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Notes anthropologiques (XXVII)

mercredi 19 décembre 2018, par Georges Lapierre

Mexico 2018

Seconde partie

Le mouvement de la pensée et sa critique (I)

S’intéresser au mouvement de la pensée, à la vie et à la mort des civilisations, c’est renouer avec une tradition et une curiosité philosophique très anciennes. Il y a toujours dans ce qui remue d’une manière intestine les civilisations des moments clés qui conduisent les idéologues à se poser la question du devenir de la société : la Révolution française et bourgeoise pour Hegel et, plus généralement, pour les romantiques allemands ; la domestication industrielle pour Marx et, plus généralement, pour les socialistes et les anarchistes européens. Aujourd’hui, nous avons le sentiment de nous confronter à un aboutissement, qui pourrait aussi bien signifier une fin, accompagnée, cette fin, d’un renouveau, d’une nouvelle naissance, de la naissance dans les profondeurs du réel d’un mouvement autre, se construisant et se développant selon les déterminations qui sont les siennes. Ou alors, autre supposition, que nous avons entrevue dans les notes précédentes et dont les zapatistes apportent témoignage : l’ancrage dans la réalité comme pensée non aliénée, le retour de la pluralité, chaque communauté de pensée portant en elle son propre devenir, se créant et se reproduisant sans cesse. Dans ce cas, chaque communauté serait animée par la pensée de son devenir. Ce qui était vu par Hegel ou par Marx et, plus généralement, par les philosophes chrétiens comme un mouvement unificateur, brisant le particulier et le soumettant à l’universel devient un mouvement de reconnaissance du particulier et de la différence, l’humain surgissant de la pluralité de ses réalisations.

Deux conceptions du réel s’opposent et nous somment de faire un choix et ce choix est idéologique. L’une perçoit le réel comme mouvement universel de la pensée, un mouvement unificateur de la pensée, qui unifie le divers, qui gomme les aspérités et les différences, et qui tend vers l’Un, vers l’Unique et c’est bien le sens d’universel, de l’Un, d’un seul mode de vie devenu hégémonique, à opposer à la pluralité des modes de vie et nous pourrions parler alors de « pluriversel » ou de pluriversalité. C’est le mouvement du devenir, le devenir d’un discours unificateur et il s’agit d’entendre par « discours » la vie sociale elle-même. Les zapatistes nous inciteraient à percevoir le réel comme mode de vie singulier qui se perpétue, qui se reproduit sans cesse et qui, en tant que mode de vie singulier, résiste au mouvement hégémonique et universel de la pensée pour tenir son propre discours, un discours pluriversel ne cherchant pas à être hégémonique et universel. Pourtant, il risque bien de le devenir et la survivance d’un courant marxiste parmi les zapatistes n’est pas sans apporter une réelle confusion. La communalité, par exemple, est un concept qui se veut universel et pourtant, il est ancré dans le particulier, dans la vie et la mort d’une communauté de pensée. Le Un d’universel serait alors le « un » d’une communauté singulière et son caractère hégémonique, condamnant toute communauté à être comme elle, s’effacerait. Notre logique qui veut qu’une chose ne peut pas être en même temps son contraire et que le A s’oppose irrémédiablement au non-A ne nous aide pas à saisir la complexité de la position tenue par les zapatistes.

Le concept est la pensée qui se saisit elle-même comme objet et qui, de ce fait, s’aliène. Le concept est l’impasse de l’humain, il est l’impasse de l’aliénation de la pensée. Une communauté (un peuple, une tribu, un clan, un village) existe en soi, elle est la pensée réalisée, la pensée non aliénée. Quand la pensée s’élève au concept, à celui de communalité, elle s’élève alors à l’universel en devenant son propre objet. Elle devient la pensée à réaliser, la pensée dans son mouvement, la pensée comme aliénation de la pensée. Le mouvement de la pensée se réalisant et la pensée réalisée constituent le réel. L’aliénation de la pensée comme la non-aliénation de la pensée constituent le réel. Le réel est la réalité de la pensée sous sa forme aliénée comme sous sa forme non aliénée. J’ajoute que la forme non aliénée d’une pensée aliénée existe toujours, c’est la réalité d’une vie sociale, que cette vie sociale soit celle d’une tribu indienne dans la forêt amazonienne ou que ce soit celle que nous connaissons dans notre monde chrétien et marchand encombré de voitures et d’autoroutes. Quant à la pensée sous sa forme aliénée nous la retrouvons aussi bien en œuvre dans la tribu amazonienne que dans notre monde marchand, c’est elle qui pousse la tribu à se reproduire sans cesse en tant que société comme c’est elle qui pousse le monde marchand à se reproduire et à se répandre sans cesse.

Pour Hegel, le mouvement de la pensée dans le monde constitue le réel, il constitue le réel dans le sens où il forme le réel, le crée ou l’invente à chaque instant dans son mouvement créateur de l’humain. Pour la pensée chrétienne, l’humain est en devenir, il est un concept à réaliser, il inspire le mouvement de la pensée dans le monde. Et ce mouvement de la pensée dans le monde est le mouvement universel de l’aliénation de la pensée. Sa réalisation, la réalisation universelle de l’humain, de l’Homme, de l’idée que les chrétiens se font de l’être humain met fin à l’aliénation comme c’est bien l’idée que les Indiens de l’Amazonie se font de l’homme qui met fin à l’aliénation en la réalisant. La seule différence entre les deux positions est la suivante : les chrétiens veulent que tous soient chrétiens comme eux, leur conception du monde et de la société se veut envahissante et conquérante, ce qui n’est pas nécessairement le cas pour l’Indien. Et c’est bien cette idée, celle de la « parousie », qui anime encore les missions chrétiennes partout dans le monde : l’avènement du Christ dans toute sa gloire sera accompli quand tous les hommes et toutes les femmes, partout dans le monde, seront chrétiens. Le chrétien se fait une certaine idée de l’homme, et cette idée de l’homme est contenue dans le monde chrétien, la chrétienté est porteuse de cette idée de l’homme qu’elle entend réaliser et reproduire. Le chrétien est l’idée de l’homme portée par la société chrétienne — idée devenue réelle dans le monde chrétien — et que le mouvement universel de l’aliénation de la pensée entend reproduire et étendre. Le mouvement universel de la pensée cherche à reproduire et à étendre une idée de l’humain déjà réalisée dans la chrétienté. Il s’agit pour le mouvement universel de l’aliénation de la pensée chrétienne d’étendre la chrétienté, c’est-à-dire un mode de vie particulier ou civilisation, à toute la planète et même au-delà. Pour cette raison, l’idée que se font les chrétiens de l’humain est à la fois réalisée (dans la personne des chrétiens) et non réalisée, en devenir (elle ne sera réalisée que lorsque tout le monde sera chrétien). De la même façon l’idée que les zapatistes se font de l’être humain est à la fois réalisée dans la personne du zapatiste et en devenir, elle ne sera vraiment réalisée qu’avec la fin du système capitaliste. Ce « en devenir » est ou serait le côté chrétien des zapatistes.

Enfin, pour Hegel encore, ce mouvement de l’aliénation de la pensée constituant notre seule réalité connaîtrait son achèvement avec la révolution française. La pensée chrétienne, l’idée que le chrétien Hegel se fait de l’homme, connaîtrait son achèvement et son accomplissement avec la révolution française. La bourgeoisie et Napoléon, l’esprit à cheval, parachèvent un mouvement qui avait commencé, il y a bien longtemps, dans la Grèce ancienne avec la séparation absolue dans la société entre ceux qui avaient la pensée de leur activité dans sa dimension sociale et ceux qui en étaient dépourvus. Hegel est un chrétien dissident car pour lui l’idée de l’être humain n’est qu’imparfaitement réalisée dans le monde chrétien, celui-ci n’étant qu’un moment de la libération de l’homme. Quand l’idée chrétienne de l’homme sera réalisée, le monde chrétien (ou la chrétienté) sera accompli et achevé du même coup. Pour Hegel, le monde chrétien est porteur d’une idée de l’homme qui n’est pas encore réalisée dans le monde chrétien. Pour les zapatistes, les communautés zapatistes sont porteuses d’une idée de l’homme qui n’est qu’imparfaitement réalisée.

Hegel peut bien apparaître comme un chrétien dissident, mais c’est un chrétien dissident qui rejoint le chrétien orthodoxe pour qui cette idée chrétienne de l’homme ne connaîtra son accomplissement que lorsque toutes les sociétés seront devenues chrétiennes et que nous assisterons alors au retour glorieux du Christ. Les zapatistes peuvent bien apparaître comme des marxistes dissidents mais ils rejoignent les marxistes orthodoxes pour qui l’homme accomplit ne verra le jour qu’avec la fin du système capitaliste.

Nous connaissons l’histoire de ce John Chau tué par les « Sentinelles », ces indigènes qui refusent tout contact avec le monde extérieur. À vingt-six ans, John Chau a été exécuté comme il le méritait après avoir posé le pied sur l’île des Sentinelles (île appartenant à l’Inde) sur laquelle cette peuplade vit en totale autarcie, rejetant toute ingérence extérieure. Il voulait leur « apporter Jésus ». Un cadavre pour des cadavres, et il pensait que ce troc était équitable. Cet évangéliste ne craignait pas d’apporter avec Jésus les germes mortels d’épidémies qui auraient décimé ce peuple. Nous pouvons d’ailleurs y voir un symbole, n’est-ce pas la religion chrétienne elle-même et le monde qui va avec qui sont porteurs de morts ? En tout cas cet assassinat a suscité une polémique : devons-nous aller chercher le corps ? Pourtant John Chau, comme les premiers missionnaires massacrés par les Chamula (Chiapas), savait bien ce qu’il faisait et qu’il était porteur de mort : ne venait-il pas au nom de la vérité de son monde de la grenouille verte avec l’intention de mettre fin à toute une civilisation ? Le retour glorieux du Christ et de la grenouille ne mérite-t-il pas quelques sacrifices ? J’ajouterai que le président de l’organisation Covenant Journey, avec laquelle John Chau était parti en Israël en 2015, affirme que la famille de John Chau « mérite que son corps soit ramené à la maison où il peut être enterré ». Dans certains milieux évangéliques américains, le jeune homme a même été érigé en martyr.

Avec Hegel et, plus généralement, avec les chrétiens, c’est bien une certaine idée de l’homme qui cherche à se réaliser. Pour le chrétien orthodoxe, cette idée de l’homme est déjà réalisée dans le monde chrétien. La chrétienté est déjà une réalisation de l’humain, elle est déjà une réalisation du concept universel de l’humain, mais elle n’est pas achevée, elle le sera quand elle deviendra elle-même universelle ; quand la chrétienté aura conquis les empires, aura conquis le monde ; quand son idée de l’homme triomphera, c’est-à-dire quand son monde triomphera ; quand l’idée de l’homme que son monde porte en lui aura conquis les esprits et aura mis fin à toute velléité de résistance, aura mis fin à toutes les autres réalisations de l’humain. C’est l’idée dont sont porteurs les religions chrétiennes, la catholique, la protestante, l’anglicane, les sectes évangélistes, celles-ci constituent la pointe avancée du monde chrétien, en l’occurrence du monde occidental, chrétien et capitaliste. Il s’agit bien de convertir les gens et la population encore non chrétienne à une idée du monde, à une certaine idée capitalisée du monde, à une certaine idée capitalisée de l’échange, et cette idée de l’échange a pris l’apparence de l’argent, de la monnaie, il s’agit bien de convertir les gens au billet vert, au dollar, à la grenouille verte [1]. Être converti à l’argent, au dollar ou à la grenouille verte, c’est déjà une profession de foi, c’est déjà être chrétien, être converti à une certaine idée de l’humain, à l’idée de l’homme qui émane de l’échange marchand, devenir chrétien est seulement la confirmation de ce que l’on est déjà : un être né de l’échange marchand, un humain enfanté par l’argent. Un humain enfanté par la grenouille verte.

Comme les chrétiens, les zapatistes sont, eux aussi, animés par une certaine idée de l’humain. Parfois les deux idées peuvent se confondre, ce qui n’est pas sans apporter une certaine confusion. Est-ce que l’idée qu’un Tojolabal, un Tzotzil, un Tzeltal, un Mame, un Chol peuvent avoir de l’homme correspond ou ne correspond pas à l’idée qu’un métis chrétien peut se faire de l’humain ? Nous pouvons aussi nous demander où ils puisent leur idée de l’homme et de la femme : dans leur vie communautaire et leur tradition ou dans le Mexique chrétien ? Dans les Évangiles ? Samuel Ruiz, évêque du Chiapas au moment de l’insurrection zapatiste, découvrait les Évangiles dans la vie communautaire des Indiens, au moment du massacre d’Acteal, les sectes évangéliques cherchèrent à transformer les Indiens en bons chrétiens (ou en Indiens morts). Nous nous rendons bien compte qu’il y a un chevauchement et ce chevauchement ou confusion transparaît dans des slogans comme « Nunca más un México sin nosotros » (Jamais plus un Mexique sans nous) du Congrès national indigène (CNI). La conception de l’humain que se font l’homme et la femme zapatistes n’est sans doute pas porteuse d’un universalisme de conquête comme peut l’être la conception chrétienne et nous pouvons supposer que son universalisme reste limité à la communauté. Mais est-ce bien toujours le cas ? N’y a-t-il pas la tentation de rejoindre sur ce plan la cosmovision chrétienne du mouvement unificateur et universel de la pensée à la manière de Marx ou de Hegel ? Ou comment toucher le Mexique chrétien sans reprendre l’idée chrétienne d’un devenir de l’homme ? Et comment ne pas rattacher la libération de l’homme et de la femme à la fin du capitalisme ?

Ce mouvement de l’aliénation de la pensée qui constitue, selon Hegel, notre réalité est à distinguer de la pensée elle-même, aussi bien de la pensée sous sa forme subjective (la pensée spéculative) que de la pensée comme réalité de la vie sociale (la pensée réalisée ou réalisation de la pensée). Il est possible d’adopter ce point de vue hégélien si nous considérons que l’activité marchande a eu un commencement et un développement et qu’elle connaîtra une fin. Ainsi l’histoire de l’activité marchande participe-t-elle du mouvement d’aliénation de la pensée mis en évidence par Hegel. J’avais défini dans les notes anthropologiques précédentes le réel comme mode d’être ensemble, précisant qu’il y a plusieurs manières de former une communauté de pensée. La conception de Hegel concernant le mouvement de la pensée se surajoute à cette réalité vécue au présent ou directement vécue pour instaurer une surréalité. Cette surréalité serait la surréalité de l’aliénation, le mouvement de l’aliénation de la pensée, d’un devenir de l’homme, accompagnant comme une ombre ce qui est directement vécu, le « vivre ensemble ». Pour Hegel comme pour le chrétien, il s’agit du mouvement de la pensée dans le monde. C’est un monde perçu comme unique, un monde universel : le monde chrétien porteur de la pensée et du mouvement unificateur de cette pensée partie à la conquête de la planète. Il faut bien se dire que pour le chrétien, pour Hegel ou pour Marx, il n’y a pas d’autres mondes que le leur : le monde chrétien (occidental, chrétien et capitaliste). Les zapatistes qui connaissent pourtant un autre monde, celui des communautés indiennes, sont amenés à composer avec le monde chrétien, celui de Hegel et de Marx. Pour des raisons stratégiques ou pour d’autres raisons plus confuses et plus familières ?

Aussi étrange que cela puisse paraître, être individualiste est un mode d’être ensemble dans une société marchande et je peux observer que ce mode d’être ensemble est directement vécu dans le « premier monde », il est un style de vie qui s’adapte parfaitement, qui se coule et qui épouse sans le moindre raté et sans la moindre aspérité un vivre ensemble dans une société marchande. La pensée du marchand n’est pas étrangère au marchand. Le marchand ne connaît pas l’aliénation de la pensée. Le décalage, ou l’aliénation, se trouve ailleurs, il se trouve dans le mouvement de la pensée, dans le mouvement de la pensée spéculative du marchand envahissant un territoire indien, imposant par la force et par la ruse une mine à ciel ouvert ou un barrage ; il est brutalement visible dans ces gratte-ciel de la modernité qui côtoient les faubourgs de la misère dans les villes asiatiques ou africaines. Il se trouve dans le mouvement de la pensée, dans son devenir, il ne se trouve pas dans son achèvement ou son aboutissement, dans son présent. Et ce mouvement est réel comme est réel son accomplissement.

Ces considérations nous amènent à saisir la question de la réalité, de l’idéologie et du mouvement de la pensée dans une autre perspective que celle qui avait cours jusqu’alors pour parler du mouvement de la pensée du marchand se confrontant à d’autres réalités. Il ne s’agit plus de chercher dans la société les germes d’un nouveau devenir, d’une nouvelle naissance accompagnée d’un basculement social mettant fin à l’aliénation de la pensée. Pourtant c’est bien ce que fait Karl Marx : découvrir, dans l’aboutissement de la société capitaliste, l’élément qui la parachèvera ou l’achèvera d’une manière définitive en la retournant complètement : fin de l’aliénation. Cet élément transformateur ou révolutionnaire, destiné à transformer de fond en comble la société, se trouve dans la société même, il est constitutif de la société bourgeoise, il a été créé par elle dans son accomplissement, c’est le prolétariat ; c’est lui qui est appelé à devenir le nouveau sujet historique et à se substituer à la bourgeoisie.

Cette théorie n’est pas dépourvue d’une certaine logique, elle a eu ses adeptes. Elle en a toujours : trouver dans la société bourgeoise le facteur décisif qui lui donnera le coup de grâce, qui l’accomplira en l’achevant (dans le sens propre du mot) : fin de l’esclavage. La pensée retrouve sa dimension sociale qu’elle avait perdue avec la bourgeoisie qui œuvrait uniquement pour son intérêt particulier, son intérêt de classe. L’État redevient l’expression de la volonté de tous et l’intérêt général supplante l’intérêt particulier. Le prolétariat (ou ses représentants) se substitue à la bourgeoisie. Les marxistes créent ainsi l’homme inspiré, celui qui agira pour le bien de tous, l’homme inspiré par l’esprit social, l’homme nouveau. Les marxistes retrouvent le prêtre ou le clerc, le religieux ou l’homme d’État ; celui qui est animé par l’esprit de la société, cet esprit qui émane et sourd d’un devenir commun. Le marxiste se fait guide de bonne volonté, dévoué au bien commun et c’est en toute bonne conscience qu’il massacre et déporte des populations.

Le monde de Marx s’étant étendu comme une tache d’huile a fini par devenir tout le monde. Il s’agit de chercher dans le monde ce qui mettra fin à l’hégémonie marchande, « en bas, à gauche », disent les zapatistes. Trouver dans le monde occidental, chrétien et capitaliste le nouveau prolétariat qui mettra fin au « système ». Les indigènes font partie de ce nouveau prolétariat. Ils sont à la fois les victimes de l’avancée capitaliste et ceux qui résistent à cette avancée, ceux qui trouvent en eux la force et la conscience, la force de lutter et la conscience de la confrontation et de ses enjeux. Les zapatistes forment comme l’avant-garde de ce nouveau prolétariat et ils invitent tous les laissés-pour-compte, tous les sacrifiés du capitalisme à se joindre à eux. Toutefois en reprenant sous une forme nouvelle le « millénarisme scientifique » de Marx, les zapatistes ne marquent pas une rupture nette avec la cosmovision chrétienne et leur universalisme déborde la communauté pour rejoindre le vaste monde de l’Un. C’est la limite du mouvement zapatiste ; par contre, la résistance des peuples et des communautés zapatistes, la construction d’une vie sociale commune débordent largement, comme un fleuve en crue, les limites érigées par la pensée chrétienne, les remparts de Nazareth.

Marseille, le 9 décembre 2018
Georges Lapierre

Notes

[1Je développerai cette idée dans des notes à venir.

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