Dans la première partie de ces considérations, j’ai eu l’occasion d’aborder la question de la monnaie d’un point de vue général en partant de l’idée que tout bien ayant une valeur d’échange peut être utilisé comme monnaie à condition de présenter quelques caractéristiques qui permettent de quantifier sa valeur en l’augmentant ou en la diminuant jusqu’à obtenir une équivalence avec le bien échangé (j’y reviendrai). J’avais surtout noté une idée qui m’apparaissait pleine de promesses théoriques et qui m’apparaît toujours particulièrement intéressante : la monnaie est avant tout une tournure d’esprit. Recourir à une monnaie d’échange n’est pas insignifiant comme nous pourrions le penser, cela signifie que les protagonistes de l’échange ne cherchent pas à s’engager dans un jeu de prestige et à donner à leur échange une quelconque publicité. Il s’agit d’un échange qui se soustrait à une relation intersubjective, la personne s’évapore ; son lien avec les autres, le lignage, le clan ou le village n’existe plus ; le protagoniste ou les protagonistes de l’échange ne se posent plus comme sujets ; ce qui constituait leur humanité s’est dissous ; nous avons affaire à des individus engagés dans un échange privé (sous-entendu de dimension sociale et publique). En général, les peuples ont recours à cette forme d’échange dans un troc avec un partenaire qu’ils ne connaissent pas et avec lequel ils n’ont aucune relation sociale fixée par la coutume, ce partenaire leur est, dans le sens le plus stricte du terme, étranger. (...)