En ce samedi matin ensoleillé, l’humeur générale est excellente et plein de gens de la ZAD et du coin sont venus soutenir le départ du convoi ou l’accompagner sur quelques kilomètres. Dans ce contexte plombé, il est crucial d’affirmer en acte notre volonté de ne pas laisser le gouvernement museler la contestation sociale et environnementale lors de la COP21. La tracto-vélo résonne alors comme un défi face aux interdictions de manifestations faites par le gouvernement.
Pour le premier jour, on part en peloton commun à deux cents vélos suivis des cinq tracteurs et une remorque. On est quasi autant que le tour de France et on a une caravane logistique à faire rêver : un tracteur qui tire une cabane infokiosque et point d’accueil, un autre qui tracte des toilettes sèches, un pour les tables et bancs, un pour les sacs et affaires perso histoire de rouler léger, une voiture média pour commenter la course et des véhicule-cantines pour foncer en avant nous préparer les repas. On a même des supporters sur le bord de la route dans les villages alentours pour crier et agiter des fanions.
Sur les bicyclettes, les VTT customisés, les vélos couchés ou les tandems, on retrouve des gens de tous les âges, des militants du mouvements, des occupants de la ZAD, des ami·e·s du coin ou de plus loin, des paysans… Pour le plus grand plaisir de toutes et tous, le rythme, tranquille, permet aux unes et aux autres de se mélanger et de papoter.
On apprend chemin faisant ce que signifie rouler à autant sur la route. Nous nous occupons nous mêmes d’arrêter momentanément les voitures aux intersections et passages de rond-point, et de faire gaffe à ce que tout se passe bien. Cela demande aux automobilistes un peu d’attente mais vu que le convoi a de la gueule et que l’on ne croise pas tous les jours pareille armada, ceux que l’on retarde sont généralement plutôt bienveillants..
À midi, on fait une première répétition du banquet final sur la place du marché de Nort-sur-Erdre où sont installés les tables et bancs amenés par le comité local. Pendant la vaisselle et sous la première pluie du trajet, l’équipe légale fait un point sur ce qu’il faut savoir en cas de pression et sur ce que change l’état d’urgence décrété pour trois mois avec une augmentation conséquente de la marge de manœuvre policière.
Au terme de cette étape d’échauffement, quarante kilomètres au compteur, on arrive tôt dans l’après-midi à la ferme qui nous accueille, la Gazillardière. Dans le soleil de la fin d’après-midi, le cadre est idyllique : un vallon boisé au bas duquel se niche un étang avec des chevaux, des ânes et de petites poules. Une vue sur un château abandonné. Un corps d’habitat réaménagé en gîte et bar, et un grand chapiteau où se poser.
L’organisation se cale efficacement : l’infokiosque se déplie, l’équipe cuisine sert le goûter, les geeks du vélo déploient leur atelier mobile avec un chevalet, un spot et les caisses à outils spécialisés, le groupe de com’ fait la revue de presse et met des nouvelles en ligne, différentes personnes sortent les sacs perso de la benne ou assurent l’approvisionnement des toilettes sèches… Sous le chapiteau, ça sort des cartes, un jeu d’échecs, des friandises ou un coup à boire…
À 18 heures, on pousse un de nos hôtes à monter sur une table et à nous dire deux mots de sa ferme : ils y font de l’élevage, de la vente directe, louent ou prêtent le chapiteau pour des fêtes et concerts et tiennent un bar sur place les dimanches soir. Ce mélange des genres, entre espace agricole et lieu de rencontre et de convivialité, rappelle ce qui se recherche aussi dans certaines fermes réinvesties sur la ZAD. Notre hôte est acclamé pour son accueil. Michel, de COPAIN, qui habite juste à côté et nous accompagne en tracteur sur le convoi se hisse sur la table à son tour et accepte de nous causer du Wagon : un regroupement d’amis et paysans, qui ont décidé de s’entraider, être moins dépendants des banques et tiennent ensemble un magasin de producteurs. Ceux et celles du Wagon sont impliqués de longue date dans la lutte de Notre-Dame-des-Landes.
Michel en connaît un rayon sur les luttes paysannes qui ont agité la région, depuis les paysans-travailleurs dans les années 1970 jusqu’à aujourd’hui, pour maintenir les petits exploitants et des pratiques paysannes face aux « cumulards » ou à l’agro-industrie. Il nous parle de la coopérative locale, Terena, qui cherche à devenir hégémonique et à imposer sa loi. Il nous raconte comment encore récemment, lui et d’autres se sont organisés collectivement avec succès pour faire pression face à un des plus gros propriétaires agricoles du coin et lui arracher 30 hectares en vue d’une installation.
Le soir, certain·e·s d’entre nous se rendent à Ancenis pour une soirée d’infos sur la lutte. Après un bref historique, nous projetons un petit film qui vient d’être réalisé sur la ZAD et qui montre différents aspects de la vie sur place : pratiques agricoles, constructions, vie collective… Il s’ensuit un tas de question et d’échanges sur les manières de s’organiser à autant sans structures hiérarchiques et avec des entités et personnes aussi hétérogènes, sur les possibilités de sortir nos vies de l’économie marchande et sur les différentes manières de penser le « confort ». Des habitants d’Ancenis s’interrogent sur les manières dont ce qui s’expérimente sur la ZAD pourrait être transposable en ville. Nous rappelons qu’il va falloir continuer à batailler dans les mois à venir pour arracher l’abandon du projet et transmettons diverses invitations à venir sur la ZAD, notamment pour répondre à notre propre appel d’offres les 30 et 31 janvier.. On vous en reparlera dans les jours à venir.
Le départ collectif à eu lieu à l’heure ce matin, et à deux cents c’est pas rien. Le convoi s’est dirigé vers Angers… s’est retrouvé bloqué peu après par quelques centaines de policier — prochain épisode demain.
Sons de la tracto-vélo entre Notre-Dame-des-Landes et Paris du 21 au 28 novembre
Vidéo : les opposants roulent de Notre-Dame-des-Landes vers Paris
Petite collection de photos
Mur de twitter avec d’autres photos
Source : Marche sur la COP !