la voie du jaguar

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Vierge indienne et Christ noir (XV)

Celle à la jupe de serpents

lundi 15 mai 2017, par Georges Lapierre

L’essai de Georges Lapierre Vierge indienne et Christ noir,
une « petite archéologie de la pensée mexicaine », paraît en feuilleton,
deux fois par mois, sur « la voie du jaguar ».

Une gravure de Posada reproduite sur la page de couverture du livre de León-Portilla Tonantzin Guadalupe nous fait entrevoir ou, plutôt, pressentir ces correspondances souterraines, ces substitutions clandestines, ces glissements vertigineux d’un univers mental à un autre univers mental. Ce fragment d’une gravure nous montre la population d’un village mexicain agenouillée devant l’apparition miraculeuse d’une image de la Vierge de Guadalupe Tepeyac au cœur d’un agave majestueux.

Faisons maintenant une petite incursion dans l’univers religieux des Aztèques : nous pouvons voir au Musée d’anthropologie de Mexico une statue gigantesque, d’une rare et terrifiante beauté. Elle représente Coatlicue, la déesse mère primitive avec sa jupe de serpents entrelacés. Deux cœurs humains, fraîchement sacrifiés, et quatre mains coupées, paumes offertes, forment comme un collier sur sa poitrine dénudée. La ceinture qui soutient sa jupe est formée par un serpent noué sur son nombril et dont la tête et la cascabelle pendent mollement sur ses cuisses, à la place du nœud, en fait à l’emplacement du nombril, une tête de mort clôt comme un médaillon le collier des offrandes sacrificielles : ce qui se trouve à la fin se trouve aussi au commencement, c’est la mort. Le rituel du sacrifice met l’homme face à la mort, source de vie : la mort des guerriers suppliciés régénérant le cosmos ; c’est aussi le rituel de la guerre sacrée ou « guerre fleurie ». « Un sentiment de maternité émane de ce monstrueux monolithe, mais avec un arrière-goût de guerre et de mort laissé par ces cœurs et par ces serpents », écrit le père Garibay, qui fut un grand connaisseur de la langue et de la civilisation nahua.

La déesse est décapitée. Sa tête est remplacée, par deux énormes têtes de crotale qui semblent sourdre, comme une force obscure et tellurique, de son corps. Ces deux têtes de serpent se font face et se touchent, les crocs bien en évidence, pour ne former qu’une seule tête avec un front plat, deux yeux et une bouche monstrueuse. C’est le signe de la dualité sans laquelle il n’y a ni mouvement, ni parole, ni intelligence, ni connaissance. Le dieu principal de Tajín, que l’on peut observer sur un bas-relief du jeu de pelote sud, est formé par deux corps allongés et deux têtes qui s’unissent de profil pour donner ainsi, de face, une seule tête, qui semble nous regarder, avec deux yeux, un nez, une bouche, deux pendentifs d’oreille… tout comme la tête monstrueuse de Coatlicue.

La tête de la déesse a-t-elle été coupée comme on coupe, ou incise, la fleur de l’agave, hampe de plusieurs mètres de hauteur, pour en recueillir lors de l’unique floraison, une quantité invraisemblable de jus, l’aguamiel des Mexicains d’aujourd’hui ou le necutli des Aztèques ? Après fermentation, ce jus donne le pulque ou l’octli, une boisson légèrement alcoolisée au début, mais dont la fermentation se poursuivra clandestinement dans l’estomac du buveur, devenu ainsi son propre alambic, lui procurant une ivresse bienheureuse à retardement. Le menu peuple mexica, comme aujourd’hui le petit peuple mexicain, consommait cette boisson heuristique les jours de fête. Le maguey meurt après cette fabuleuse montée de sève. Par son sacrifice [1], par sa mort rituelle, Coatlicue, Notre Mère, se fait dispensatrice d’abondance, elle libère son précieux sang pour les Chichimèques, ces tribus nomades nahua des terres arides du Nord dont sont issus les Aztèques. Son sacrifice devient une source prodigieuse d’énergie vitale surgie des profondeurs telluriques.

Cette idée de la mort sacrificielle comme source de la vie se trouve confirmée si nous comparons cette statue de Coatlicue avec celles qui représentent les femmes mortes en couche. Ces femmes, qui avaient fait le sacrifice de leur vie pour donner une nouvelle vie, étaient considérées comme des divinités guerrières et elles accompagnaient le soleil dans la dernière partie de sa course, du zénith à l’occident — alors que les guerriers morts à la guerre ou sur la pierre sacrificielle l’accompagnaient de l’orient au zénith. Les statues de ces femmes-dieux ou cihuateteo présentent des analogies significatives avec celle de Coatlicue : nous y retrouvons la même position des bras, les mains fermées dans un ultime effort avant de basculer dans l’autre monde — ce sont deux têtes de serpent à la place des mains, dont les crocs s’agrippent ainsi sur l’invisible chez Coatlicue. Sur certaines de ces cihuateteo, nous remarquons une tête de mort sur le nombril et deux mains coupées en forme d’offrande sur la poitrine de part et d’autre de la tête de mort [2]. À la place des deux têtes de crotale qui se font face, ces statuettes portent une tête de mort, parfois couronnées par d’autres petites têtes de mort.

Pour les Aztèques, la mort n’est source d’énergie cosmique que si elle rompt brutalement un cycle de vie, c’est alors qu’elle libère une énergie considérable : jeunes femmes mortes dans l’effort de la parturition, jeunes guerriers morts au combat, captifs sacrifiés après qu’ils eurent dansé ou combattu, c’est la vie brisée en plein élan. Christian Duverger remarque que cette conception rejoint les recherches scientifiques les plus modernes, celles qui ont donné naissance à l’énergie atomique : là aussi, c’est la brusque interruption du cycle normal de vie de l’atome qui dégage une énergie terrifiante. Cette énergie ainsi déployée a pour fonction, chez les Aztèques, de retarder le déclin et la fin inéluctable de l’univers.

Qu’y a-t-il de commun entre notre Vierge Marie si aseptisée et Coatlicue, la Tonantzin du monde nahuatl ? Il semble que nous nous trouvons dans une tout autre dimension, et pourtant c’est bien la Vierge Marie qui se substitue au cœur de l’agave à la déesse chtonienne, à la femme à la jupe de serpents, habitée par les forces vitales de la terre. Y a-t-il, dans les secrets du temps et de notre mémoire profonde, une source commune d’où naissent les mythes et les cosmogonies ? De quel abysse surgit l’image mentale de la terre cosmique à la fois vierge et mère, prodigue de ses richesses, Terre de notre chair, Tonacatlalpan, Terre fleurie, Xochitlalpan, et Terre céleste, Ilhuicatlalpan, celle qui a enfanté celui qui donne la vie et chasse les ténèbres ?

Selon une légende recueillie par Sahagún, Coatlicue, après avoir donné naissance à la Lune, Coyolxauqui, celle qui porte un masque de cascabelles, et aux innombrables étoiles de la Voie lactée, les Centzon Huitznahua, les Quatre Cents Guerriers du Sud, Coatlicue, donc, se promenait un jour sur la colline aux serpents…, quand une boule de plumes de colibri vint se poser sur son sein. Cette boule de plumes de colibri était la substance (ou la « chair ») du dieu guerrier, Huitzilopochtli, le Colibri gaucher, envoyée par le seigneur de notre chair, Tonatecuhtli. Coatlicue tomba enceinte. Cette immaculée conception ne fut pas du goût de ses premiers enfants, la Lune et les Quatre Cents Guerriers du Sud. Devant cette grossesse si peu naturelle, ils se fâchèrent et menacèrent de tuer leur mère. C’est alors que l’enfant qu’elle portait en son sein la rassura : elle n’avait rien à craindre, il saura la défendre. Au terme de la grossesse, l’enfant sortit tout armé du ventre de Coatlicue et poursuivit sa sœur et ses frères qu’il tua de son xiuhcoatl, son serpent de feu.

Chaque lever du soleil répète et commémore ce drame cosmique. Nous retrouvons dans la représentation de la Vierge telle qu’elle est vénérée dans la basilique du Tepeyac les éléments de ce mythe cosmologique : le Soleil, les étoiles du voile qui la recouvre, la Lune sur laquelle elle repose. D’ailleurs son image évoque d’avantage la Femme vêtue de lumière de l’Apocalypse de saint Jean, plus proche du mythe dans sa dimension cosmique, que la Vierge Marie traditionnelle : « Un signe grandiose parut au ciel : c’est une femme ! Le Soleil l’enveloppe, la Lune est sous ses pieds et douze étoiles couronnent sa tête. » Nous avons abordé cette question dans la première partie du texte, arrêtons-nous sur cet archétype de la Terre Mère enfantant le Soleil. Nous voyons deux cosmovisions parfaitement étrangères l’une à l’autre se rejoindre autour d’images archétypales, qui semblent bien constituer un fond commun où l’humanité puise ses thèmes fondateurs. Ce fond commun touche à l’expérience originelle du monde tel qu’il apparaît à la conscience de l’homme devenu homme, il nourrit la pensée mythique et, par suite, bien qu’elle s’en garde parfois, la pensée religieuse. Ce moment originel ou moment atemporel de la création correspond au moment de l’invention de l’homme par l’homme : le cosmos surgit alors de la conscience de soi, et c’est un émerveillement toujours renouvelé. Un chrétien d’aujourd’hui, vivant dans un monde désenchanté, peut bien être dupe et croire que la religion a rompu avec la pensée mythique, ce n’est pas le cas pour un Indien tzotzil de Zinacantán [3], qui voit dans le Christ la figure du soleil, et dont la pensée continue à s’abreuver à cette source surgie des profondeurs de l’imaginaire.

Sans doute la Vierge Marie garde-t-elle dans notre « Orient » secret le visage de la Terre céleste, mais des siècles d’une éducation chrétienne centrée sur la quête d’une abstraction toujours plus grande ont refoulé cette image. Au Mexique, tout a été mis en œuvre, côté espagnol, pour prendre possession d’un espace consacré à la déesse mère et substituer à l’image de Coatlicue l’image épurée de la Vierge Marie. Le mythe de l’apparition de la Vierge sur la colline du Tepeyac puise à la même source que le mythe ancien mais pour le supplanter d’une manière qui se voudrait définitive.

Les conquérants espagnols vont transformer à leur avantage l’image primordiale de la Terre Mère donnant naissance au Soleil, comme l’avait fait avant eux les Aztèques, qui avaient déjà modifié à leur avantage l’image de la déesse chtonienne primitive pour en faire la mère de leur dieu tutélaire, Huitzilopochtli : Coatlicue [4] devenant Tonantzin, la mère des Aztèques. Dans ces transformations successives, Coatlicue donnant naissance à Tonatiuh, le Soleil, Tonantzin donnant naissance à Huitzilopochtli et la Vierge Marie donnant naissance au Christ, le mythe s’éloigne peu à peu de l’archétype qui était au commencement pour prendre un sens plus abstrait, plus métaphorique : le Christ, le fils de lumière (de la foi et de la vérité), chassant les ténèbres (de l’idolâtrie et de l’obscurantisme), par exemple. Dans ce glissement vers la métaphore ou l’allégorie l’image primordiale ne disparaît pas pour autant, elle reste le support, l’assise enfouie de la métaphore.

Même si, tout au fond, nous pouvons trouver des similitudes profondes entre les images primordiales, chacun vient avec son propre héritage mental et culturel : d’un côté nous avons l’héritage mésoaméricain, de l’autre un double héritage indo-européen et oriental. Le glissement qui va de Cihuacoatl ou de Coatlicue, la Femme Serpent, à la Vierge Marie n’est possible et ne vaut que pour un Indien embrassant la religion chrétienne comme ce fut le cas pour l’auteur nahuatl du Nican mopohua, Antonio Valeriano. Les Espagnols sont venus avec leur propre héritage d’images archétypes, et c’est dans ce corpus qu’ils vont puiser pour donner un tout autre contenu à la légende des apparitions de la Vierge sur le Tepeyac. Quand Miguel Sánchez s’inspire du texte original pour écrire son livre, il donne une autre orientation à la légende des apparitions de la Vierge, il ignore ce que pourrait être le sens initial du texte. Les concepts nahuas et les références culturelles et religieuses qui accompagnent et sous-tendent la narration de Valeriano lui sont étrangers. Sa référence, ainsi que nous l’avons vu, reste l’Apocalypse selon saint Jean.

Sánchez nous avait donné une lecture chrétienne et occidentale de l’image de la Vierge de Tepeyac, aujourd’hui une tout autre exégèse est proposée qui tente de faire une autre lecture de l’image, une lecture indienne, cette fois-ci : lire l’image à la manière d’un codex, comme elle a pu être lue par les contemporains nahua de Valeriano ou de Marcos Cipac, en prenant en compte les couleurs, les éléments symboliques comme le Soleil (Tonatiuh), la Lune (Coyolxauqui), les étoiles (Centzon Huitznahua, les Quatre Cents Guerriers du Sud), l’ange ou l’enfant aigle qui supporte le croissant de lune sur lequel se trouve la Vierge, la disposition de ces divers éléments sur la surface de la toile, et aussi les glyphes qui décorent la robe de la Vierge : la fleur à quatre pétales, dont j’ai déjà parlé comme désignant le lieu du couple primordial, elle représente aussi avec son rond central les cinq directions : le centre où se trouve le foyer, le dieu du feu cosmique, Xiuhtecutli, à partir duquel partent les quatre directions, le Nord auquel sont associés le froid, la nuit, la mort, le monde souterrain ; le Sud, qui représente l’opposé du Nord avec la chaleur, le jour, la vie, le monde céleste ; l’Est auquel se trouvent associés, l’étoile du matin, l’homme, la jeunesse ; l’Ouest avec l’étoile du soir, la femme, la vieillesse [5]. Nous pouvons y deviner aussi les glyphes qui représentent les Calpulli, ce sont des unités territoriales dont les membres sont liés par des liens de parenté, de réciprocité et de solidarité ; ces glyphes ont la forme d’une colline, l’Altepetl (apocope d’Alt signifiant « eau » et Tepetl, « montagne ») ; il y aurait le glyphe de Tepeyac, par exemple. Les huit fleurs à huit pétales ont aussi attiré l’attention des exégèses, pour certains, elles représenteraient les huit conjonctions du Soleil et de Vénus qui ont précédé la venue d’une nouvelle ère avec l’apparition de la Vierge…

Je pense cependant qu’aussi bien la glose de Sánchez, en direction de la société mexicaine occidentalisée et christianisée, que celle qui prévaut aujourd’hui parmi une certaine jeunesse attachée à ressusciter l’antique culture ne touchent qu’un public très réduit dans la foule des pèlerins qui se rendent à Tepeyac. La raison en est simple : c’est la société dans son ensemble qui donne un contenu à une image. L’exégèse de Sánchez répondait et même devançait les sentiments qui remuaient la société coloniale de son époque. Accomplir la démarche inverse et penser faire revivre une culture disparue et renouer avec elle en interprétant une image dans les termes de cette culture, c’est mettre la charrue devant les bœufs. Ce sont les sociétés et leur culture qui donnent un sens à l’image et non l’inverse. La culture, liée à une organisation sociale et son histoire, organise l’imaginaire, elle lui confère une cohérence propre, intime, elle structure l’imaginaire et la pensée, et c’est cet imaginaire partagé par tous qui permet une lecture eurythmique de l’image. La société mexicatl telle qu’elle existait encore au milieu du XVIe siècle au temps de l’auteur du livre Nican mopohua et du créateur de la peinture n’existe plus aujourd’hui. En nous appuyant sur le livre et la peinture, nous avons seulement tenté une ouverture et une toute petite incursion dans le passé préhispanique des cultures mésoaméricaines et des cosmovisions, les représentations de la réalité et de l’être, qui avaient alors cours. Dire que la culture des peuples indiens contemporains n’est plus celle des Aztèques au moment de la conquête ne signifie pas que la culture mésoaméricaine ait totalement disparu. Cette culture a été profondément retravaillée à partir de ses fondamentaux et elle est toujours présente sous une forme renouvelée dans la cosmogonie des peuples aujourd’hui.

Le mythe de la Terre-Mère enfantant le Soleil est encore bien vivant chez beaucoup de peuples originaires, il reste un élément culturel fort et bien présent au sein d’une cosmogonie originale : au centre du Tuki, de la maison cérémonielle, le feu brûle, c’est lui, le feu primordial, le Grand-Père-Feu, le premier et le plus grand chaman qui va inspirer et accompagner le chanteur, le mara’akame ou chaman huichol, durant toute la nuit. Chaque nuit, écrit Denis Lemaistre [6], la Terre-Mère porte de nouveau le Soleil en elle, comme au commencement. Le Soleil diurne, « notre créateur », est alors « celui qui chemine caché » (awiexüki) ; un enfant fragile au cœur des ténèbres, et quand, enfin, soutenu par le chant de ses héritiers, de ses « descendants » humains, il apparaît à l’aube, le chant dira : yu keiyari mewatinexüa, « Il est sorti de son placenta ».

(À suivre)

Notes

[1Sur le sacrifice chez les Aztèques et sa signification, cf. Christian Duverger, deux livres, La Fleur létale. Économie du sacrifice aztèque et L’Origine des Aztèques.

[2Les mains des femmes mortes en couche portaient chance aux guerriers et les familles devaient protéger le cadavre de peur qu’on ne lui coupât les mains. La main porte-bonheur, ou porte-chance, dont l’origine est tragique, mains de femmes mortes en couche ou mains de pendus, nourrit les légendes de part et d’autre de l’Atlantique (cf. Gérard de Nerval, La Main de gloire).

[3Zinacantán, ville proche de San Cristóbal de Las Casas, dans le Chiapas. Par ailleurs, se reporter aux travaux d’Evan Vogt, cf. Vogt (Evan Z.), Ofrendas para los dioses, Análisis simbólico de rituales zinacantecos, Mexico, Fondo de Cultura Económica (FCE), 1983 (Titre original, Tortillas for the Gods, 1976).

[4Le culte de Coatlicue est très ancien, il remonterait aux premiers agriculteurs du Plateau central.

[5Duverger (Christian), El primer mestizaje, Mexico, 2007.

[6Lemaistre (Denis), Le Chamane et son chant. Relations ethnographiques d’une expérience parmi les Huicholes du Mexique, L’Harmattan, 2003.

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