018, après l’élection d’AMLO mais avant sa prise de fonction, le président annonce qu’il va construire une raffinerie pétrolière au port de Dos Bocas sur la côte du golfe dans son État d’origine, le Tabasco. La construction de la raffinerie est au point mort depuis des années pour cause de contestations juridiques qui reposent sur des rapports d’impact environnemental. Le gouvernement AMLO a recours à un argument familier : la raffinerie assurera l’indépendance énergétique du Mexique comme principe de sécurité nationale.

Au mois d’octobre suivant, une société douteuse engagée par Pemex (Petróleos de México, l’entreprise pétrolière d’État) aura procédé à la déforestation de 230 hectares de forêt de mangrove, de forêt tropicale et de terres agricoles qui servaient jusque-là à cultiver des mangues et des noix de coco.

Après l’arrivée au pouvoir d’AMLO, une déclaration d’impact environnemental datant de six ans établie pour un tout autre projet est revisitée pour justifier l’autorisation de la construction de la raffinerie. Au mois de mars, la ministre de l’Énergie, Rocío Nahle, annonce que cinq multinationales ont reçu un appel d’offres pour la construction de la raffinerie.

Mais, le 9 décembre, il faudra déplacer à un autre site la cérémonie marquant le premier jour de construction pour cause d’inondation du site de construction. Fernando Álvarez Noguera, un biologiste spécialiste des forêts de mangroves, n’est pas surpris. Il aura averti à répétition que la destruction des mangroves entraînerait des inondations. En outre, il explique que la pollution issue de la raffinerie affectera la santé de la population locale et que les déchets de la raffinerie menaceront la production d’huîtres dans la région.

L’ASEA, l’agence environnementale chargée de protéger l’environnement contre les activités de l’industrie pétrolière, rejette le rapport sur l’impact environnemental bidon et condamne la société responsable des travaux à une amende de plus de 615 000 € pour déforestation illégale.

Le couloir trans-isthme

AMLO a également annoncé la reprise d’un projet vieux de plusieurs décennies de construire un couloir industriel à travers l’isthme de Tehuantepec. Le couloir trans-isthme, un canal sec reliant l’océan Pacifique au golfe du Mexique, est supposé faire de la concurrence au canal de Panama dans le secteur du trafic transcontinental. Il a été proposé sous diverses appellations et mis au rebut par les gouvernements précédents au fil des décennies.

Comme le Train maya, ce projet traverserait quelques-unes des forêts tropicales les plus importantes du pays recelant une très grande biodiversité et où vivent plus de cinq cents communautés indigènes. La région présente également le réseau de lagunes le plus important du Pacifique mexicain. Le couloir industriel scinderait un couloir biologique majeur de la faune et la flore d’Amérique du Nord et du Sud.

Les habitants de la région s’opposent au couloir industriel, qui inclut la construction de maquiladoras — des usines de fabrication qui importent et assemblent des composantes détaxées pour l’export et reposent en général sur une main-d’œuvre bon marché et des lois du travail et environnementales souples — et de nouveaux projets d’exploitation minière et de fracturation hydraulique, toutes tirant sur les rares ressources en eau de la région.

Une coalition de cinquante organisations composées de groupes indigènes qui défendent la terre et le territoire, ainsi que d’autres agriculteurs, écologistes et syndicats, ont signé une déclaration à l’intention d’AMLO rejetant ce mégaprojet. Ils affirment que le couloir « est dans la continuité des projets de la mort portés par le néolibéralisme » et conduira à « la dépossession des terres et de l’eau, la dégradation de l’environnement, la criminalité et une menace à la souveraineté nationale, ainsi qu’à des violences contre les peuples indigènes ». Ils craignent, en outre, que le projet mène à la militarisation de la zone sous le contrôle de la Garde nationale récemment créée.

Les craintes que le mégaprojet ravage les communautés locales sont fondées sur ce qui est arrivé dernièrement avec des projets de développement dans l’Isthme. Dans le cadre de la promotion de l’énergie verte du gouvernement précédent, on a construit de vastes fermes éoliennes sur les plaines venteuses de l’Isthme, et on les a accompagnées de promesses de développement et d’un plus grand bien-être de la population, qui est en majorité indigène et vit de l’agriculture et de la pêche. Les socles de béton des plus de 1 600 éoliennes ont gravement perturbé les flux d’eau dans les nappes phréatiques sous pratiquement 18 000 hectares de terres agricoles.

Les fermes éoliennes ont eu un effet néfaste sur l’écologie et les modes de vie des populations qui habitent la région. Contrairement aux promesses que ces agriculteurs allaient pouvoir continuer à cultiver leurs terres, des barrières et des agents de sécurité les empêchent de circuler librement. Il y a dans le sol des fuites d’huile issues des turbines, qui parfois s’enflamment. On craint que les éoliennes n’aient affecté le régime des pluies dans la région et de nombreuses personnes souffrent de troubles mentaux provoqués par le bruit ininterrompu des turbines.

Ce sont là quelques-uns des nombreux effets négatifs dont souffrent les communautés pour alimenter les exportations d’électricité et fournir aux entreprises transnationales une électricité moins chère. Walmart, Bimbo (la première entreprise de transformation alimentaire du monde), Grupo México et Penoles (deux des plus importantes entreprises d’extraction et traitement miniers) sont à la fois des investisseurs des fermes éoliennes et des bénéficiaires de l’électricité produite. Aucune des communautés locales ne bénéficie de la moindre électricité produite par les fermes éoliennes.

En revanche, le coût de l’électricité est monté en flèche dans les petites communes locales, qui en utilisent des quantités minuscules dans leurs demeures. Ceux qui résistent contre le couloir trans-isthme comprennent les conséquences du projet, mais sont ridiculisés par les représentants du gouvernement et les porte-parole corporatifs, qui les écartent comme des arriérés incapables de comprendre les bénéfices de la technologie moderne.

Le Plan intégral Morelos

En 2009, le gouvernement mexicain approuva le Plan intégral Morelos (PIM), qui accordait des contrats à des multinationales pour la construction de deux centrales thermiques massives alimentées par un gazoduc de 160 kilomètres de long, dont une partie suivrait la pente du volcan en activité Popocatépetl.

Le plan fut élaboré sans consulter les communautés indigènes locales dont les terres étaient touchées. Il s’agit là d’une violation de la loi mexicaine et d’accords internationaux : le Mexique est notamment signataire de la Convention 169 de l’Organisation internationale du travail, qui protège les terres indigènes.

Le gazoduc devait traverser soixante communes de trois États (Morelos, Puebla, Tlaxcala), y compris des sites indigènes sacrés et des milliers d’hectares de terre agricole. Le plan comprenait un aqueduc pour détourner 50 millions de litres d’eau par jour de la rivière Cuautla pour refroidir les turbines, une eau dont les communautés dépendent, mais qui serait rejetée dans la rivière après « traitement ».

Plus de 900 000 personnes étaient touchées par ces projets, y compris 50 000 indigènes issus de 37 tribus, dont une grande partie gagne sa vie en cultivant le maïs, des haricots, des courges et des tomates, et en élevant du bétail et des porcs. En plus de la dépossession, la destruction des terres agricoles et la pollution des cours d’eau, le gazoduc pose un risque supplémentaire d’explosions dues à l’activité volcanique.

Dix années durant, les communautés locales ont mené des contestations juridiques, organisé des réunions, des actions directes de blocage des chantiers de construction : elles ont réussi à bloquer la construction et à empêcher l’ouverture des centrales. Au cours de sa campagne en 2014, AMLO se rend sur place et jure qu’il annulera le projet, promesse qui lui vaut des votes dans la région. Mais, à quelques semaines de sa prise de fonction, il annonce son intention d’approuver le projet, après les « consultations » requises par la loi mexicaine.

Des référendums organisés à la va-vite ont lieu les 23 et 24 février. Ils tranchent en faveur des propositions du gouvernement, mais sont largement critiqués pour avoir, entre autres, fourni de fausses informations sur le projet et empêché les militants écologistes et les résistants locaux de donner des informations aux électeurs. En visite, la représentante des affaires indigènes auprès de l’ONU prend note que les consultations d’AMLO ne respectent pas les obligations du Mexique sous la loi internationale protégeant les groupes indigènes. Elle avertit le gouvernement : « La consultation indigène ne doit pas être comprise comme un simple processus de socialisation des décisions prises auparavant par l’État. »

L’Assemblée indigène permanente des peuples du Morelos (APPM), dont de nombreux membres avaient soutenu AMLO dans ses trois tentatives de briguer la présidence, ont publié une déclaration contre le Plan intégral Morelos, évoquant les 20 000 habitants du Morelos qui ont voté contre la centrale.

Quelques jours avant les consultations contestées d’AMLO, le militant local Samir Flores, membre de l’APPM, est tué par balle devant sa maison. La veille, Flores avait dénoncé le PIM publiquement dans un effort de convaincre le gouvernement d’annuler le projet. Des groupes locaux et nationaux membres d’un réseau de « défenseurs de la terre et du territoire » accusent le gouvernement d’avoir pour cet assassinat soutenu tacitement des groupes armés, et dénoncent sa manque de volonté pour enquêter ce qu’ils considèrent comme un meurtre politique conçu pour les intimider dans leurs efforts de résistance.

López Obrador : du pareil au même

Trois des projets décrits ici se déroulent dans les parties mêmes du pays où les modes de vie indigènes sont les plus forts, et où la résistance aux mégaprojets est organisée et se fait entendre.

Le gouvernement AMLO, comme tant d’autres précédemment, écrase cette population au nom du développement capitaliste. Pour ceux qui organisent la résistance aux « mégaprojets de la mort », comme les appellent les opposants, la situation est de plus en plus perçue comme une guerre contre le peuple, surtout depuis la création du nouvel appareil militaire d’AMLO, la Garde nationale.

AMLO prévoit de déployer cette Garde nationale dans toutes les villes du pays, soi-disant pour aider dans la lutte contre le crime et la corruption. Mais elle est sous le commandement d’un militaire en activité et elle est composée de membres actuels de la police militaire, la police maritime et la police fédérale. Comme tout le monde au Mexique en est conscient, ce sont ces mêmes organisations corrompues qui protègent les narcotrafiquants et les paramilitaires, qui protègent à leur tour les intérêts extractifs capitalistes.

La notoriété de la police et des militaires mexicains n’est plus à démontrer pour leurs meurtres de civils et leurs violations généralisées des droits humains (pour une analyse en profondeur du rôle de la police et de la militarisation dans l’aggravation du narcotrafic et ses effets répressifs sur les indigènes qui s’organisent contre les mégaprojets, cf. Drug War Capitalism de Dawn Paley).

Les groupes indigènes militant pour défendre la terre et leurs territoires savent bien qu’inéluctablement la Garde nationale servira à déposséder les communautés de leurs terres et à soutenir les mégaprojets. Ces derniers temps, le territoire zapatiste, une des rares régions du monde où le mouvement anticapitaliste a réussi à établir des territoires autonomes, subissent une augmentation des hostilités des militaires, de la police et des narcos, y compris de fréquents survols d’avions armés et d’hélicoptères militaires. Les zapatistes et le Congrès national indigène dénoncent la militarisation croissante du Chiapas et appellent à un retrait total de l’armée, surtout du territoire zapatiste.

Au vu de ce bilan, à seulement quelques mois de sa présidence, on ne peut plus de bonne foi soutenir AMLO en allié dans la lutte contre le néolibéralisme.

Nous devons au contraire joindre nos voix à celles, nombreuses, au Mexique qui luttent contre les forces du capitalisme et du colonialisme moderne, dans leur résistance contre la dévastation des territoires et des modes de vie qui sont autant de clefs importantes de tout autre monde futur. Elles sont sur le front d’une guerre mondiale qui nécessite notre solidarité.

Caitlin Manning

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Marina Urquidi.
Texte d’origine : ROAR, 17 juin 2019.

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