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Entretien avec le Forum anarchiste du Kurdistan

jeudi 16 juillet 2015, par KAF

Une longue interview sur la situation au Kurdistan syrien et irakien, les résistances populaires, la place des femmes dans celles-ci, l’expérience en cours au Rojava et le conflit avec l’État islamique, réalisée par le site anarchiste espagnol [bleu violet]alasbarricadas.org[/bleu violet] et publiée le 3 septembre 2014.

ALB : Comment allez-vous ?

Nous allons bien mais, comme beaucoup d’entre vous, nous sommes extrêmement concerné•e•s par la situation actuelle en Irak en général et dans la partie irakienne du Kurdistan en particulier. Nous sommes très actif•ve•s dans les médias sociaux en ce qui concerne l’écriture, les commentaires et la discussion de la crise actuelle qui existe avec différents groupes et personnes.

ALB : Craignez vous que l’attaque de l’État islamique (État islamique d’Irak et du Levant, EIIL) n’entraîne la défaite des peshmergas ?

En fait l’attaque de l’EIIL n’est pas juste une attaque contre les forces ou l’armée du gouvernement régional du Kurdistan (GRK), c’est une attaque contre tout le monde. Comme vous le savez, l’EIIL est la force la plus sombre et il est bien plus brutal que n’importe quel autre groupe terroriste. Ils ne distinguent pas entre les gens armés et les gens ordinaires. Partout où l’EIIL est entré, les résident•e•s ont vécu de très durs moments, étant contrôlé•e•s, en les soumettant par la mise en œuvre de la Charia. Nous sommes sûr•e•s que vous avez entendu parler de ce qui est déjà arrivé aux yézidis alors qu’ils sont un peuple pacifique et qu’ils ne combattent pas du tout contre eux. L’EIIL n’est pas moins brutal envers les chrétiens et les chiites parce qu’ils croient que ces gens sont tous des diables ou des démons.

Nous sommes plus concerné•e•s par la guerre actuelle à laquelle les gens en Irak et les Kurdes irakien•ne•s font face maintenant que par la défaite des peshmergas face à l’EIIL. Les forces du GRK (peshmergas) sont les forces corrompues des partis politiques actuels qui sont au pouvoir, principalement le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) dont le leader est Massoud Barzani, qui est également le président du Kurdistan irakien, et l’Union patriotique du Kurdistan (UPK) encore dirigée par Jalal Talabani, qui est l’ancien président irakien.

Il y a aussi d’autres forces provenant d’organisations islamiques et d’autres petits partis politiques. Toutefois nous savons que ces forces (peshmergas) sont un outil dans la main des partis politiques et du GRK, mais, comme vous le savez, nous n’avons rien en commun avec eux et nous les avons toujours considérés comme des forces répressives. Cependant, alors que l’Irak et le Kurdistan font face en ce moment aux forces les plus sombres de l’histoire actuelle, nous devons être inquiets concernant une défaite des peshmergas.

Il y a un autre point important que nous voudrions porter à votre attention. Les peshmergas au début n’étaient pas seulement vaincus, ils fuyaient sans tirer une seule balle. S’il n’y avait pas eu les Unités de défense du peuple (YPG en kurde) et les Unités de défense des femmes (YPJ en kurde) (les forces kurdes syriennes) et plus tard le PKK, l’EIIL aurait pu facilement envahir la capitale du Kurdistan irakien, Erbil. S’ils avaient occupé Erbil ensuite le reste des villes du Kurdistan pouvait tomber dans leurs mains sans résistance ou avec très peu de résistance.

ALB : Est-ce que vos membres sont en train de travailler à l’autodéfense contre l’EIIL ?

En tant que KAF, nous l’avons préalablement dit, nous sommes seulement un forum virtuel, pas une organisation physique, et nous n’avons pas des gens de haut en bas. La majorité d’entre nous, qui écrivons dans notre forum (Seko), nous vivons à l’étranger ; nous ne pouvons par conséquent rien faire physiquement pour l’autodéfense du Kurdistan. Si vous pensez à des gens au Kurdistan qui sont d’accord avec nos idées ou proches du KAF, bien sûr, ils essayent de s’organiser par eux et elles-mêmes pour résister. Toutefois, parce qu’il n’y a pas un mouvement anarchiste au Kurdistan, nous avons peur de devoir vous dire que, oui, il n’y a pas de groupes d’autodéfense ou de mouvement comme nous pouvons en voir en Turquie ou au Kurdistan syrien (Rojava). Nous croyons que la seule force ou le seul pouvoir qui peut vaincre l’EIIL, c’est l’autodéfense indépendante de la masse du peuple. Malheureusement, cette force ou ce mouvement n’existe pas pour le moment.

ALB : Que pensez-vous des bombardements américains ?

Avant que les USA n’aient décidé de bombarder et de frapper les bases de l’EIIL, il y avait beaucoup de rumeurs et des nouvelles selon lesquelles l’EIIL avait été créé par les USA, le Royaume-Uni et les Israéliens. La preuve la plus évidente à laquelle nous pouvons nous référer concernant cela provient d’Edward Snowden. Maintenant quand ils (les USA et le Royaume-Uni) décident d’attaquer l’EIIL et de vendre des armes au GRK, c’est pour saper les informations d’Edward Snowden et les rumeurs qui se répandent largement.

Nous sommes contre l’intervention des USA et des pays occidentaux et également le fait de vendre des armes au GRK. Nous savons que c’est un gros business pour eux et qu’ils peuvent faire beaucoup de profits à travers ce commerce. Nous ne voulons pas non plus que le Kurdistan devienne un champ de bataille pour l’ensemble des groupes djihadistes dans le monde contre les USA, les pays occidentaux et les Kurdes, dans lequel tellement de gens innocents seraient tués et où beaucoup de lieux seraient détruits. De plus, la situation de guerre crée plus de haine entre les Kurdes et les Arabes, entre les Kurdes et les sunnites. Ce qui cause pendant ce temps-là l’émergence de nombreux groupes racistes et fascistes.

Les seuls gagnants dans les guerres ce sont les grosses compagnies qui vendent les armes et les équipements de guerre, et les perdants sont toujours les pauvres gens.

ALB : Travaillez-vous avec le PYD/PKK/PÇDK ? (Le PKK du Kurdistan turc a plusieurs partis frères dans les autres parties du Kurdistan : le PYD au Kurdistan syrien, le PÇDK au Kurdistan irakien et citons aussi le PJAK au Kurdistan iranien. Note du traducteur.)

Non, nous ne le faisons pas. Parce que nous rejetons tout soutien ou coopération avec tous les groupes et organisations hiérarchiques, politiques et autoritaires. Nous nous alignons avec et sommes seulement intéressé•e•s par toute résistance des masses populaires et des mouvements sociaux, où qu’ils soient dans le monde et nous sommes prêt•e•s à les soutenir par tous les moyens dont nous disposons.

ALB : En ce qui concerne vos réponses, en Irak, il y a maintenant un groupe d’autodéfense appelé les Unités de protection de Sinjar (YPS en kurde). Je pense que c’est une création des YPG. Le PÇDK est également en train de créer sa propre milice. J’imagine que certains peshmergas de la base peuvent maintenant regarder les milices d’autodéfense avec sympathie. Pensez-vous qu’il est possible d’avoir dans les prochains mois un canton autonome en Irak, similaire à ceux du Rojava ? Je veux dire autonome face au GRK, aux USA et tout le reste…

Nous ne pensons malheureusement pas que quelque chose comme ce que vous évoquez peut arriver facilement et rapidement parce que :

Premièrement, la nature du système parlementaire et le rôle du centralisme en Irak, comme ailleurs, ne le permet pas. Deuxièmement, treize ans de sanctions par les pays occidentaux et les USA contre l’Irak et y compris le Kurdistan, ainsi que l’invasion et l’occupation, et ensuite l’imposition de la politique de marché libre et de globalisation en Irak, ont forcé le pays à être dépendant des conditions qui ont été posées par les grands pouvoirs en Europe et les institutions financières (FMI, Banque mondiale, Banque centrale européenne). Troisièmement il y a également une raison interne. Le GRK a dominé durant les vingt-deux dernières années tous les aspects de la vie du peuple au Kurdistan. Il a travaillé à changer la mentalité des citoyen•ne•s pour qu’ils et elles soient corrompu•e•s, matérialistes, qu’ils et elles perdent leur confiance en eux et elles-mêmes et leur indépendance pour devenir dépendant•e•s de lui, mentalement et financièrement. Le GRK a créé une telle atmosphère au Kurdistan que la majorité du peuple pense juste à comment être riche et à entrer en compétition avec les autres pour devenir plus riche et être dans de meilleures conditions. Dans un pays très riche comme le Kurdistan, son peuple est dépendant de tout ce qui est importé de l’étranger, il n’y a pas d’économie indépendante car les politiques des partis qui sont au pouvoir ont détruit l’économie indépendante du Kurdistan.

Nous croyons qu’en ce qui concerne ce qui est arrivé au Kurdistan syrien en terme d’organisation d’unités militaires et également d’autogouvernement dans ses trois cantons, il y a le PKK et le PYD derrière, et la DSA (l’administration locale qui a été créée dans ces cantons – Note du traducteur) est sous leurs influences. Cela signifie que si quelque chose comme ça se produit à Sinjar, ni le GRK, ni le gouvernement central irakien, ni les pays dans la région, ni les USA ne permettront à ce couple de forces (PKK et PYD) de rester longtemps à Sinjar pour encourager les gens là-bas à annoncer leur propre autogouvernement.

Nous reconnaissons qu’organiser des unités de défense du peuple en tant qu’armée du peuple et également une auto-administration démocratique (DSA en kurde) sur la base de coopératives et de communes populaires et l’émergence du fédéralisme nécessitent un très long processus de luttes de masses indépendantes pour s’impliquer dans toutes les questions sociales et économiques qui deviennent quelque chose de très urgent et nécessaire. Ce sont les bases pour organiser de véritables unités de défense du peuple et l’administration démocratique directe sans quoi les milices seront une milice comme n’importe quelle autre dans le monde et la soi-disant DSA sera un vrai gouvernement dictatorial.

C’est un fait qu’il y a eu une grande conspiration pour le retrait des forces du GRK (peshmergas) et cela a créé une brèche ou a donné une opportunité pour qu’émerge une résistance de masse et la mise en place d’unités de protection parmi les yézidis eux-mêmes qui ont subi un génocide et ont été déplacés. Cependant, il y a un autre point important dont vous n’êtes peut être pas au courant et qui est que parmi les yézidis eux-mêmes, il y a des élites, spécialement le prince de la religion et les gens riches et puissants qui ont toujours soutenu les politiques du GRK, en ayant un impact sur beaucoup de gens dans la communauté yézidi en utilisant leurs influences religieuses. Cela peut être une grave menace pour diviser la communauté yézidi.

En bref, ni l’autoconscience des gens sous le GRK ni les terrains sociaux et économiques ne peuvent permettre à Sinjar, au moins dans le présent, ce que nous voyons se produire au Kurdistan syrien. Qui plus est quand on sait qu’il y a une possibilité pour qu’à la fois le GRK et le gouvernement central irakien s’unissent contre la résistance populaire à Sinjar, en utilisant tous les moyens pour la réprimer et l’opprimer. Nous croyons également que les pays de la région, les pays occidentaux et les USA, qui ont pendant presque deux décennies investi politiquement et économiquement là-bas (au Kurdistan irakien) en faisant d’énormes profits, ne resteront pas simplement assis à observer la situation. Ils interviennent par conséquent premièrement en utilisant leurs réseaux d’espions, leurs soutiens logistiques et en fournissant au GRK et au gouvernement central irakien tout ce dont ils ont besoin pour qu’ils protègent leurs intérêts. Il faut vous rappeler qu’en même temps les gouvernements de l’Iran et de la Turquie essayent depuis longtemps d’éliminer continuellement les forces du PKK et qu’ils utilisent cela comme une excuse pour pénétrer la frontière du Kurdistan avec leurs forces militaires et pour bombarder la région et tuer tellement de gens innocents. En plus de ce que nous avons dit, nous devons admettre qu’il n’y a pas du tout de mouvement social anarchiste là-bas (au Kurdistan irakien). Ce que nous avons là-bas c’est plus une idée et une pensée de l’anarchisme.

En fait les partis communistes et gauchistes essayent de créer leurs propres unités sous le nom de « garde populaire ou unités de la résistance populaire » mais ils ne sont pas dans une position suffisamment forte pour faire cela, et même s’ils arrivent à le faire dans le futur, cela ne sera pas quelque chose de différent des unités hiérarchiques ou dans le meilleur des cas ce sera des milices comme nous en avons tellement des deux types (milices et milices d’État) au Kurdistan.

Leur intention réelle est de se constituer un capital politique à partir de cela, et comme tout autre groupe politique ou unités militaires, d’obtenir des indemnités et des salaires de la part du gouvernement bourgeois.

ALB : Quelques femmes du PKK sont venues à Barcelone le mois dernier. L’une d’entre elles se reconnaissait comme anarchiste. Elle venait d’Allemagne et voulait en apprendre plus à propos de l’histoire anarchiste ici en Espagne. Pensez-vous qu’il y a des anarchistes dans les rangs du PKK ? Avez-vous des contacts avec eux et elles ? Serait-il possible d’avoir un courant de gauche libertaire au sein de ce mouvement hiérarchique ?

Oui, à l’intérieur du PKK et du PYD il y a des hommes et des femmes avec des idées et des pensées anarchistes. Certaines de ces personnes en sont arrivées là à travers leurs propres luttes et expériences. Les autres sous l’influence d’Abdullah Öcalan sont devenues anarchistes et libertaires. Ils et elles ont réalisé que l’anarchisme est la réponse la plus radicale au système capitaliste. Nous croyons que celles et ceux qui ont embrassé l’idéal anarchiste sous l’influence d’Öcalan peuvent ne pas être aussi solides que les gens qui sont arrivés à la même idée à travers leurs propres luttes et expériences. Évidemment la raison pour cela est que si Öcalan, qui est encore au sommet d’une organisation hiérarchique comme le PKK et qui a tout pouvoir, ordonne, pour une raison ou une autre, aux gens à l’intérieur du PKK ou du PYD de changer leur direction, nous sommes sûr•e•s que beaucoup d’entre eux seront contents de le faire. Si cela arrive, il y a une possibilité que ce groupe change ses principes et sa direction ? Nous pensons différemment en ce qui concerne particulièrement ces femmes de la guérilla qui sont devenues anarchistes à travers leurs propres expériences en tant que membres des groupes et comités dans les villages et les villes de la société ; nous croyons qu’elles sont plus stables et solides. Nous avons vu quelques interviews qu’elles ont données et aussi vu quelques films qui montrent comment elles vivent et comment elles gèrent leur travail et leur vie quotidienne ensemble comme dans des communes. Tout cela nous donne plus d’espoir, même si encore une fois nous ne vivons pas avec elles, nous ne savons pas combien cela est vrai. Nous devons aussi dire que parmi leur parti frère au Kurdistan iranien et irakien, nous ne voyons malheureusement pas ces changements de direction positifs. Ces gens ressemblent presque au PKK du début des années 1990, ils sont encore nationalistes et la plupart de leurs leaders sont très autoritaires. Nous pensons qu’ils n’embrassent pas les idées et la pensée actuelles d’Öcalan, comme les coopératives, les communes dans les villes et les villages, l’autogouvernement du peuple, la démocratie directe, le système de fédéralisme et de confédération libre. Nous croyons que les politiques des partis au Kurdistan iranien et irakien sont très en contradiction avec la politique actuelle du PKK et du PYD, ils insistent encore sur le changement politique plutôt que sur le changement social, ils sont encore en compétition avec les autres partis bourgeois pour gagner de l’argent, du pouvoir et des positions.

Les expériences de beaucoup d’entre nous ont prouvé, ou au moins montré, qu’il est très très dur pour une idée et une direction libertaire/anarchiste de croître et de se développer à l’intérieur d’une organisation hiérarchique. Pas seulement cela, il est impossible pour de telles idées et directions de demeurer ou de rester et continuer dans une organisation nationaliste idéologique. Nous pouvons toujours séparer ou distinguer entre le mouvement social et le mouvement politique gauchiste quelles que soient les formes qu’ils prennent, parce que les gauchistes et les politicien•ne•s sont toujours autoritaires et corrompu•e•s. Nous pouvons voir en réalité que les gauchistes essayent toujours de dominer et contrôler les luttes et le mouvement des masses populaires et de les utiliser pour atteindre leurs propres buts politiques et en tirer un capital politique. Nous sommes les témoins de toutes les tentatives qui ont été faites par les gauchistes durant le soulèvement qui s’est produit au Kurdistan irakien en 1991 et jusqu’à aujourd’hui ils ont essayé de changer la direction des mouvements de masse, les décevant, les trompant, se compromettant avec l’État et essayant de planter les graines de la naïveté parmi les gens pour qu’ils croient aux partis politiques, au centralisme, à l’« État ouvrier », à l’« État communiste », au « socialisme d’État ». Tout cela est la propagande qu’ils ont produit depuis lors.

Malheureusement, pour autant, nous n’avons pas pu établir un lien ou une connexion directs avec les personnes anarchistes dans le PKK ou le PYD. Nous avons essayé auparavant de le faire mais nous n’avons pas réussi, nous espérons faire cette connexion dans un futur proche.

ALB : Et la dernière question, que pensez-vous du confédéralisme démocratique ? Est-il vrai que le PKK est en faveur de cela ou est-ce de la propagande en direction des pays occidentaux ? (S’ils passent pour être semblables aux zapatistes, ils peuvent être vus comme « cools » dans le milieu gauchiste.)

En fait, répondre à cette question est difficile parce que premièrement le PKK contrôle une région qui est complètement différente de ce que les zapatistes contrôlent dans leur pays et également parce que le PKK est une force hiérarchique en tant que parti et en tant que force militaire. Nous ne pouvons être sûr•e•s des détails de leur vie quotidienne et de leurs actions tout comme nous n’avons pas de preuves pour dire si cela est vrai ou faux. Les seules choses dont nous pouvons parler c’est de la DSA, l’auto-administration démocratique du Kurdistan syrien et du Tev-Dem (Mouvement pour la liberté démocratique) car, il y a peu, un de nos camarades a fait une visite là-bas pendant deux semaines. Sûrement, il n’y a aucune comparaison entre là-bas et le GRK au Kurdistan irakien. En ce moment, il y a un partage du pouvoir entre tous les partis politiques au sein de la DSA alors il y a un bon équilibre. Le PYD, en tant que parti principal là-dedans, tire avantage d’être dans une position très forte, parce que d’un côté le GRK ne peut utiliser son parti relais (Alparty) pour contrôler la DSA et la situation, et d’un autre côté l’organisation islamiste ne peut avoir aucune influence au Kurdistan syrien. Toutefois, tandis que le PYD est le parti principal et que lors des prochaines élections de la DSA, il gagnera sans aucun doute la majorité des forces là-bas, nous ne savons pas si le PYD contrôle la DSA ou si simplement il utilise une autre méthode pour équilibrer le partage du pouvoir. Cela nous inquiète évidemment et nous devons attendre et voir. Ce que nous pouvons dire, c’est que le PYD est également un parti hiérarchique et que les gens qui le dirigent sont autoritaires, et à cause de cela il y a une possibilité de changement dans les deux sens. Nous ne pouvons certainement pas comparer la DSA avec le GRK car le GRK est un excellent protecteur du marché libre du capitalisme. L’expérience de la DSA et du Tev-Dem est très attractive et porteuse d’espoir du fait du transfert de la position des femmes dans la société religieuse et patriarcale au Moyen-Orient, qui s’est améliorée et développée. Cela a créé le sentiment de la libération et la tendance à l’autolibération parmi les femmes. La dignité, la personnalité, la confiance en soi et la liberté des femmes sont toutes revenues. Tout cela ne peut être atteint par une quelconque force ou parti. Cela a créé une atmosphère pour le mouvement anarchiste tandis que les femmes ont déjà un rôle majeur dans les communes et dans le reste des groupes locaux et des comités. Elles peuvent aux côtés des hommes les mener dans le futur vers une révolution sociale. Pendant ce temps, nous espérons que cette expérience est en train de poser un bon exemple pour les femmes au Kurdistan irakien, qui est actuellement sous les larges influences du libre marché du capitalisme, de la culture de consommation et des partis politiques, y compris les partis religieux, afin qu’elles quittent cette étape et s’engagent dans une révolution sociale.

Les femmes au Kurdistan syrien ne jouent pas seulement un grand rôle dans les zones et champs mentionnés ci-dessus, en fait la création des Unités de défense des femmes (YPJ) a changé la position des femmes, celles-ci cessant d’être de faibles créatures ayant seulement certains devoirs qui se trouvent à l’intérieur de la maison dans la société du Moyen-Orient. Cela a soulevé la question qu’elles ne pouvaient être dominées par les hommes, les clans et la religion. Elles peuvent changer la société et elles ont prouvé qu’aucun mouvement dans la société ne peut aller nulle part sans elles. Elles ont réaffirmé que le désir et le sentiment de se libérer de l’esclavage ou du statut de citoyenne de seconde classe dans une société patriarcale provient seulement de leur propre effort et de leurs propres luttes. Cela étant dit, il y a longtemps, il n’y avait pas de force qui pouvait libérer un esclave à moins que cet•te esclave ait une propre conscience de libération et cela est devenu une revendication et un désir forts.

Finalement, nous vous remercions beaucoup et nous sommes reconnaissant•e•s de votre intérêt à propos d’autres anarchistes dans différentes parties du monde. Dans cet entretien, vous nous avez donné une bonne opportunité de parler brièvement à propos des sociétés d’Irak, du Kurdistan et du Moyen-Orient. Cette opportunité ouvre peut être une petite fenêtre pour celles et ceux qui parlent anglais ou qui peuvent le comprendre pour voir la situation qui a été expliquée ci-dessus de notre point de vue. Nous pensons qu’il n’y a pas beaucoup d’anarchistes dans le monde qui sont informé•e•s ou qui savent beaucoup à propos de la situation dans cette partie du monde. Cela peut les encourager à faire l’effort d’en connaître plus sur le Moyen-Orient et le mouvement anarchiste là-bas. Nous avons noté que les visions autocentrées des camarades européen•ne•s en général sont une des maladies dans le mouvement anarchiste après la Seconde Guerre mondiale parce que nous pensons que beaucoup des camarades anarchistes se concentrent normalement sur l’Europe, les USA et l’Amérique latine et n’ont pas beaucoup d’intérêt pour le même mouvement ailleurs.

Traduit à la fin novembre 2014
par un membre du Collectif anarchiste
de traduction et de scannérisation
de Caen (et d’ailleurs)
.

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